Edito
12H05 - lundi 16 novembre 2020

Covid-19 et vaccination, quand Marine Le Pen nourrit le complotisme… L’édito de Michel Taube

 

En se prononçant hier sur BFMTV contre la vaccination obligatoire contre le Covid-19, Marine Le Pen confirme son absence de sens des responsabilités, pourtant indispensable à l’exercice de hautes responsabilités politiques, a fortiori la magistrature suprême. Ce faisant, non seulement elle alimente les thèses complotistes trop en vogue actuellement, mais elle contribue à empêcher la sortie d’une crise sanitaire dont les effets économiques et sociaux sont déjà dramatiques, potentiellement chaotiques, ce qui sert évidemment ses intérêts.

En octobre 2018, Opinion Internationale avait consacré un article au débat sur la vaccination, à la suite de thèses complotistes insidieusement entretenues par certains politiques, comme la députée européenne écologiste Michèle Rivasi qui dénonçait le « racket des laboratoires ».

Hier Marine Le Pen s’étonnait que l’on puisse condamner fermement le non-documentaire « Hold-up », tissu de thèses complotistes et populistes, se cachant, comme beaucoup d’extrémistes aujourd’hui, derrière cette sentence :  « La liberté d’expression ne consiste pas à ce que tout le monde soit d’accord. Chacun peut regarder ce documentaire et se faire son opinion ». Eh bien non Madame Le Pen, « Hold-up » ne véhicule pas une opinion mais une idéologie politique et suicidaire à laquelle adhèrent bon nombre de ses partisans.

Revenons sur le vaccin : alors que la France est, grâce à Louis Pasteur, le pays où fut inventée la vaccination moderne, les Français sont parmi les habitants les plus réticents de la planète à se faire vacciner contre le Covid-19, selon une étude du Forum économique mondial. Or, sans une vaccination massive de la population, on ne pourra mettre fin à la circulation du coronavirus et donc à cette pandémie qui ne détruit pas seulement des vies, mais qui peut conduire à un appauvrissement global de population, au détriment de ceux qui sont déjà en bas de l’échelle sociale.

Bien sûr que la vaccination va enrichir les laboratoires, de même que construire des écoles et des hôpitaux enrichit les entreprises du BTP. Bien sûr qu’il est déjà advenu que des vaccins induisent des effets secondaires, principalement du fait des excipients. En outre, on peut comprendre que la rapidité avec laquelle a été annoncée la découverte du vaccin contre le Covid-19 puisse surprendre, quand on sait qu’il faut habituellement plusieurs années, voire décennies de recherche pour élaborer un vaccin.

Mais aucun de ces arguments, aucune de ces inquiétudes, ne saurait justifier que l’on ne vaccine pas tous les Français pouvant l’être, à commencer par les personnels soignants et les personnes à risque, contre un fléau si destructeur.

Le ratio bénéfice/risque devrait logiquement clore tout débat, toute polémique. Jamais la recherche scientifique n’avait mis autant de moyens, d’énergie, de motivation, de technologie, de puissance de calcul pour élaborer un vaccin. Jamais autant de personnes à travers le monde n’avaient participé au protocole de test. Des cobayes volontaires, diront certains, mais cela devrait au moins rassurer ceux qui disent aujourd’hui ne pas vouloir être cobayes lors de la disponibilité du vaccin pour le grand public.

Certes, ce sera le jackpot pour les laboratoires, et pas seulement pour le premier arrivé, l’américain Pfizer et son associé allemand BioNTech, dont le vaccin doit être conservé à -72°, ce qui pose des problèmes logistiques auxquels les concurrents comme Sanofi ou Pasteur ne seront peut-être par confrontés.

Le seul fait que de nombreux laboratoires (il y a aussi les Russes et nous ne serions pas étonnés que les Chinois ne dégainent rapidement le leur) disposeront bientôt de leur propre vaccin devrait aussi contribuer à détruire les mythes complotistes : non, ce n’est pas Pasteur qui a inventé le Covid, comme on peut le lire sur les réseaux sociaux. Et si on ne lisait que cela : selon certains, il ne faut surtout pas se faire vacciner, car le vaccin contiendrait une micro puce permettant à l’État de nous contrôler à distance. Rien que ça ! Et pourtant, tant d’incrédules et d’ignorants ne demandent qu’à le croire.

Le complotisme, auquel Marine Le Pen apporte un soutien assez malin et sournois pour qu’elle puisse le nier (mais complotisme et extrême droite ont toujours fait bon ménage), est une maladie encore plus mortelle que le Covid-19. Mais lorsqu’elle affirme que chacun doit se déterminer en son for intérieur, la cheffe du RN nuit à la France et aux Français. Une pareille irresponsabilité en matière de santé publique est une faute politique majeure. Surfer sur les résistances envers le vaccin pour servir son dessein politique relève du populisme au sens le plus péjoratif du terme.

À l’inverse, les plus optimistes et déterminés à se faire vacciner ne devraient pas penser que nous en avons fini avec le Covid-19. D’abord, le vaccin ne sera pas disponible à grande échelle avant plusieurs mois. Ensuite, cette épidémie, qui ne sera sans doute pas la dernière, a mis en lumière des dysfonctionnements structurels et organisationnels bien au-delà de l’actuelle crise sanitaire. Au premier chef, il est aujourd’hui évident, sauf encore pour les pouvoirs publics sous l’emprise des mandarins de la médecine hospitalière, que l’indispensable priorité à la prévention qui devait être le cœur de la politique sanitaire du quinquennat (dixit Emmanuel Macron durant la campagne de 2017), ne pourra prospérer sans une réhabilitation des médecins de ville, des infirmiers et des pharmaciens, snobés et méprisés durant cette crise, au détriment de tous. Nous aurons très prochainement l’occasion d’y revenir.

 

Michel Taube

 

 

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