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08H00 - jeudi 13 février 2014

L’Islam contre les islamistes (3/5)

 

Malgré l’affirmation de la charia comme source de la Loi, l’Égypte est, avec l’université Al-Azhar, le centre de l’Islam du juste milieu. C’est cette conception de l’Islam que les Frères musulmans ont voulu abattre.

 

 

Logo de l'université Al-Azhar au Caire

Logo de l’université Al-Azhar au Caire

 

Une autre dimension de la crise égyptienne est sans doute venue accélérer la chute des Frères musulmans et donne à cette révolution son caractère véritablement universel. Nous sommes en Égypte. Le Caire est née il y a 1 500 ans le même jour que l’université d’Al-Azhar et est la capitale mondiale du sunnisme éclairé. C’est au Caire que tous les savants sunnites du monde entier viennent étudier l’Islam. Mais l’université d’Al-Azhar qui accueille 500 000 étudiants chaque année, c’est l’Islam modéré, « c’est l’Islam du juste milieu », comme nous le confie Mahmoud Azab, conseiller du Grand Imam d’Al-Azhar pour le dialogue.

Les Frères musulmans s’en sont pris de front à Al-Azhar et à l’Islam modéré qu’elle incarne et ont voulu lui opposer l’Islam des paliers (des immeubles), celui des pauvres et des petites mosquées allié à une Union des oulémas de l’Islam téléguidée par le Qatar. Les Égyptiens n’en ont pas voulu.

On ne le sait pas assez en Occident – et cette question nous concerne directement : l’Égypte est le berceau et la capitale de l’Islam des Lumières. Le recteur de l’université Al-Azhar, son conseiller spécial ont vécu des décennies en France et ont étudié à la Sorbonne.

Or, des Frères musulmans ont brûlé des amphithéâtres de la prestigieuse université Al-Azhar et des morts et des blessés sont tombés dans ce haut lieu de l’Islam modéré. Les Frères musulmans s’en sont pris aussi à l’esprit de l’Égypte dans sa dimension spirituelle.

C’est donc aussi pour des raisons religieuses que les Égyptiens ont si manifestement rejeté le système que Morsi et la Confrérie s’apprêtaient à leur imposer : les Égyptiens ne voulaient pas de l’Islam que leur promettait Morsi, ni de la tutelle que les Frères musulmans voulaient imposer contre l’université Al-Azhar.

 

Oui à un Islam spirituel, non à un Islam politique

 

Si les Frères musulmans ont voulu casser la maxime égyptienne « la religion pour Dieu, la patrie pour tous », il reste deux bémols : la nouvelle Constitution pose la charia comme source de la loi. Ensuite, un acteur religieux est resté dans le jeu politique, sorte d’ovni opportuniste : les salafistes du parti Al-Nour. Plus pragmatiques, créés par Moubarak pour affaiblir les Frères musulmans, ils ont, eux, choisi de jouer le jeu de la feuille de route lorsque Morsi est tombé. Le parti Al-Nour avait bénéficié de 20 % des suffrages lors des législatives de 2012. Leur chef était présent le jour où, entouré du grand Mufti d’Égypte, le chef des armées, Al-Sissi, a déposé Morsi. Quelques mois plus tard, leur doctrine de retour aux origines et de négation de l’État d’israël (un peu comme les juifs orthodoxes en Israël qui contestent la légitimité de l’Etat tout en profitant des avantages qu’il leur garantit) a fait qu’ils n’ont pas franchement participé au référendum de la mi-janvier. A la question : « présenterez-vous un candidat à la prochaine présidentielle ? », Monsieur Yahya al-Sati Saddalla, un de ses représentants, nous fit cette réponse fameuse : « non, un croyant ne se fait pas mordre deux fois par un serpent ».

Plus rigoristes que les Frères musulmans, les salafistes ont en revanche une approche plus spirituelle et intérieure de leur religion ce qui les rend politico-compatibles avec une Égypte plus moderne. Les Frères musulmans avait un projet d’Islam politique où l’État devait être quasiment détruit à terme pour assurer la gloire des autorités religieuses. C’est cet Islam politique que le peuple égyptien a manifestement rejeté.

 

Sommaire :

 

Mardi 11 février : L’Égypte déchirée entre liberté et terrorisme et Une certaine idée de l’Égypte

Mercredi 12 février : Une démocratie armée

Jeudi 13 février : L’Islam contre les islamistes

Vendredi 14 février : Les « crimes » des Frères musulmans

Lundi 17 février : La France et l’Égypte : une passion réciproque

Mardi 18 février : « Il faudra du temps pour sortir d’un système dominé par l’armée ». Entretien avec Agnès Levallois, spécialiste du Moyen-Orient

Jeudi 20 février : « L’Egypte ne peut se comprendre sans prendre la mesure du rôle qu’y joue l’armée ». Entretien avec Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE)

 

Directeur de la publication

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