La chronique de Jean-Philippe de Garate
14H35 - mardi 29 mars 2022

Chronique pour la nouvelle époque

 
Dimanche 24 avril 2022, 20 heures.

Il y a maintenant des lustres, un chercheur californien étudiait la noyade. Il tenta l’expérience sur lui-même, dans le grand bassin d’une piscine, entouré de sauveteurs. Les pieds lestés de pesants haltères, il connut trois phases.
La première, nous la connaissons tous. Il tenta les gestes raisonnables auxquels on pense pour minorer les poids, conserver la tête hors de l’eau… La seconde fut moins agréable encore : paniqué, puis physiquement fatigué, il se débattit en trouvant en lui des réserves d’énergie. Puis, enfin, d’ultimes réserves…
La troisième phase évoque ces marins qui, de tout temps, refusent d’apprendre à nager : le chercheur inconscient rabattit sur lui l’eau pour en finir au plus vite. À ce moment-là, les sauveteurs décrochèrent les haltères et ranimèrent le chercheur, qui mit « un certain temps » pour se remettre (4 jours). Mais l’expérience confirma le « modèle » de la noyade, et notamment cette troisième phase.

Dans notre hexagone qui bannit le « hors sujet », on s’interdit de réfléchir en passant d’un domaine à l’autre.
L’abstention, c’est la troisième phase de la noyade. La France connaît, ce n’est pas un scoop, un régime censitaire. La première phase, c’est celle de ceux qui sont en état de réfléchir et ne sont pas confrontés à de trop lourds problèmes immédiats. Pour leur part, les « gens qui se débattent » privilégient le vote protestataire, droite ou gauche, et seraient classés dans la phase 2.

Il est, nous dit-on, probable que EM soit réélu. Et après ? Le seul mot important prononcé durant cette campagne aura été celui de Gérard Larcher, président du Sénat : légitimité. Pourquoi ?

Les abstentionnistes sont comme ces noyés de la 3ème phase qui rabattent l’eau sur eux et n’aspirent qu’à oublier ce président qu’un enfant interviewé a bien résumé : un méchant.

Mais il n’est pas exclu que tel un tsunami, des abysses de l’océan, surgissent ces noyés sans gilet, jaune, ou rouge, ou noir. La légitimité serait alors réduite au taux de votants et d’inscrits. Ce serait bien peu de choses, dans un pays qui ratiocine sur la « monarchie républicaine ». Monarchie ? La légitimité du roi était d’origine divine, et le roi donc légitime à 100%. Autant dire que Jupiter ne serait plus qu’un vieux gag, et qu’Achille aurait un tendon bien fragile.

 
Jean-Philippe de Garate