Avec l’adoption définitive, après les votes de l’Assemblée nationale hier, puis du Sénat ce jour, du budget de l’État pour 2025, personne ne pourra retirer à François Bayrou son premier succès politique d’envergure acquis depuis son accession à Matignon.
Le moins qu’on puisse dire est que les choses n’étaient pas gagnées d’avance. Avec une route budgétaire pavée de mines pour le gouvernement. Ce qui n’aura pas empêché le fondateur du MODEM, vieux briscard parmi les briscards, de les éviter pour finalement remporter haut la main le suffrage des députés, malgré le dépôt de deux motions de censure, largement rejetées après que le Rassemblement National (RN) et les socialistes (à l’exception de 6 d’entre eux) ont décidé de ne pas y apporter leur soutien.
Mais il est des victoires politiques au goût particulièrement amer. Et celle acquise par le nouveau Premier ministre, à qui l’on prête toujours des arrière-pensées présidentielles pour 2027, a aussi un douloureux parfum de défaite économique pour le pays.
Dans une conjoncture déjà parfaitement embrumée où les plans sociaux succèdent aux plans sociaux, alimentant une première dégradation sérieuse sur le front de l’emploi et où la production industrielle a déjà dévissé de -0,4% en décembre, faisant craindre le pire pour cette année (tout particulièrement dans l’automobile), le projet de loi de finances pour 2025 n’a pas de quoi rassurer les entreprises. C’est même tout le contraire.
Les partisans du verre à moitié plein porteront bien sûr au crédit du chef de gouvernement et de son ministre de l’Économie, Éric Lombard, la quasi-sanctuarisation du crédit d’impôt recherche (CIR), à peine raboté de 400 millions d’euros. Et c’est à peu près tout.
Pour le reste, les entreprises – des plus grandes jusqu’aux plus petites — vont devoir passer à la caisse. Au total, leur contribution aux efforts de rééquilibrage (bien limité) des finances publiques va s’élever à 12,6 milliards d’euros cette année. Sans compter la coupe de 1,6 milliard d’euros sur les allègements de charges, figurant au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
Les multinationales vont sentir passer l’addition : entre la surtaxe des 500 plus grandes d’entre elles dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros, qui vont devoir s’acquitter d’une « contribution exceptionnelle » (atteignant jusqu’à 41,2% au-dessus de 3 milliards de C.A), la fiscalisation à hauteur de 8% des rachats d’actions et l’augmentation de la taxe sur les transactions financières (de 0,3 à 0,4%), ces prélèvements supplémentaires ne vont favoriser ni la reprise de l’investissement ni celle de l’emploi. Avec le risque aussi que les commandes des grands groupes industriels à leurs sous-traitants de plus petite taille (les PME) soient pénalisées.
Même si le législateur a eu la main moins lourde sur les prélèvements attendus des petites et moyennes entreprises, il a provoqué une éruption cutanée d’envergure sur le visage des défenseurs de l’entrepreneuriat. Ces derniers ne pouvaient que mal supporter la décision d’abaisser le seuil d’exemption de TVA pour les plus petites entreprises, aboutissant à ce que pas moins de 200 000 d’entre elles (principalement des micro-entrepreneurs) sont désormais touchées par le nouveau seuil unique de 25 000 euros (contre 37 500 euros auparavant). De quoi décourager une bonne partie de ces artisans, petits commerçants et autres métiers du service aux conditions de vie déjà souvent précaires.
N’avait-on vraiment pas d’autre moyen pour boucler l’équation budgétaire que de s’en prendre à cette France des entrepreneurs, encore caricaturée ces derniers jours par la CGT, l’accusant de vouloir « quitter le navire », alors que c’est bien elle qui, en créant les richesses, parvient encore à le maintenir à flot ?
On ne le dira jamais assez :
Pour investir et créer de l’emploi, les entreprises ont besoin de stabilité.
Pour investir et créer de l’emploi, elles ont besoin que l’État leur fasse confiance.
Pour investir et créer de l’emploi, elles ont besoin que leurs charges continuent de baisser.
De ce dernier point de vue, le report à 2030 de la disparition complète de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) – qui aurait dû intervenir trois ans plus tôt — n’est pas une bonne nouvelle. Elle entame la confiance, déjà fragile et écornée, entre la parole politique et le monde de l’entreprise.
En 2025, plutôt que d’investir et créer de l’emploi, accélérer leurs transformations, les entreprises vont payer. Pour un désendettement public qui viendra plus tard…
Car non seulement la crédibilité de l’objectif de déficit public (5,4%) est contestée, mais malgré les coupes et taxes supplémentaires imposées aux entreprises (et dans une moindre mesure aux particuliers), le déficit de l’État va encore atteindre 139 milliards d’euros cette année.
On attendra avec beaucoup d’impatience le « budget base zéro » pour 2026 annoncé par François Bayrou… dont on espère qu’il sera autre chose qu’une simple excuse mobilisée pour faire passer la pilule du budget 2025 présenté par l’exécutif.