La chronique de Jean-Philippe de Garate
14H02 - mercredi 28 juillet 2021

Un été si long

 

Tom Hanks, Forrest Gump : le marcheur suivi par la foule

Personne ne l’avait imaginé en mars 2020. En tout cas, on ne publia pas le moindre article, le moindre essai sur « le deuxième temps » de la pandémie. Parce qu’on avait bien trop à faire avec cette nouveauté – on n’osera pas dire : cette curiosité face à un événement étrange, avec pangolin et accords franco-chinois pas très transparents. La première vague, c’était le choc, l’ébahissement pour les babyboomers comme les adolescents nés en 2005 face à l’histoire humaine, jamais terminée, la redécouverte de la mort, la mort frappant à droite à gauche, la mort redevenue si proche. Trente ans de mondialisation, trois quarts de siècle de confort – pour ne pas dire d’hyper satiété – pour nombre d’Occidentaux se brisaient sur un mur.

Et puis, 2020 est passé, nous voici au milieu de 2021… et cette Covid s’est ancrée dans nos vies. 1968 est loin, les derniers gauchistes passent l’arme à gauche. Et non, il n’est plus interdit d’interdire et, semaine après semaine, nous découvrons de nouveaux ukases.

Ainsi, se rendre au musée du Luxembourg, le mercredi 21 juillet 2021, pour voir de magnifiques autoportraits de femmes des XVIII et XIX èmes siècles, nécessite de montrer patte blanche, à quatre reprises : le passe Covid, Vigipirate, un troisième contrôle de sécurité du style police des aéroports, enfin présenter son billet réservé… Des contrôles effectués par toutes sortes de vigiles qui, l’espace étant si mal distribué, parviennent à créer eux-mêmes une forme d’embouteillage inextricable. Merveilleuse époque ! La sécurité et la sûreté recrutent ! Et l’art demeure…mais plus pour tout le monde.

Et derrière ce gentil bazar, s’affirme le vrai basculement de nos institutions, avec la claire instrumentalisation – c’est tellement évident ! – de la pandémie à des fins politiques. La campagne des présidentielles a commencé, et l’actuel occupant à titre gratuit – pour lui – de l’Elysée ne pense qu’à ça. Tout le monde le sait – et je revendique de l’avoir dit dès 2017 dans ces colonnes – LREM n’existe pas. Ce conglomérat nougatier s’est formé en 2016 telle la foule perdue se regroupant derrière Tom Hanks dans Forrest Gump (1994) pour finalement s’émietter, le nougat ne prenant pas. La déroute électorale et le niveau de l’abstention lors des régionales inquiète ce qu’on ne nomme plus le château, tant la décoration intérieure a été massacrée en succursale bancaire. Quant aux candidats du président, ils s’avèrent si dissemblables, en marche peut-être mais pas dans la même direction, qu’on ne les voit plus… Les ombres d’un seul qui, en réalité, les ignore. Chacun ressent ce que certains pressentaient : l’exercice du pouvoir met en relief, projette en avant, les travers de l’élu.

Si la science politique a une vertu, c’est sa souplesse. Science humaine, elle ne se refuse pas à intégrer la psychiatrie et l’art pour comprendre qui est qui. Les Français, à l’évidence, ignorent encore qui est vraiment Macron. Mais ils commencent à réaliser, à dessiner son profil…. La personnalité autoritaire définie en 1950 par Theodor W. Adorno (1903-1969) avait retenu une série de critères :

  • Conventionnalisme : adhésion aux valeurs conventionnelles.
  • Soumission autoritaire : tourné vers les figures d’autorité.
  • Agression autoritaire : contre les personnes qui violent les valeurs conventionnelles.
  • Anti-intraception : opposition à la subjectivité et à l’imagination.
  • Superstition et stéréotypie : croyance au destin individuel ; penser en catégories rigides.
  • Puissance et endurance : soucieux de soumission et de domination ; affirmation de force.
  • Destructivité et cynisme : hostilité contre la nature humaine.
  • Projectivité : perception du monde comme dangereux ; tendance à projeter des impulsions inconscientes.
  • Sexe : trop préoccupé par les pratiques sexuelles modernes.

Cette échelle reproduite de Wikipédia laisse songeur. Et les débats sur la restriction, non pas seulement des libertés, restriction adossée au débat médical, ne doivent pas obnubiler l’avenir. La seule question qui se pose, au cours de cet été qui va se dérouler en de longues semaines, c’est celle du deuxième mandat. Si Macron est réélu, que va-t-il se passer ? Même si la pandémie s’épuise, y aura-t-il chez lui une volonté de libérer les Français ? Je ne le crois pas, et suis convaincu du contraire. Le masque que nous avons porté, que nous portons, dissimulera-t-il longtemps l’expression de nos doutes sur la vérité du monarque ?

Vauvenargues a une phrase qui résume ce qui nous attend : « Qui sait tout souffrir peut tout oser » (maxime 189). Les Français, éprouvés, accepteront-ils de ne pas se satisfaire cette fois de quelques avancées, quelques subsides, et cesseront-ils de se laisser séduire, encore et encore ? En réalité, nous attendons beaucoup de cette campagne présidentielle, qui sera rude, et mettra à nu la vérité des gens, des choses. Il nous faudra nous rappeler du principe numéro un : sans esclaves, il n’y a plus de maître. Le problème du macronisme, ce n’est donc pas Macron, c’est nous.

La multiplicité des candidatures, la variété de leurs approches devraient contribuer à décaper jusqu’à l’occiput les profils de ceux qui jouent aux esprits forts et n’ont rien compris de la France. Alors viendra le mot d’ordre, la pandémie et le macronisme finissant : Bas les masques !

 

Jean-Philippe de Garate