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06H18 - vendredi 26 avril 2019

En finir avec le Grand Débat national et la crise des gilets jaunes : verbatim du propos introductif d’Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 25 février 2019

 

Opinion Internationale publie l’intégralité de l’intervention liminaire tant attendue du Président de la République lors de sa conférence de presse hier à l’Elysée en conclusion du Grand Débat national. De ses réponses concrètes à la crise des gilets jaunes à l’art d’être Français, le chef de l’Etat est longuement revenu sur les attentes de l’opinion pubique, à un moment décisif de son quinquennat.

Mesdames, Messieurs les membres du gouvernement, Mesdames, Messieurs. J’ai souhaité vous rencontrer devant les Français qui nous écoutent et nous regardent pour tirer les conclusions du Grand débat national et proposer au pays les orientations du nouvel acte qu’appelle l’attente de nos concitoyens, nouvel acte de notre République. Que s’est-il passé au fond depuis le mois d’octobre dernier dans notre pays ? Un mouvement inédit, le mouvement des gilets jaunes qui a dit sa colère, son inquiétude, qui a dit aussi son impatience que les choses changent plus vite, plus radicalement et que le peuple français puisse avoir sa part de progrès dans un monde incertain et où il faut bien le dire, il a eu le sentiment durant plusieurs années de plutôt subir des reculs. Ce mouvement s’est ensuite progressivement transformé, tiraillé entre les injonctions contradictoires, la démocratie absolue et permanente d’un côté ou la fascination autoritaire de l’autre, le plus de services publics, tout à fait légitime, et le moins d’impôts, tout aussi légitime mais difficilement compatibles. Et ce mouvement a ensuite été récupéré, nous l’avons tous vu, par les violences de la société : l’antisémitisme, l’homophobie, les attaques contre les institutions, les journalistes parfois, les forces de l’ordre. Aujourd’hui, l’ordre public doit revenir avant tout et avec lui l’indispensable concorde. Mais je ne veux pas que les dérives de quelques-uns occultent les justes revendications portées à l’origine de ce mouvement et profondément soutenues.

C’est pour cela que j’ai apporté une première réponse dès le 10 décembre dernier, une réponse d’ampleur parce qu’elle me paraissait juste et qu’elle était cohérente avec les orientations que nous avions d’ailleurs retenues au début du quinquennat : donner plus de pouvoir d’achat mais plus vite aux classes moyennes et à celles et ceux qui travaillent. C’est aussi pour cela que j’ai voulu ce Grand débat national, exercice inédit dans les démocraties contemporaines, dans lequel je me suis personnellement engagé aux côtés des maires, et qui a permis à plusieurs millions de nos concitoyens de participer. Et je dois dire la grande fierté qui est la mienne d’avoir vu durant ces mois nos concitoyens prendre part à ces débats, dire leur part de vérité, proposer, réfléchir et j’ai moi-même beaucoup appris de notre pays, aux côtés des maires, sur la fonction qui est également la mienne durant ces mois. J’ai beaucoup appris et cette fierté que j’évoquais m’a convaincu d’une chose : nous sommes avant toute chose les enfants des Lumières et c’est de ce débat, de ces délibérations, de cette capacité à dire et contredire mais dans le respect de l’autre que peuvent naître les bonnes solutions pour le pays et en aucun cas dans l’obscurantisme ou le complotisme. On ne bâtit pas sur la haine de soi, la jalousie de l’autre mais bien plus dans la juste compréhension de ce que nous sommes et des défis qui sont devant nous.

Alors qu’a dit ce mouvement et qu’est-ce que j’ai saisi de ce Grand débat ? D’abord, on l’a tous entendu, un profond sentiment d’injustice : injustice fiscale, injustice territoriale, injustice sociale. Ce sentiment est là, il est installé, il faut lui apporter une réponse. Ensuite un sentiment de manque de considération : beaucoup de nos concitoyens qui ne se sentent pas respectés dans leur quotidien, dans ce qu’ils vivent par nos institutions, parfois notre organisation collective, nos manières de décider, de faire ; un manque de confiance aussi dans les élites, toutes les élites, votre serviteur au premier chef mais l’ensemble de ceux qui sont élus, exercent des responsabilités, représentent, parfois même cherchent à décrypter l’actualité. Il est difficile de construire quelque chose lorsque la confiance n’est pas rétablie à l’égard de celles et ceux qui doivent être des tiers de confiance ou qui décident dans la société. Un sentiment d’abandon. Sentiment d’abandon qui se nourrit que du fait que de plus en plus de vies de nos concitoyens sont comme oubliées ou inadaptées à l’organisation du monde tel qu’il est, tel qu’il s’est fait.

Nous vivons dans une société avec des politiques publiques qui ont largement été pensées au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. La famille a changé, la manière de travailler a changé, nos organisations ont changé et nous ne l’avons pas totalement vu. On a découvert, il faut bien le dire avec beaucoup d’humilité durant ce mouvement, ce qu’on appelle aujourd’hui les familles monoparentales, la plupart du temps ces femmes seules qui élèvent leurs enfants et travaillent. Très peu de choses sont faites dans la société pour elles, pour ne pas dire rien. On a vu s’exprimer les enfants victimes de harcèlement à l’école, les personnes vivant en situation de handicap qui ont dit aussi tout ce que la société avait de béances, celles et ceux qui travaillent dans les grandes villes où on a créé l’essentiel des emplois ces 20 dernières années mais n’ont pas les moyens d’y vivre et habitent parfois à trois-quarts d’heure ou une heure de route sans qu’il y ait de transport collectif. On n’avait pas non plus conçu de politique publique pour eux et donc il y a comme des plis de la société qui se sont en quelque sorte révélés, des angles morts, ces vies un peu oubliées de nos politiques publiques, de beaucoup de nos discours qui ont dit “moi je participe, je travaille, je vis mal malgré ce travail et je veux non seulement qu’on me reconnaisse mais qu’on apporte des solutions concrètes à ma vie.” Et évidemment je n’oublie pas parmi ces quelques portraits chinois que je viens de brosser les retraités modestes dont j’ai un moment cru moi-même que leurs protestations n’étaient pas totalement légitimes – “vous me parlez de la CSG, regardez c’est quelques euros par mois” –mais qui vivent aujourd’hui avec l’angoisse de parfois devoir aider les générations suivantes qui ne s’en sortent pas totalement, de devoir subvenir aux besoins de leurs propres aînés qui vivent encore et sont en dépendance et qui voient devant eux ce que va coûter la maison de retraite, l’EHPAD, entre 1800 et 2000 euros par mois là où leur retraite est à 1300 euros, et qu’ils ont travaillé toute leur vie. Ces cas concrets se sont dits à nous, se sont exprimés et ont nourri ce sentiment d’abandon. Enfin c’est la peur des grands changements : le climat avec son urgence mais aussi son lot d’inquiétudes parce qu’il faut changer des habitudes prises pour se déplacer, produire ; l’immigration ; le numérique ; le déclassement social ; le vieillissement que je viens rapidement d’évoquer.

Alors face à toutes ces inquiétudes qui se sont exprimées, ces sentiments que je voulais rassembler pour dire un peu ce que j’avais compris et entendu : est-ce qu’il faudrait tout arrêter de ce qui a été fait depuis 2 ans ? Je me suis posé la question : “est-ce qu’on a fait fausse route ?” Je crois tout le contraire, je crois que les transformations en cours et les transformations indispensables à faire dans notre pays ne doivent pas être arrêtées parce qu’elles répondent profondément à l’aspiration de nos concitoyens. Elles n’ont pas été suffisamment rapides à l’endroit de certains, pas suffisamment radicales, pas suffisamment humaines – je vais y revenir – mais je pense très profondément que les orientations prises durant ces deux premières années, à bien des égards, ont été justes. Mettre l’école, le mérite, le travail au cœur de notre ambition était indispensable. Décider à investir, produire davantage pour redevenir une nation forte en menant toutes les réformes nécessaires pour cela était indispensable aussi pour pouvoir financer la solidarité ensuite qu’on veut pouvoir se payer. Moderniser notre économie, réduire nos déficits publics, réarticuler une vraie ambition européenne face à toutes ces menaces étaient, je le crois très profondément, de bonnes orientations. Je crois donc que ces fondamentaux des deux premières années doivent non seulement être préservés, poursuivis et intensifiés. Et d’ailleurs les premiers résultats sont là au moment même où nous vivons cette crise : nous recréons des emplois, plus de 500 000 durant ces deux premières années y compris dans le secteur industriel où depuis plus de 10 ans nous étions en train de détruire constamment des emplois en France. Les investissements repartent et continuent de repartir et pour la première fois depuis bien longtemps en ce moment même notre croissance est supérieure à celle de bien de nos pays voisins donc les résultats commencent à être là. 

Alors la réponse n’est pas dans le reniement mais je crois dans la définition plus profonde d’une nouvelle ambition, dans la réponse aux questions profondes que se pose notre pays et que se posent d’ailleurs dans nombre d’autres démocraties dans le monde qui vivent partout des crises qui se traduisent de manière différente, qui sont des crises de l’efficacité, de la représentation. D’abord face au sentiment d’injustice, nous devons apporter une réponse qui place l’homme au cœur de notre projet bien davantage que nous ne l’avons fait. Notre projet national doit être plus juste, plus humain afin de rassembler et de réunir et face aux grands changements il nous faut retrouver, par le projet national et européen, la maîtrise de notre destin et de nos vies. Je crois que ce à quoi aspire très profondément le peuple français c’est de comprendre pourquoi on décide les choses, qu’on puisse en tant que gouvernants dire à un moment “nous ne sommes pas d’accord”, de ne pas tout subir ou d’avoir le sentiment qu’on s’adapte constamment au cours du monde.

Alors ce nouveau temps, de cette mandature et de notre République, je veux lui assigner un objectif simple : redonner une espérance de progrès à chacun, en demandant à chacun le meilleur de lui-même, et c’est ainsi que nous pourrons reconstruire ensemble très profondément ce que j’appellerais l’art d’être Français qui est une manière très particulière d’être ce que nous sommes. L’art d’être Français c’est à la fois être enraciné et universel, être attaché à notre histoire, nos racines mais embrasser l’avenir, c’est cette capacité à débattre de tout en permanence et c’est, très profondément, décider de ne pas nous adapter au monde qui nous échappe, de ne pas céder à la loi du plus fort mais bien de porter un projet de résistance, d’ambition pour aujourd’hui et pour demain.

Et pour ce faire il y a quatre orientations que je voulais brosser ce soir devant vous avant de répondre à vos questions et qui sont, en quelque sorte, celles sur lesquelles je veux construire cette nouvelle étape. 

La première orientation c’est de changer, beaucoup plus en profondeur et rapidement, notre démocratie, notre organisation, notre administration. Au fond le sentiment de beaucoup de nos concitoyens, c’est comme ça que je l’ai entendu, c’est de dire “vous nous avez demandé des changements à nous mais vous avez très peu changé. Vous vous êtes toujours avec les mêmes organisés de la même manière, on n’a rien vu bouger. Ce n’est pas faux. Alors, sur le plan démocratique, les citoyens veulent être mieux représentés participer davantage, avoir au fond une organisation plus efficace. Là-dessus, on a vu fleurir beaucoup de débats et je veux dire, très franchement, après avoir beaucoup écouté et réfléchi où je me situe. Je crois aux élus. Je crois aux élus de la République parce que l’élu a une légitimité, celle que lui procure l’élection. Si on se met à dire, quand il s’agit des décisions de la cité, la vie d’un citoyen est aussi importante que celle du maire, elle l’est en tant que citoyen mais le maire est allé à l’élection. Il a obtenu une légitimité et donc je pense qu’il faut consolider cette place de nos élus dans la République sinon il n’y a plus de décision possible, plus d’arbitrage qui se forme et au premier chef, les maires qui sont le visage, le quotidien de la République à portée parfois « d’engueulades » si vous m’autorisez cette expression, de remerciements et d’attachement aussi et qui sont essentiels. Je veux conforter leur rôle par un statut digne de ce nom, simplifier les règles qu’ils ont parfois subies lorsque le pouvoir, les responsabilités se sont par trop éloignés sans qu’ils l’aient choisi. Mais la démocratie représentative est aussi essentielle et je ne veux pas que de cette crise, le rôle du Parlement ne soit, en aucun cas, fragilisé. Cependant, nous pouvons l’améliorer. Nous pouvons le rendre plus représentatif avec une part significative de proportionnelle pour que toutes les familles politiques soient représentées, toutes les sensibilités en limitant aussi le nombre de mandats dans le temps. Nous pouvons le rendre plus efficace et je fais confiance aux assemblées pour renforcer leur contrôle indispensable, pour avoir aussi des procédures plus rapides, plus adaptées aux contraintes actuelles et aux attentes de nos concitoyens. L’efficacité, c’est aussi la réduction du nombre de parlementaires, comme je m’y étais engagé et qui est beaucoup revenue dans le débat. Mais nos citoyens veulent participer davantage, au-delà de ce que je viens de dire sur les élus et de notre démocratie représentative, et plusieurs questions ont émergé qu’il faut considérer. 

D’abord, la question du vote obligatoire qui est souvent revenue. Je ne retiendrai pas cette option, je ne la retiendrai pas pour deux raisons. La première, c’est que je ne crois pas qu’on répond à la crise démocratique par la contrainte. Je ne crois pas que lorsqu’il y a de la désaffection pour une élection et du désintérêt, on y répond en rendant la chose obligatoire. On y répond en redonnant du sel à la vie démocratique et à cet égard, la période que nous vivons, je le crois, est une partie de la solution. Ensuite, c’est qu’une fois qu’on a mis l’obligation quand je regarde nos voisins, il est très dur de la faire respecter. Généralement, elle n’est pas suivie. Est-ce qu’on met des amendes ? C’est très dur. Alors, certains proposent de priver leurs droits civiques ceux qui ne vont pas voter. C’est un peu étrange en tout cas ça éloigne encore davantage du civisme et de la vie politique, ce qui ne se rendrait pas à cette obligation. Je n’y crois pas. 

Ensuite, il y a la question du vote blanc. C’est une question qui, depuis longtemps, on travaille notre démocratie. Elle n’est pas négligeable et à juste titre les gens qui votent blanc nous disent : “Je veux être entendu. Je veux que ce soit pris en compte”. Est-ce qu’il faut lui donner une reconnaissance particulière ? J’ai, à un moment, été tenté par cette option, j’y ai beaucoup réfléchi et je ne la retiendrai pas. Je ne la retiendrai pas parce qu’au fond la crise de notre démocratie est aussi une crise d’efficacité et de capacité à prendre les décisions. Alors, on peut avoir des projets dont aucun ne nous plaît totalement à une élection mais on doit choisir parfois le moindre mal ou le mieux possible et ce choix est important parce que dans les moments difficiles de la démocratie, il faut prendre des options et il faut choisir et je sais une chose : c’est quand on vit une période difficile, blanc ça ne décide pas. Blanc c’est l’agrégation des rejets, des refus. C’est trop facile. Moi, je veux bien être le candidat du blanc. On a toutes les voies dans la période que nous vivons mais Blanc ne résoudra aucun problème. Monsieur X, Mme Y oui ! Qu’on soit d’accord ou pas. 

Enfin, il y a eu la question du référendum d’initiative citoyenne. Tel qu’il est proposé, il me semble remettre en cause la démocratie représentative mais je crois malgré tout nous devons donner plus de place à  la voie référendaire dans notre démocratie et ce que je souhaite, c’est que dans le cadre de notre réforme constitutionnelle, nous puissions aller plus loin sur le référendum d’initiative partagée qui a été créé il y a maintenant 11 ans dans notre constitution en en simplifiant les règles, en permettant que l’initiative puisse venir de citoyens, un million de citoyens qui signeraient une pétition et qu’elle puisse prospérer en projet de loi et si elle n’était pas examinée par les assemblées, aller au référendum. Je crois que c’est une bonne voie qui respecte la démocratie représentative mais qui permet à un million de citoyens qui se rassemblent de pousser le parlement à discuter d’un texte ou bien d’aller au référendum. Je souhaite ensuite qu’au niveau local on puisse renforcer le droit de pétition. Au niveau local en définissant une forme de droit d’interpellation des élus au-delà d’un certain seuil qui sera à définir les citoyens doivent pouvoir obtenir d’inscrire un sujet à l’ordre du jour d’une assemblée locale. Là aussi je pense que c’est important et ça permet d’articuler la place légitime des élus. Mais ce que les citoyens peuvent vouloir amener dans le débat public et voir pleinement reconnu.

Enfin je souhaite que cette place de nos concitoyens dans notre démocratie ainsi revitalisée puisse aussi se faire par la réforme que nous devons conduire du Conseil économique social et environnemental. Ce Conseil existe depuis la Constitution de 1958 c’est une présence qui a des antériorités pour représenter la société civile. Nous en réduirons le nombre mais à côté des grandes forces vives économiques sociales associatives qui y sont présentes et qui portent les grands sujets. Je souhaite que l’on puisse avoir des citoyens tirés au sort qui viennent compléter cette assemblée et qui ainsi permettra à celle-ci de représenter pleinement la société dans toute sa diversité et sa vitalité. Et je souhaite que ce conseil de la participation citoyenne ainsi refondé puisse reprendre l’ensemble des compétences de consultation qui sont émiettées entre plusieurs comités parfois devant lesquels nos lois doivent passer qui sont souvent peu clairs pour nos concitoyens qui créent beaucoup de complexité administrative. Je propose que cette réforme constitutionnelle ainsi simplifiée, clarifiée, repensée puisse être soumise par le gouvernement au Parlement à l’été. Je fais confiance à l’Assemblée nationale au Sénat pour qu’elle puisse dans les meilleurs délais prospérer et être pleinement effective. Mais sans attendre, dès le mois de juin nous tirons au sort 150 citoyens pour constituer ce début de conseil de la participation citoyenne. Ce sera organisé au CESE actuel avant sa réforme et nous commencerons à innover avec ce nouveau travail qui je crois répond aux aspirations profondes et permet de mobiliser l’intelligence collective de manière différente.

Nous devons ensuite changer de méthodes d’organisation de notre République. Ce qui s’est exprimé très profondément c’est un besoin de proximité d’enracinement de l’action que nous devons conduire dans beaucoup de domaines. Et j’ai pleinement conscience que la politique que nous avons parfois menée a été perçue comme lointaine parfois trop froide, venant de Paris et donc technocratique. C’est parfois injuste c’est parfois vrai. En tout cas il faut le regarder en face. Et donc je souhaite que nous puissions ouvrir un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire. Les Français ont confiance dans leurs élus locaux et ce nouvel acte de décentralisation doit porter sur des politiques de la vie quotidienne, le logement, le transport, la transition écologique, pour garantir des décisions prises au plus près du terrain. Ce nouvel acte de décentralisation devra s’appuyer sur quelques principes simples. D’abord responsabilité, lisibilité et financement. Quand je regarde nos décentralisations passées, elles sont tout sauf claires. Et elles n’ont pas permis, ni de faire de véritables économies ni d’avoir une culture de la responsabilité démocratique. On a souvent transféré des bouts de compétences avec une partie des financements qui allaient avec. L’État a gardé une partie de ses compétences ce qui crée un imbroglio absolument terrible mais surtout on n’a jamais transféré la responsabilité démocratique qui va avec jamais. Et donc on a parfois transféré des compétences mais quand les ennuis sont là c’est toujours l’état ce qui est un peu simple. Et donc une vraie république décentralisée c’est des compétences claires que l’on transfère totalement en supprimant les doublons on transfère clairement les financements et on transfère clairement la responsabilité démocratique et la question que nous devons nous poser c’est à quelle élection on vote pour quoi. Moi je suis convaincu que sur les sujets que j’évoquais, le logement quotidien, le transport beaucoup de sujets de la vie quotidienne, quand on vote pour le président de la République on ne vote pas pour cela. Quand on décide de la politique sociale de la nation ce n’est pas au moment où on vote pour le conseil départemental. Or aujourd’hui ce sont des compétences des départements. Vous voyez qu’il y a une perte de repères et de clarté démocratique dans le système tel qu’il fonctionne aujourd’hui.

Donc nous devons là-dessus profondément refonder notre modèle. Mais je souhaite qu’il puisse y avoir un geste de décentralisation extrêmement clair et avec celui-ci un principe : ladifférentiation territoriale. Nous avons commencé à le pratiquer avec le gouvernement en signant des contrats ad hoc collectivité par collectivité. Mais pour répondre aux défis de nos outremers, qui sont très spécifiques, pour répondre aux défis de l’insularité et la montagne que connaît la Corse mais que des régions comme la Normandie ou l’Occitanie vivent qui peuvent être différentes, on doit différencier, adapter nos règles, notre organisation, trouver plus de liberté. Nous avons commencé à le faire, nous devons aller plus loin et c’est aussi un des éléments de l’indispensable réforme constitutionnelle qui est devant nous. Cette réforme, cet acte de décentralisation devra aboutir pour le premier trimestre 2020. L’État lui-même, l’ensemble de ce qui est en quelque sorte la présence de la nation sur le terrain doit aussi savoir s’adapter dans ce contexte : recréer de la proximité, être accessible à tous dans tous les territoires qu’il s’agisse des territoires ruraux ou des quartiers « politique de la ville » comme des métropoles. Sur le terrain, on a besoin de fonctionnaires, de médecins, d’instituteurs, de professeurs, d’artistes, de toutes celles et ceux qui font vivre la nation.

J’aurai progressivement à redéfinir un nouveau pacte territorial et nous avons commencé à l’esquisser : un agenda rural arrive qui permettra de l’ancrer dans notre ruralité. Mais nous devons sur ce point remettre de la présence de services publics, assurer l’accès aux services publics à moins de 30 minutes avec un accompagnement personnalisé pour les démarches de la vie quotidienne, assurer l’accès aux soins pour tous en luttant contre les déserts médicaux, ce qui est au cœur du projet de santé qui est en cours de discussion au Parlement et ne plus avoir d’ici à la fin du quinquennat de nouvelles fermetures, ni d’hôpitaux ni d’écoles, sans l’accord du maire. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de réorganisation. On le sait très bien. Elles sont parfois indispensables. Cela veut dire qu’il n’y aura plus de disparition comme on l’a aussi trop vécu. Mais nous devons, dans le cadre de ce nouveau projet territorial, également développer les projets patrimoniaux, culturels qui, sur le terrain, font vivre. Nombre de ces territoires sont portés par nos artistes, nos associations et sont au cœur de la vitalité de ces-derniers et ce que vivent nos concitoyens. Nous allons aussi développer des campus connectés pour les études universitaires dans les villes moyennes ce qui est au cœur de cette ambition territoriale. Et ce que je veux à travers ce nouveau projet pacte territorial, c’est réconcilier la métropole, la ville moyenne et le rural car ce sont des mêmes projets qu’il faut faire émerger dans ces espaces que l’on a trop longtemps divisés. Ce qui veut dire que l’état lui-même doit repenser son action sur le terrain. Je le disais en cessant la fermeture des services publics mais en ayant une autre approche de sa présence au territoire. Nous avons trop de monde à Paris et je l’ai souvent dit dans les débats et on le perçoit, il y a trop de monde à Paris qui prend des décisions ou décide des règles sans jamais voir les problèmes ou les gens et il n’y a plus assez de monde sur le terrain à régler les problèmes concrets de nos concitoyens, de nos entreprises et de nos associations. Donc, je veux qu’on remette plus de fonctionnaires sur le terrain qui apportent des solutions contrairement à la tendance depuis plusieurs décennies et qu’on supprime plus de postes en administration centrale. Avec cela le Premier ministre dès le mois prochain aura à présenter une profonde réorganisation de notre administration qui vise à donner plus de pouvoirs et de responsabilités au terrain, à ceux qui sont au contact de ces réalités. Et je veux que dans chaque département, on ait maintenant une grande clarté autour du préfet avec tous les services de l’État ainsi coordonnés qui puissent répondre aux aspirations du territoire, des élus et je veux que dans chaque canton d’ici à la fin du quinquennat, nous ayons pour tous nos concitoyens un endroit où on puisse trouver réponse aux difficultés qu’on rencontre. On a commencé à développer ces maisons de services au public. Quand on regarde ce qui se fait ailleurs, les Canadiens sont toujours très inspirants. Je veux qu’on mette en place quelque chose qui ressemble un peu à ce qu’ils ont fait, cette maison qui s’appellerait “France Service” ou dans chaque canton, en moyenne, on pourrait avoir un lieu où sont regroupés l’accueil pour le public de services de l’État mais on propose aux collectivités locales d’y être aussi présentes et à tous les opérateurs parce que pour nos concitoyens, c’est devenu illisible quand ils ont un problème de savoir s’il faut aller à la CAF, à Pôle emploi ou si c’est la préfecture ou si c’est la mairie et la Mission locale. La simplicité, c’est la vraie protection, c’est la vraie protection et c’est le vrai service au public.

Enfin, cette transformation de ce que nous sommes de notre organisation suppose une réforme de notre haute fonction publique. J’ai vu que des rumeurs ces derniers temps avaient beaucoup animés les discussions sur ce sujet. Il ne s’agit pas de supprimer telle ou telle chose pour en faire des symboles. Non. Le gouvernement s’est engagé dans une réforme profonde des règles de la fonction publique pour le bien des fonctionnaires, c’est une très bonne chose. Mais notre haute fonction publique pourrait être tenue à l’écart d’une modernisation indispensable. Nous lui devons beaucoup. Elle a bâti ce que nous sommes, elle a pris beaucoup de responsabilités et je suis profondément attaché au modèle méritocratique, un élitisme républicain qui fait qu’on attire dans l’Etat les meilleurs pour pouvoir régler les problèmes les plus complexes. Néanmoins, des changements sont à faire. En termes de recrutement d’abord, est-ce que notre haute fonction publique ressemble à la société que nous sommes ? Non. Ce n’est pas vrai. Elle ne lui ressemble pas. Et dans notre recrutement, notre formation, nous avons plutôt reculé durant ces dernières décennies par rapport à la situation du début de la Ve République. Ce ne sont plus des filières méritocratiques où quand on vient d’une famille d’ouvriers, de paysans, d’artisans, on accède facilement à l’élite de la République, ça n’est plus si vrai. C’est vrai pour les grands-parents et arrière-grands-parents, plus si vrai pour les parents. Il faut s’interroger : le mode de recrutement crée un biais. Ensuite la formation qui y est dispensée. J’ai été touché, ému en tant qu’ancien haut fonctionnaire du soutien massif que beaucoup ont apporté. Enfin néanmoins les mêmes qui apportent le soutien disent depuis des décennies, c’est “un mot, la pensée unique et la haute fonction publique nous a parfois menés dans l’ornière, c’est terrible.” Ce n’est pas totalement faux non plus. Il se peut que j’aie cotisé moi-même. Si on veut que les hauts fonctionnaires soient formés différemment, il faut repenser la formation, qu’elle soit plus ouverte au monde académique, à la recherche, à l’international qu’il y ait dans le parcours plus d’expériences de terrain, qu’elle soit sans doute plus ouverte aussi au monde universitaire et à ce qu’il apporte, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Et enfin, il y a la gestion des carrières de notre haute fonction publique. Aujourd’hui, quand on a réussi les bons concours, on est garantie d’un succès ou d’une protection à vie. Est-ce que c’est totalement juste et est-ce que c’est totalement bénéfique ? Non. Nous devons gérer très différemment les carrières de nos hauts fonctionnaires, avoir davantage de passerelles tout au long de la vie professionnelle pour permettre, avec des règles de déontologie extrêmement strictes, à des gens qui viennent du privé et du monde associatif, d’intégrer la haute fonction publique à différents moments mais on doit aussi mettre à l’épreuve les jeunes hauts fonctionnaires, ils ne peuvent pas tout de suite accéder aux postes suprêmes et être garantie de ne jamais les quitter. Je souhaite que nous mettions fin aux grands corps. Je pense que nous avons besoin de services d’excellence, de filières d’excellence. Nous n’avons plus besoin de protections à vie et elles ne correspondent plus à notre capacité à attirer les talents et même à les garder. Sur ce sujet, nous mandaterons dès demain Monsieur THIRIEZ qui aura à proposer au gouvernement des réformes ambitieuses sur la base de ce que je viens de dire.

La deuxième orientation que je souhaite poursuivre pour les prochaines années, c’est de remettre l’humain et la justice au cœur du projet national. Nous l’avons tous entendu et je l’évoquais, il y a un sentiment d’injustice et d’abord d’injustice fiscale qui est là. Alors, il s’est exprimé face à l’évasion fiscale qui est une réalité ou l’optimisation fiscale excessive et cette réalité d’évasion de l’impôt mine l’adhésion à l’impôt. Alors, je crois très profondément que sur ce sujet le gouvernement et le Parlement ont fait beaucoup de choses : des lois très importantes permettant de revenir sur ce qu’on appelle le verrou de Bercy, introduisant des règles de déchéance civique dans certains cas ont été prises mais il faut lever toute forme de soupçons. Aussi vais-je confier à la Cour des comptes, la mission d’évaluer précisément les sommes qui échappent à l’impôt et de proposer des mesures précises pour qu’en France chacun respecte les mêmes règles. Si nous pouvons aller plus loin nous le ferons sur ce sujet. 

J’ai aussi entendu combien la réforme de l’impôt sur la fortune menée au début du quinquennat était perçue comme un cadeau fait aux plus fortunés et comme une vraie injustice fiscale. C’est vrai, c’est exprimé partout et largement. Je veux d’abord dire que cette réforme n’a pas été la suppression de l’impôt sur la fortune, elle a conduit à créer un impôt sur le patrimoine immobilier qui continue, au même taux, à taxer les détentions immobilières de nos concitoyens mais elle a supprimé la partie du patrimoine qui était investie dans l’économie. Pour faire quoi ? Pour encourager l’investissement en direction de l’économie réelle, de la recherche, des usines, de la production. Parce que s’il n’y a pas d’investissement national, il n’y a pas d’économie ou alors il y a une économie qui se vend aux investisseurs étrangers et notre pays ô combien sensible. Cette partie de la réforme, je juge de mon devoir de la défendre. Et elle relève du simple pragmatisme mais comme une réforme pragmatique elle sera évaluée en 2020 et nous regarderons son efficacité, si elle n’est pas efficace, nous la corrigerons, si elle est trop large qu’elle a des effets pervers, ils seront corrigés. Mais je le dis très clairement : c’est une réforme pour produire, pas un cadeau pour les plus fortunés. Et il me semble que la meilleure orientation pour répondre au besoin de justice fiscale n’est pas d’augmenter les impôts de tel ou tel non mais plutôt de baisser les impôts du maximum de nos concitoyens, en particulier de toutes celles et ceux qui travaillent au premier chef des classes moyennes. Celles et ceux qui travaillent, qui payent l’impôt sur le revenu ont été largement mises à contribution durant les dernières décennies. Je serais donc simple, je ne veux pas de hausse d’impôts. Je veux des baisses pour ceux qui travaillent en réduisant significativement l’impôt sur le revenu. Enfin ces baisses, il faut expliquer comment on va les faire et comment les finances. J’ai donc demandé au gouvernement de mettre en œuvre cette baisse d’impôts en la finançant par la suppression de certaines niches fiscales pour les entreprises, la nécessité de travailler davantage et des réductions de notre dépense publique. Nous pouvons faire aussi bien en dépensant moins et donc supprimer nombre d’organismes inutiles. Alors nous pourrons rendre aux classes moyennes très légitimement ces parts de réformes. 

Mais les inégalités, quand je regarde la situation de notre pays, les vraies inégalités ne sont pas fiscales. Nous avons un système fiscal qui corrige déjà énormément les inégalités, beaucoup plus que dans d’autres pays et que dans la plupart des autres pays. Nous avons un système fiscal qui met déjà largement à contribution les classes moyennes et les classes les plus aisées. Non. Les vraies inégalités sont les inégalités d’origine, les inégalités de destin, les inégalités à la naissance. C’est ça les vraies inégalités françaises et qui ne se sont pas améliorées quant à elles. Aussi pour traiter de ce sujet, il faut agir dès la petite enfance. Le gouvernement a commencé à apporter des réponses à travers ce qu’on a appelé le plan pauvreté. Je crois qu’il faut aller beaucoup plus loin. Certains États européens nous donnent l’exemple, je regarde la Finlande faire, elle investit massivement dans la petite enfance. Les 1000 premiers jours de vie d’un citoyen français sont décisifs, sur le plan affectif, sur le plan cognitif, c’est là qu’on construit parfois le pire et qu’on peut bâtir le meilleur. Nous devons avoir, construire, imaginer beaucoup plus loin que ce qu’on a fait jusque-là.

Ensuite c’est l’éducation. Donner à chacun les mêmes chances pour réussir et donner les moyens de mieux enseigner. Depuis 2 ans c’est ce que nous avons largement commencé à faire. Là aussi je souhaite que nous puissions aller plus loin et j’ai demandé au gouvernement d’y travailler, de pouvoir étendre le dédoublement des classes qui fonctionnent et il y a déjà de très bons résultats dans les quartiers défavorisés, de l’étendre à la grande section de maternelle mais de pouvoir dans toutes les écoles de la République, de la grande section de maternelle au CE1 avoir des classes à taille humaine c’est-à-dire qui ne dépassent jamais 24 élèves. C’est une vraie organisation, un vrai travail, une transformation en profondeur. Mais c’est le moment où on apprend à lire, à écrire, à compter, à bien se comporter, il est absolument essentiel et c’est un investissement dans nos enfants en lequel je crois profondément. Ensuite par ce biais nous devons rendre notre école plus accueillante bienveillante à l’égard de celles et ceux qui jusqu’alors trop souvent n’y avaient pas leur place. Les décrocheurs scolaires, les enfants en situation de handicap, là aussi beaucoup de choses ont été faites. On doit aller beaucoup plus loin, c’est indispensable à la fois pour ce que doit être notre République et pour la réussite de chacun. Et puis enfin cela suppose de mieux former les professeurs, de rendre leurs carrières plus attractives. Et donc dès à présent de progressivement rebâtir, revaloriser ce métier essentiel à la République et à la vie de la nation qu’est l’enseignant, le professeur, le maître. La République s’est construite comme ça. Et de toute façon en vue de la réforme des retraites que nous aurons à conduire, il faudra revoir en profondeur et revaloriser cette profession. Il faut donc que nous enclenchions cette stratégie dès à présent. Ce même investissement nous allons le poursuivre dans l’enseignement supérieur en développant massivement les formations professionnelles courtes, en donnant accès partout sur le territoire à une large offre de formation de premier cycle et en construisant un système de formation supérieure tout au long de la vie et plus simplement une formation initiale. Par les réformes que nous avons portées, par les investissements que nous sommes en train de faire souvent aux côtés des régions, des branches professionnelles. C’est un changement profond de la formation tout au long de la vie qui est en train d’être faite sur notre territoire. 

Cet investissement dans l’école, dans l’université, dans le savoir c’est la première politique de lutte contre les injustices dans notre pays. La deuxième c’est le travail, le travail et le mérite. Là aussi beaucoup de choses ont été faites, je n’y reviendrai pas. Des réformes essentielles dès le début du quinquennat, un investissement massif à l’endroit des jeunes décrocheurs comme des demandeurs d’emploi peu qualifiés, 15 milliards d’euros avec des premiers résultats, comme je l’évoquais à l’instant, une politique résolue d’aide aux entreprises pour les pousser à investir et à embaucher, de simplification avec encore une loi récente. Mais là aussi nous devons aller plus loin et corriger les injustices qui existent encore au moins à deux égards, la première et j’ai demandé au gouvernement de le porter dès cet été par la réforme la plus ambitieuse possible de notre système d’assurance chômage. C’est un devoir, c’est une justice, c’est bâtir les droits et devoirs pour les entreprises et les demandeurs d’emploi. Et c’est un levier profond de retour à l’emploi et de lutte contre les injustices qui parfois existent dans notre pays. Ensuite c’est en luttant de manière beaucoup plus efficace contre les injustices qui parfois existent encore dans l’accession à l’emploi. Et ça rejoint ce que je vous disais tout à l’heure sur ces vies oubliées ou ces sentiments d’oubli que beaucoup de nos concitoyens ont exprimé. Quand on est jeune et qu’on vit dans une famille modeste et une petite ville de province, il est parfois très dur d’obtenir un contrat en apprentissage de son premier emploi parce qu’il n’est bien souvent pas proposé dans la ville où on est et nous n’avons pas pensé les politiques pour accompagner ce jeune soit pour se loger soit pour se déplacer là où il obtient un emploi. On doit le faire et le systématiser. Lorsqu’on est une mère seule qui élève ses enfants, que Pôle emploi vous trouve un travail bien souvent le frein, je dis bien souvent c’est parfaitement mesuré, c’est la garde des enfants. Et là aussi les réponses elles sont incertaines, elles sont au gré de l’entreprise. Dans les grandes entreprises souvent on propose des solutions, dans beaucoup d’autres ce n’est pas le cas. On doit là aussi à Pôle emploi comme dans les conventions que les partenaires sociaux ont à bâtir trouver des solutions pour corriger cette injustice. Et enfin il y a les déplacements : lorsqu’on travaille à une heure de l’endroit où on habite, lorsqu’on propose un emploi à une heure de l’endroit où on habite, bien souvent c’est un frein et c’est un frein parce qu’on doit se déplacer à ses frais et parce que ni Pôle emploi ni l’employeur n’ont apporté des solutions concrètes pour vous accompagner au quotidien. Il faut que nous répondions à ces sujets très concrets. Et pour ce faire je souhaite que nous travaillions de manière large.

Je souhaite que les partenaires sociaux, les associations les élus puissent travailler ensemble avec le gouvernement sous l’autorité du Premier ministre et puissent proposer d’ici à septembre des solutions concrètes. Le Premier ministre réunira dans les prochains jours l’ensemble de ses parties prenantes pour cette mobilisation générale pour le travail, l’emploi et ses grandes transitions. Et bien entendu, il faut aussi si on veut corriger ces injustices que le travail paye. C’est ce qui est attendu et nous l’avons beaucoup entendu. Là-dessus, nous avons aussi fait beaucoup : les baisses de cotisations, la défiscalisation des heures supplémentaires, la prime d’activité largement augmentée. Il nous faut aller plus loin avec les baisses d’impôt sur le revenu que j’évoquais à l’instant, avec aussi une meilleure association des salariés aux résultats de l’entreprise par la réforme de l’intéressement et de la participation qui vient d’être conduite, par la répétition cette année de la prime exceptionnelle sans charges ni impôts décidée l’année dernière dans le cadre de l’intéressement des entreprises si elle décide d’apporter 1000 euros de plus. C’est aussi par le revenu universel d’activité que nous devons créer dans les prochains mois pour tourner vraiment nos prestations sociales vers l’incitation à la reprise d’un emploi. Puis dire que le travail paye c’est aussi dire que le travail qui a été fait doit payer. Et là-dessus je dois dire que les décisions que nous avons prises à l’automne non seulement ont été mal comprises, elles ont été bien comprises mais mal vécues, elles ont été vues comme injustes et elles doivent donc être corrigées.

C’est pourquoi au 1er janvier prochain je souhaite que nous réindexions les retraites de moins de 2000 euros et qu’il n’y ait plus de sous indexation de quelque retraite que ce soit à partir de l’année 2021. Je pense qu’il faut rebâtir cette clarté, cette lisibilité pour nos retraités. La troisième orientation que je souhaite donner c’est face aux peurs que j’évoquais tout à l’heure, d’assumer la clarté, la force d’un investissement dans les grandes transitions pour bâtir la confiance. Nous sommes face à des défis, des grands changements et ils suscitent de la crainte parce que nous sommes comme un “miguet” (phon.) on prend beaucoup de décisions mais elles ne sont pas suffisamment lisibles. 

La première de ces transitions, la plus urgente, la plus impérieuse c’est évidemment le climat. Le climat doit être au cœur du projet national et européen. L’état d’urgence climatique il est là, notre jeunesse nous le dit à chaque instant et nos concitoyens veulent agir. Ils agissent déjà au quotidien, ils veulent qu’on les aide à aller plus loin, qu’on les accompagne, qu’on les aide à trouver des solutions concrètes mais il y a une conscience citoyenne sur ces sujets qui s’est profondément transformée ces dernières années et qui va beaucoup plus vite que nombre de politiques publiques. Alors beaucoup a été fait ces deux dernières années, je pourrai y revenir en répondant à vos questions. Dès la semaine prochaine nous irons plus loin en matière de politique énergétique puis dans les semaines à venir en matière d’économie circulaire pour lutter contre toutes les formes de gaspillage. Mais je veux qu’on puisse changer plus fortement de méthode pour répondre plus concrètement et de manière plus radicale aux attentes. Changer de méthode c’est d’abord utiliser davantage l’intelligence collective sur ce sujet. On a beaucoup de solutions, je l’ai souvent dit, mais elles sont souvent trop complexes pour nos concitoyens, pas utilisées, peu connues, peu adaptées, qu’il s’agisse des aides pour changer la chaudière, pour changer de véhicule, c’est en train de s’améliorer m’enfin il y a beaucoup à faire. C’est pourquoi la convention citoyenne, 150 citoyens tirés au sort dès le mois de juin, aura pour première mission de travailler sur ce sujet, de redessiner toutes les mesures concrètes d’aides aux citoyens sur la transition climatique dans le domaine des transports, de la rénovation des logements (qu’il s’agisse de l’isolation ou du chauffage) pour les rendre plus efficace, de définir si besoin était d’autres mesures incitatives ou contraignantes et, si besoin était, de définir aussi des ressources supplémentaires et de proposer des financements pour se faire. Ce qui sortira de cette convention, je m’y engage, sera soumis sans filtre soit au vote du parlement soit à référendum soit à application réglementaire directe. Et puis le deuxième changement de méthode c’est que je veux que nous mettions en place un Conseil de défense écologique qui réunira le Premier ministre, les principaux ministres chargés de cette transition, les grands opérateurs de l’Etat que je présiderai de manière régulière pour à la fois prendre les choix stratégiques et mettre au cœur de toutes nos politiques cette urgence climatique et m’assurer du suivi dans tous les changements ministériels lorsqu’une orientation est prise. Enfin la réussite de cette transition elle passe par notre ambition européenne, c’est-à-dire notre capacité à défendre au niveau européen enfin, à obtenir un prix minimum du carbone, une taxe carbone aux frontières et une finance verte plus ambitieuse. Là aussi je pourrai y revenir si vous avez des questions.

Mais au-delà du sujet climatique, sur toutes les grandes transformations que j’évoquais au fond il nous faut bâtir – et c’est la tâche que j’assigne au gouvernement – un agenda 2025 pour donner de la visibilité à chacun. Depuis deux ans énormément de choses ont été faites : pour notre agriculture après des états généraux nourris et pour avoir une stratégie alimentaire et agricole ; pour définir notre ambition en matière numérique ou d’intelligence artificielle ; pour réindustrialiser notre pays. Mais parfois ces stratégies parce qu’elles se multiplient sont devenues illisibles pour beaucoup de nos concitoyens, nos artisans, nos agriculteurs, nos industriels, nos entrepreneurs ont besoin d’y voir clair et l’esprit français a besoin que tout ça soit ramassé dans une forme de stratégie collective de la nation. Et nous avons besoin, je crois, de bâtir une ambition à 2025 où on se donne des objectifs clairs et on mobilise en fonction de ces moyens.

Face au vieillissement nous devons rebâtir un système de retraite juste par point. C’est l’engagement que j’ai pris pendant la campagne présidentielle, c’est ce à quoi travaille, auprès de la Ministre des Solidarités et de la Santé, Jean-Paul DELEVOYE depuis le début du quinquennat. Cette refondation profonde elle sera présentée à l’été, elle se fera sur plusieurs années mais c’est une transformation radicale qui doit remettre de la confiance, de la justice, de l’efficacité dans notre système de retraite. Ensuite face au grand âge nous devons là aussi assumer, donner de la visibilité. Depuis des années on fait comme semblant que ça n’existe pas totalement, il y a près d’un million et demi de nos concitoyens qui sont en situation de dépendance ce qui est une charge énorme pour leur famille. C’est un système qui est peu structuré, où on a du mal à recruter parce que les emplois y sont difficiles et mal payés. Aussi finaliserons-nous pour cet automne une stratégie c’est-à-dire la définition des moyens publics qu’on met pour financer ce nouveau risque, de la réorganisation d’une filière qui va permettre de créer des emplois peu qualifiés et qualifiés, de toute une filière industrielle qui va avec et de la réduction du reste à charge pour les familles avec une ambition qu’on doit se donner et qui montera progressivement en charge pour qu’à horizon 2025 cette politique soit pleinement déployée.

Et face au numérique, au changement climatique, tout ce qu’on a commencé à faire, on a besoin de bâtir un pacte productif permettant de viser en 2025 le plein emploi. C’est à notre portée, complètement, et pour cela il nous faut un plan clair : produire, se déplacer, se nourrir, se soigner avec des objectifs en matière d’investissements dans notre recherche publique et privée, des priorités technologiques claires au niveau français comme au niveau européen. Et donc à l’automne nous devons finaliser ce nouveau pacte et bâtir cette nouvelle stratégie. Je crois que nos concitoyens dans tous les secteurs ont besoin de cet agenda des transitions qui donnera de la clarté avec des objectifs, des normes, des accompagnements financiers et une mobilisation des acteurs publics et privés qui va avec.

Enfin la quatrième orientation que je souhaite donner aux années qui viennent pour faire face à ce doute, cette colère, que nous voyons dans notre société et pour retrouver l’indispensable contrôle que j’évoquais tout à l’heure, c’est aussi en quelque sorte de savoir défendre, réaffirmer les permanences du projet français, de ce qui est la trame de notre nation. Il y a beaucoup de changements auxquels nos concitoyens sont confrontés et il y a beaucoup de transformations que nous sommes en train de faire, parfois qu’on aurait dû faire depuis longtemps et donc il faut aussi savoir dire ce qu’on veut préserver, ce qu’on veut garder, ce qu’on veut consolider dans une nation. Sinon, je l’ai bien senti, nos concitoyens ont l’impression que, en quelque sorte, tout est cul par-dessus tête et que plus rien ne tient. Cet art d’être français que j’évoquais c’est un attachement particulier à notre langue, à notre culture et à quelques permanences : la famille d’abord.

Je veux que dans les prochains temps nous puissions redéfinir une véritable ambition et la force d’une politique familiale pour accompagner nos familles qui se sont profondément transformées ces dernières années – ce n’est pas le visage des familles françaises d’il y a 20 ans – mais qu’on doit accompagner pour retrouver une dynamique de notre natalité qui commençait à baisser ces derniers temps et aussi pour accompagner bien mieux qu’on ne le fait des situations familiales particulières. Je veux juste en citer deux : ces fameuses familles monoparentales, souvent ces mères vivant seules, je veux que nous mettions en place de manière très rapide un système où on donnera la prérogative de puissance publique à la Caisse d’allocation familiale pour qu’elle puisse aller prélever directement les pensions alimentaires dues quand elles ne sont pas versées. On ne peut pas faire reposer sur les mères seules qui élèvent leurs enfants et ce faisant qui construisent la république de demain, l’incivisme de leurs anciens conjoints or aujourd’hui c’est ce qui se passe.

Ensuite je veux ici parler des aidants familiaux parce qu’il y a des millions de nos concitoyens qui sont là aussi comme oubliés, ce sont celles et ceux – et là aussi ce sont souvent les femmes – qui ont mis entre parenthèses ou sacrifié leur vie professionnelle pour s’occuper d’un enfant en situation de handicap, d’un proche, une personne de la famille devenue dépendante. Nous devons d’abord les reconnaître, les nommer mais aussi dans nos politiques publiques leur bâtir une place, dans notre réforme des retraites leur construire des droits, c’est indispensable. Ensuite une des permanences à laquelle je crois très profondément et qu’il faut même raviver c’est l’engagement. Nous ne sommes pas nous Français une société d’individus, nous sommes une nation de citoyens. Ça veut dire des solidarités particulières, ça veut dire un engagement dans la société qui fait d’ailleurs que parfois quand tout a disparu quelque chose est encore là qui tient. Je crois dans notre tissu associatif, il joue un rôle formidable, dans notre ruralité comme dans les quartiers les plus en difficulté. Je veux que le gouvernement bâtisse une politique beaucoup plus ambitieuse pour accompagner nos associations, en particulier les plus petites associations, dans le travail formidable qu’elles font. Et puis l’engagement c’est le service national universel, je l’ai voulu, il est en train de commencer, c’est la matrice indispensable au cœur de notre école d’abord mais qui va irriguer des vocations, l’engagement soit vers le service civique soit vers le bénévolat, vers ce qui fait très profondément cette nation de citoyens que j’évoquais et je souhaite qu’on accélère le déploiement de cette initiative, elle est indispensable et notre nation en a besoin.

Ensuite une de ces permanences c’est la laïcité. J’avais posé la question aux Français, elle est revenue dans quelques débats, moi j’en ai entendu à plusieurs reprises parler. La laïcité c’est la possibilité de croire en Dieu ou de ne pas y croire, de pouvoir vivre ensemble dans la concorde, le respect et de respecter absolument les règles de la République, de n’être jamais ennuyé par ce que l’on croit mais de ne jamais imposer à la société sa religion ou déroger aux règles de la République pour se faire. A ce titre, la loi de 1905 est notre pilier. Elle est pertinente, elle est le fruit de bataille, elle doit être réaffirmé et pleinement appliqué et je dis ici avec force. Et d’ailleurs, nous avons renforcé son application ces derniers temps. Nous l’avons renforcé en fermant des écoles lorsqu’elles ne respectaient pas les lois de la République, en fermant davantage d’associations ou d’établissements culturels lorsqu’ils ne respectent pas les règles de la République au titre même de ce principe de l’ordre public ou de la lutte contre le terrorisme. Mais aujourd’hui, nous ne devons pas nous masquer : quand on parle de laïcité, on ne parle pas vraiment de laïcité. On parle du communautarisme qui s’est installé dans certains quartiers de la République. On parle d’une sécession qui fait parfois sournoisement installée parce que la République avait déserté ou n’avait pas tenu ses promesses. On parle de gens qui au nom d’une religion poursuivent un projet politique, celui d’un islam politique qui veut faire sécession avec notre république. Et là-dessus, j’ai demandé au gouvernement d’être intraitable. Nous avons commencé à le faire avec une politique ambitieuse de reconquête républicaine dans plusieurs quartiers. Je souhaite que nous allions plus loin en renforçant le contrôle sur les financements venant de l’étranger en étant beaucoup plus dure à l’égard de toutes les formes de cet islamisme politique, de ce communautarisme, de cette sécession au sein de notre République parce que c’est une menace sur la capacité à tenir la nation ensemble.

Enfin une nation, elle se tient aussi par ses limites et ses frontières. Je crois très profondément dans un patriotisme ouvert, dans une France qui rayonne à l’international qui est conquérante mais pour être ouverts, il faut avoir des limites. Pour accueillir il faut avoir une maison donc il faut des frontières, il faut qu’elles soient respectées, il faut des règles. Et aujourd’hui force est de constater que les choses ne tiennent pas comme elle devrait. D’abord au niveau européen, nous avons décidé d’avoir des frontières communes, c’est le fameux espace Schengen avec les règles des accords de Dublin. Cela ne marche plus. Et pour moi, c’est le deuxième grand combat européen avec le climat, c’est le combat en matière de migration. Nous devons profondément refonder notre politique de développement et notre politique migratoire. L’Europe à laquelle je crois, l’Europe souveraine forte, c’est une Europe qui repense une ambition de coopération de développement à l’égard de l’Afrique et de toutes celles et ceux qui en ont besoin pour éviter l’émigration subie mais c’est aussi une Europe qui tient ses frontières, qui les protège. C’est une Europe qui a un droit d’asile refondé et commun et où la responsabilité va avec la solidarité. C’est sur ces bases qu’on doit refonder Schengen quitte à ce que ce soit un Schengen avec moins d’Etat. Je ne veux plus avoir dans l’espace Schengen des États qui vous disent j’en suis quand c’est pour la liberté de circulation mais moi je ne veux pas en être quand il s’agit de répartir la charge. Pas de solidarité chez moi. Qu’est-ce que c’est que cette affaire ? Je ne veux plus non plus des gens qui ne veulent pas tenir la frontière commune et sont dans le laxisme. Cette refondation est indispensable. De même qu’au niveau national, nous avons commencé à mener beaucoup de réformes et le gouvernement a fait un très gros travail sur ce point mais nous sommes aujourd’hui confrontés à des détournements, très profonds du regroupement familial comme des migrations liées à l’asile. Je crois très profondément à l’asile. C’est un devoir, c’est dans notre Constitution. Mais pour bien accueillir ceux qui y ont droit, on doit lutter plus efficacement contre ceux qui en abusent, contre les filières de passeurs qui utilisent ce droit. Et donc poursuivre le travail qui a été commencé en la matière mais avoir aussi une politique d’accueil, d’intégration de celles et ceux qui ont droit à l’asile ou qui veulent rejoindre la vie de la nation. Et c’est pour ça que ce contrôle, cette reprise en main doit aussi passer par les nouveaux choix que j’ai demandés au gouvernement en la matière et je souhaite que nous puissions instaurer chaque année au Parlement, un débat sur la politique migratoire. Je pense que c’est une bonne discipline et ce sera une bonne règle nouvelle.

Voilà, au fond, ce qu’il nous faut faire c’est rebâtir un patriotisme inclusif où chacun prend sa part, où l’intérêt général français et européen est, au fond, réaffirmé mais n’est pas simplement l’addition des intérêts particuliers. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais ici d’abord vous dire. Je crois que nous devons absolument continuer de transformer le pays car les résultats sont là. Mais la nouvelle étape, le nouvel acte passe à mes yeux par les 4 orientations que je viens d’évoquer. Et c’est cela ce que je demande au gouvernement, aux assemblées, aux partenaires sociaux, aux élus : de replacer l’humain au centre, de rebâtir une nation de citoyens libres dans une Europe plus forte parce que je crois que c’est ainsi que nous pourrons véritablement retrouver cet art si particulier d’être Français auquel nous sommes attachés. Je vais maintenant répondre à toutes vos questions.

 

Emmanuel Macron

 

 

Directeur de la publication

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