International
14H50 - lundi 8 octobre 2012

Thorbjørn Jagland, secrétaire général du Conseil de l’Europe : « Trouver un terrain d’entente avec les nouvelles forces politiques des démocraties émergentes est indispensable. »

 

Monsieur Thorbjørn Jagland, pourquoi le Conseil de l’Europe dont vous êtes le Secrétaire général, a-t-il décidé d’organiser le Forum mondial de la Démocratie qui se tient à Strasbourg du 5 au 10 octobre ?

Nos raisons sont assez simples. Les vieilles démocraties font face à de très nombreuses difficultés, mais en même temps, de nombreuses et nouvelles démocraties sont en train d’émerger. De grands changements sont en cours dans des régions du monde qui ne connaissaient pas la démocratie. Il nous paraissait judicieux et opportun de nous interroger sur ces défis qui concernent autant les démocraties anciennes que ces démocraties nouvelles.

Le Forum mondial de la démocratie est sous-titré « la démocratie à l’épreuve : entre modèles anciens et réalités nouvelles ». Diriez-vous que les démocraties ont l’obligation de changer, et pourquoi ?

Je pense en effet que de profonds changements sont nécessaires dans la façon dont les systèmes politiques démocratiques fonctionnent, essentiellement à cause des nouvelles technologies et de la globalisation de l’économie. Le monde change si vite aujourd’hui qu’il ne laisse plus beaucoup de place aux processus politiques démocratiques. Il est donc nécessaire de réfléchir aux mécanismes démocratiques de prise de décision. Comment les accélérer pour faire face aux marchés et à l’économie globalisée ? Parce que si les institutions démocratiques s’avèrent incapables de prendre des décisions en temps voulu, alors les forces du marchés auront systématiquement le dessus.

Peut-on dire que la religion est le principal défi des démocraties émergentes, comme l’économie est celui des vieilles démocraties ?

La religion est certes un défi, mais c’est loin d’être un défi majeur, même pour les jeunes démocraties. La globalisation de l’économie est un défi dont les implications sont beaucoup, beaucoup plus profondes que la religion. Il est vrai que la religion produit de nombreuses tensions actuellement, mais je pense que des solutions sont disponibles.

De quelle façon le Printemps arabe a-t-il influencé les réflexions autour du Forum mondial pour la démocratie ?

L’émergence des nouvelles démocraties est bien sûr très important, en particulier le rôle joué par les jeunes. Ce sont eux qui ont démarré les révolutions au sud de la Méditerranée et dans le monde arabe. Il est très important qu’ils établissent des liens avec l’Europe. Il est tout aussi important que de notre côté, nous Européens, comprenions leur façon de penser. Trouver un terrain d’entente entre les forces démocratiques en Europe et celles des démocraties émergentes est indispensable.

Mais il y a comme un paradoxe dans ces nouvelles démocraties. Les dictateurs sont partis, mais en même temps des forces très conservatrices ont été libérées. Qu’est-ce que cela implique ?

Il est tout à fait possible de surmonter ce paradoxe. Il faut comprendre que des sociétés différentes sont à des stades différents. Il faut aussi tenir compte de tout leur contexte historique. Il faut observer attentivement la situation de chaque société. Les changements ne peuvent provenir que de l’intérieur, pas de l’extérieur. Il faut être patient, ne pas s’attendre à voir s’installer une société à la fois totalement nouvelle et pérenne après seulement quelques mois. Tout cela prend du temps.

« Peut-on imposer la démocratie ? » figure justement parmi les thèmes principaux choisis pour le Forum. Que nous a appris l’expérience irakienne à ce sujet ?

Je ne pense pas qu’il soit possible d’imposer la démocratie de l’extérieur. Ce qui a été fait en Irak est un exemple de ce qu’il ne faut pas faire. La démocratie doit vraiment venir de la base d’une société. Il est bien sûr possible de soutenir les forces favorables à la démocratie au sein des sociétés, et ce de multiples façons. Mais c’est quelque chose qui doit être fait selon leur volonté, si elles le demandent.

Strasbourg abritera de nombreuses manifestations liées au Forum, dispersées dans  toute la ville. La participation de la société civile est-elle un point particulièrement important pour vous ?

Oui. Nous tenons à ce qu’il y ait de nombreux évènements en parallèle qui attireront autant que possible les ONGs et la société civile. Les grands forums mondiaux comme celui-ci ne sont souvent faits que pour les membres des élites dirigeantes. Ils viennent, ils discutent entre eux puis s’en vont. Il n’y a que très peu de dialogue avec les citoyens. La plupart d’entre eux ne voient que des images télévisées de ces manifestations. Nous voulons impliquer un public beaucoup plus large, beaucoup plus étendu. C’est pour cela que nous proposons une grande variété d’évènements en-dehors de l’enceinte du Conseil de l’Europe.

Le Forum mondial pour la démocratie abritera aussi une session de l’Assemblée des jeunes. Ressentez-vous un fort désir pour plus de démocratie parmi la jeunesse mondiale ?

Tout à fait. Le Printemps arabe l’a largement démontré. Ce sont les jeunes qui sont allés « au front » pour réclamer des changements. Il est important pour nous de mettre en relation tous ces jeunes gens, les jeunes Européens et les jeunes venus du Sud. La jeunesse est l’une des principales forces politiques de la planète, son rôle est primordial aujourd’hui.

Propos recueillis par Yannick Le Bars

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