A ciel ouvert
18H01 - jeudi 6 mars 2025

L’industrie aéronautique et spatiale : des univers « ouverts » aux femmes ? La chronique de Magali Rebeaud

 

Stéréotypes de genres, manque de modèles féminins, inégalités d’accès à certaines formations… de nombreux facteurs culturels, sociaux ou éducatifs expliquent la sous-représentation des femmes dans les métiers de l’aéronautique, du spatial ou de la défense. Aujourd’hui de plus en plus d’initiatives visent à accroître la mixité professionnelle au sein des entreprises du secteur.

Le secteur aéronautique et spatial et plus globalement les métiers de l’industrie, techniques ou scientifiques ont longtemps été perçus comme des univers à dominance masculine. Les femmes y étaient largement sous-représentées, tant dans les équipes techniques que dans les postes de direction, en raison de stéréotypes de genre, de préjugés sur les compétences ou de la difficulté d’allier carrière et vie personnelle dans des secteurs souvent exigeants. Longtemps assignées à des rôles administratifs ou de support, des femmes parviennent depuis quelques décennies à se faire une place dans ces univers. Avec une prise de conscience croissante des enjeux liés à la diversité et à l’inclusion, la féminisation des entreprises aéronautiques et spatiales devient aujourd’hui un objectif stratégique.

La loi « Rixain »

La mixité et l’égalité professionnelle font en effet partie des grandes préoccupations de l’État et sont devenues des objectifs majeurs que les entreprises et les institutions promeuvent par des actions de sensibilisation. La France s’est en outre dotée d’une législation reconnue comme l’une des plus avancées dans le monde, avec notamment la mise en œuvre en 2019 par le ministère du Travail, de l’index de mesure de l’égalité femmes-hommes dans les entreprises.

Par ailleurs, afin d’accélérer la participation des femmes à la vie économique et professionnelle, la loi dite « Rixain » du 24 décembre 2021, impose aux sociétés de plus de 1000 salariés un comité exécutif composé de 30% de femmes d’ici 2027 et 40% d’ici 2040.

 

Des initiatives pour encourager la mixité

On constate une évolution du taux de féminisation dans le secteur aéronautique et spatial. Mais la progression reste lente. Le Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales (GIFAS) recense actuellement 27% de femmes au sein de ses entreprises adhérentes (près de 500).

Des entreprises du secteur ont diversifié leurs stratégies de recrutement, en mettant en place des programmes de formation spécifiques pour les femmes. Le groupe Airbus, par exemple, qui compte 25% de femmes à son comex et 18% parmi ses ingénieurs et ses cadres, organise en partenariat avec des écoles et des associations, des journées portes ouvertes spécialement destinées aux jeunes femmes, afin de les sensibiliser aux métiers techniques de l’aéronautique. Thales, Latécoère et Safran, ont développé des réseaux de mentorat qui favorisent l’ascension des femmes dans les postes à responsabilités.

 

« Féminisons les métiers de l’aéronautique et du spatial »

Aérométiers, organisme dédié à la promotion des métiers et des formations du secteur, a créé et développé en 2021 une charte et le label « Féminisons les métiers de l’aéronautique et du spatial », soutenue entre autres par le GIFAS et la FNAM, la Fédération Nationale de l’Aviation et de ses Métiers.

Outre cette charte, Aérométiers organise des « Rencontres ». Le 11 mars 2025, sur la Base aérienne 106 de Bordeaux-Mérignac, en partenariat avec l’armée de l’Air et de l’Espace, se tiendra d’ailleurs la 4ème édition de ces rencontres. « 300 collégiennes, lycéennes et étudiantes de l’enseignement supérieur pourront découvrir la richesse de ces métiers. Encadrées par des professionnelles engagées, elles pourront explorer les domaines de la conception, de la maintenance aéronautique, du contrôle aérien, ou bien encore du pilotage, à travers des ateliers immersifs et des jeux de rôles », annonce Nicolas Gros, directeur d’Aérométiers. porteur du label « Féminisons les métiers de l’aéronautique et du spatial. Virginie Guyot, pilote de chasse et première femme leader de la Patrouille de France (retrouvez son interview dans nos colonnes), Mirna Bechelany, ingénieure en science des matériaux chez Safran Ceramics et Mylène Genty, mécanicienne avion sur Boeing 777 et 787 chez Air France, évoqueront leurs parcours et répondront aux questions des étudiantes.

 

Susciter des vocations

D’autres initiatives de ce type voient le jour pour susciter des vocations et encourager les jeunes femmes. C’est dans cette optique que « ENVOL Junior Études », la Junior-Entreprise de l’École Nationale de l’Aviation Civile (ENAC), organise le 20 mars sur son campus de Toulouse, la 2ème édition de l’événement « Jamais un Avion Sans Elles ».

Le GIFAS prépare par ailleurs une opération de mise en visibilité des femmes dans l’aéronautique et le spatial, durant le prochain Salon du Bourget qui aura lieu du 16 au 22 juin.

L’association « Elles bougent » poursuit quant à elle son ambition de renforcer la mixité dans les entreprises des secteurs industriels et technologiques. Elle organise tous les ans un forum de recrutement dédié aux étudiantes et jeunes diplômées d’écoles d’ingénieurs et de filières universitaires scientifiques et technologiques, dans le but de les aider à développer leurs talents et à créer leur réseau. Démystifier les études d’ingénieurs, faire tomber les stéréotypes sur l’industrie et faire connaître la multiplicité des métiers et carrières, voilà le défi de l’association depuis une vingtaine d’années. « La parité existe en terminale scientifique, mais disparaît ensuite dans les études supérieures scientifiques et techniques, des filières que les jeunes femmes ignorent encore trop souvent par méconnaissance ou habitude sociétale. Nous cherchons à faire évoluer les mentalités et à démontrer que les préjugés qui persistent sur les métiers d’ingénieur-e-s et technicien-ne-s ne résistent pas à l’épreuve des faits », explique Valérie Brusseau, Présidente de « Elles bougent ».

 

« La parité n’est pas un objectif en soi, mais plus de mixité oui ! »

Aujourd’hui, selon le haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 74 % des femmes en France n’ont jamais envisagé une carrière scientifique ou technique !

À l’origine de cet état de fait très limitant pour la diversité des carrières des femmes, il y a donc ces fameux stéréotypes, des croyances ancrées très tôt, par certains parents, des enseignants et la société en général.

Comme le souligne Nicolas Gros, « la parité n’est pas un objectif en soi, mais plus de mixité oui ! Les raisons sont économiques, car le monde industriel a besoin de plus de talents, mais aussi managériales, parce que les équipes mixtes sont plus créatives et efficaces. Et elles sont également éthiques : égalité des choix donc des chances ».

 

Magali Rebeaud, 
journaliste spécialisée Aéronautique, Spatial et Tourisme