La chronique de Jean-Philippe de Garate
12H03 - mardi 5 septembre 2023

Maupassant, si présent. Chronique de la nouvelle époque de Jean-Philippe de Garate

 
Nombre d’auteurs ont parlé avec justesse de Maupassant.

De lui, on croit à peu près tout savoir.

Mais l’ordre que l’on donne aux chapitres de sa vie détermine en soi l’importance qu’on leur porte, et donc le profil qu’on dresse de cet homme singulier.

1. La mort a toujours été présente, là, devant soi, comme le bout de la falaise, et cet homme mort à quarante-trois ans (1850-1893) se distingue d’abord par ce refus insolent, normand, guerrier, de ne jamais l’oublier.

Dans un monde idiot -le nôtre- qui pense abolir la mort, et n’a derrière les mots que le culte de l’argent, à telle enseigne qu’après l’âge du fer, l’âge classique, le nôtre restera pour la postérité l’âge des EHPAD – la mort/la vie importe moins que l’argent – Maupassant a joué avec la mort, ricanant à l’annonce de la syphilis qui allait l’emporter.

Une (peine de) mort avec sursis qui lui aura laissé, des années durant, le témoignage, cruel mais si humain, de sa présence.

On ne le dira jamais assez : qui n’imagine pas sa mort, ne vit pas.

Car ainsi, la mort n’a jamais le dernier mot. Dans nombre des nouvelles, romans, il existe toujours un « après » : dans Le Petit Fût, la tombe se trouve arrosée de calvados.

La Normandie, des énervés de Jumièges au 19 août 1942, de Cadoudal escaladant sa falaise à l’Oscar Wilde de Berneval, la Normandie est trop rustique pour se soucier des débarquements dans l’au-delà.



Photographie de Savy Svay


2. L’amour et les femmes, associés à l’exercice physique, dépassent vite l’intrigue coquine de La Patronne, par exemple, ou la célèbre Partie de Campagne, pour devenir – le temps passant toujours- une construction sophistiquée, dont certains esprits malins ont relevé l’alacrité.

En 2023, Bel Ami ne serait plus celui qui épouse la fille après avoir séduit la mère, mais le collégien de l’âge des filles qui épouse la mère, son éternelle institutrice.

Le monde faisandé d’un certain Paris s’étend au-delà de ses salons. On épouse et on se place. Aujourd’hui, dans notre monde à la morale sélective, personne n’a relevé le montage financier qui sous-tend Mont Oriol -roman du Massif Central- pas davantage que l’antisémitisme qui y pointe comme ses roches dynamitées.

En 2023, la haine des Juifs n’est plus chrétienne. Et une autre religion un peu loin de Vatican II à cet égard.

3. La nature est une fin en soi, et la fin résume les moyens.

Finalement, que reste-t-il de ces embrouillamini, d’Une Vie et de tant d’autres existences perdues ? Les bureaux du ministère, le canotage d’Argenteuil, les Prussiens en Normandie, Zola Médan, la Riviera et les voyages, le docteur Blanche …

Reste l’ultime roman, au titre peut-être plus dur encore que Fort Comme la Mort.

Notre Cœur, pour celles et ceux qui prendront le plaisir de le (re)lire, comporte une vraie « erreur ».

Ce n’est pas l’homme, sans illusions sur soi, mais la femme qui, changeant d’identité, redevient humble.

Et enfin, capable d’amour envers autrui.

Jean-Philippe de Garaté

Ancien avocat, ancien magistrat, JPG a défrayé la chronique avec son « Manuel de survie en milieu judiciaire » (éd. Fortuna). « Du côté de chez Céline » (éd. Portaparole) a mis en relief sa facette littéraire. A lire également : « Trois petits tours » (Le Lys bleu), Bréviaire de la Destruction (éd. Fortuna), « Le Juge des Enfants » (Portaparole), » l’Avocat » (Le Lys Bleu)…

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