La chronique de Jean-Philippe de Garate
06H30 - jeudi 24 juin 2021

L’élection du 21 juin. La chronique de la nouvelle époque de Jean-Philippe de Garate

 

Le second tour de l’élection présidentielle est annoncé pour le 24 avril 2022. Et chacun sait que de la chute de Macron ou de sa reconduction dépendra le sort de notre patrie.

C’est un moment vital.

Mais ce qu’on sait moins, ou que l’on veut passer sous silence, parce que cela paraît secondaire, c’est la raison, la « cause » – comme on dit justement en droit- du geste de chaque électeur au moment de glisser un petit papier portant un nom dans une de ces enveloppes ternes, sans grâce, avant de  laisser glisser bulletin et enveloppe dans l’urne. Alain Lancelot, qui fut à Sciences-Po Paris un remarquable initiateur des études sur le comportement simple des femmes, des hommes qu’on nomme « électeurs », avait relevé un fait qui, il y a quarante ans, m’avait laissé sans voix. En observant, en interrogeant les personnes entrant puis sortant du bureau de vote, il avait -grâce à un large panel- pu affirmer que 6 -six) pour cent d’entre eux  changeaient d’opinion entre le moment où elles entraient dans la mairie et le moment de leur sortie.

Six personnes sur cent électeurs ! 

Ce n’est rien, et c’est tout ! 

C’est l’écart entre Mitterrand et Giscard (1974 et 1981), par exemple. Mitterrand président en 1974 ou Giscard reconduit en 1981… la « petite » différence !  Je ne comprenais pas qu’on puisse, comme ça, varier…en si peu de temps, entre l’entrée et la sortie de la mairie !  Quelle cause pouvait ainsi entraîner un tel revirement ?

Eh bien ! Je crois, des décennies plus tard, avoir compris – sans doute parce que je suis un esprit lent – et je suis cette fois avec une certaine assurance.

Dans le pays de Descartes, la campagne – au sens militaire- des élections présidentielles consiste en des échanges d’arguments – si on excepte les coups bas façon « cabinet diabolique » des quatre magistrats hollandais face à Fillon dont j’ai parlé avec André Bercoff sur Sud Radio le 26 mai dernier– et les électeurs, finalement, choisissent leur président si le candidat rentre dans leurs catégories, des sortes de « QCM » dont l’élu de leur cœur aura coché les bonnes cases.

Ainsi, en croisant de nombreuses données bien répertoriées, on s’approche d’une prévision « raisonnable ». Pas sûre, bien entendu, mais raisonnable. Avec le temps, CEVIPOF et autres instituts deviennent relativement fiables.

Et parmi les données, il en est une qui n’est pas encore quantifiée, parce qu’elle n’est pas avouable : la haine. Ainsi, j’ai pu constater de visu, à Pau, en mars 1978, pourquoi les Pieds-Noirs, jamais, ne voteraient pour un candidat gaulliste mais, sans être socialistes, accorderaient massivement leurs suffrages à son adversaire, son ennemi serait un mot plus juste. Et Mitterrand, c’est maintenant une donnée acquise, n’a cessé de bénéficier, en 1965 comme en 1981 et au-delà, des reports des voix « d’extrême-droite » de ces Français Pieds-Noirs ayant souffert des attitudes machiavéliennes d’un général amoureux de la France, pas des Français, d’Algérie comme d’ailleurs. 

Il est aujourd’hui possible de poser une nouvelle donnée. Le 21 juin n’est pas seulement l’avènement de l’été, pas seulement le solstice fêté depuis des millénaires, mais la fête de la musique depuis 1982. Un moment spécial, de musique, d’art, de marche au milieu de la rue, de danse, de communion des hommes, des femmes, dans l’insouciance d’un soir, le premier soir d’été, avec la douceur en plus.

Le 21 juin 2021 marquera une date pour la jeunesse française, et j’en témoigne. Imaginez, juste un instant. Vous avez vingt ans, un peu moins ou un peu plus, et vous sortez d’une vraie épreuve, une vraie souffrance dont les effets ne sont pas encore mesurés, cette atroce Covid qui a fauché sans discernement, a brisé des familles, chaviré des cœurs. Tout l’arsenal, voile – pardon, masque-, gel, confinement, attestation, tout cela, si lourd, si triste, si froid, va fondre ce soir ! Vous êtes un peu fier, car vous avez supporté cette épreuve, ce vent putride dont personne ne vous dira qu’il a été peut-être pensé… peut-être… Tout cela est chassé. Vous pardonnez et voulez oublier !

Vous êtes jeune, vous voulez vivre, l’école est finie, vous allez cesser d’avoir les pieds englués dans la boue de cette peste de Wuhan ! C’est fini ! Vous allez vous élever vers les étoiles : musique, amour, soleil et le ciel azur, le vent de la liberté de Paris.

Aïe !

J’en témoigne : à Saint-Michel, au Chatelet, et ailleurs, pas un orchestre. Ce brillant gouvernement – quand instaurera-t-on un prix spécial pour lui ? – a autorisé les concerts le 30 juin, et interdit les concerts … le 21.

Vous êtes jeune, et avez dû, depuis mars 2020, supporté l’impéritie de ce qu’on nomme encore, sans doute par habitude, un gouvernement, ses revirements sur à peu près tout, vous avez tout digéré, mais là…vous arrivez de chez vous, et il n’y a rien. Pas une note, pas un chant. Pas un tréteau. Et le SAMU répond « non », comme les pompiers quand on signale un jeune trop alcoolisé tendu par terre…

J’avais pour ma part réalisé il y a déjà que le « moment Macron », c’était Loft Story. Le vide. Macron existe mais n’est pas. Merci pour ce moment. Nous en avons une nouvelle preuve le 21 juin au soir.

Mais il existe une deuxième donnée, et celle-là demeurera aussi, je l’annonce ici, la marque susceptible de faire basculer ce quinquennat. 

Qui sont les jeunes, les dizaines, les centaines de milliers de jeunes sortis de chez eux, ayant « galéré » dans les transports pour accéder aux lumières et à la joie retrouvée de vivre ? Des femmes et des hommes sans grands moyens, dont le quotidien se résume entre jobs payés au lance-pierre, études menées en distanciel, transports et, luxe suprême, un hamburger Coca ou bière avec les amis en fin de semaine.

Comité d’accueil pour nos enfants ? Contrôles RATP. Et je dois dire que la leçon est ici un « couronnement » du reste. Qu’est-ce qu’un billet SNCF RATP ? Un contrat de transport. Les jeunes, emportés par la foule, la joie, leur propre vitesse, oublient ces trieuses de bétail que sont les portiques. Mais l’armée verte, en ce jour de fête,  a bien pensé, aidé par d’intelligents comptables, à réaliser sa propre fête. Verbaliser (soixante euros, un cinquième du revenu moyen mensuel d’un jeune) pour « non-validation ». En droit, la RATP a raison. C’est ultra-plaidé. Vous devez introduire le billet dans la bétaillère qui valide et comptabilise les têtes de bœuf. Et en empathie, en sympathie pour la France de demain ? Dix, vingt, cent, mille usagers ont été arrêtés nets. Bravo, les recettes de la RATP iront mieux.

Le quotidien prime, la froideur … mais le rejet de ces enfants qui sont ceux de la France ? Quant au président, il écoutait Justin Bieber à l’Elysée – on sera intéressé de mettre en parallèle le coût de sa prestation et les amendes RATP – pendant que la France de demain rejoignait péniblement son logis par des « noctiliens » surchargés, le froid et les files d’attente – une heure entre chaque passage- prenant place dans la partie.

J’apporte sur un des plateaux de la balance cette donnée. Vous voulez parler du vote des jeunes en avril 2022 ? Ils ont déjà voté ce 21 juin. 

 

 

Jean-Philippe de Garate

 

 

 

 

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