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08H33 - jeudi 14 mars 2019

Hommage à nos Chers Disparus : André Damien

 

André Damien entre Jacques Chirac et Jacques Toubon(©Jacques Postel)

André DAMIEN est mort. Après des années de silence dans lequel le murait l’éprouvante maladie dont on susurre le prénom : Aloïs. Pour ses confrères, pour ses amis, c’était d’une étrangeté sans nom que de le savoir vivant et ne pas l’entendre, ni le lire. Car cet homme répondait, de son écriture de mouche, à vos courriers. En rédigeant l’adresse sur l’enveloppe. Un homme simple et bien élevé. Qui de surcroît, demeurait un orateur hors depair, avec ce léger zozotement qui insupportait mais soulignait la malice, scandait les périodes, les demi-silences presque sifflés. Pour l’érudition du propos, elle n’était jamais pesante. Moi qui fus son élève, j’ai davantage souri ou ri avec lui que durant des lustres avec nos habituels emmerdeurs et leurs Codes.

On pourra rappeler tous les titres que l’on veut – Prieur du Saint Sépulcre, Chevalier de l’Ordre de Malte, Président de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, Conseiller d’Etat, membre écouté des Cabinets de Pasqua et J.-L Debré en charge des cultes, Maire de Versailles dix-huit ans durant, Président de la Conférence des Bâtonniers et Bâtonnier de Versailles, Professeur de Déontologie du Centre de Formation des Avocats de Versailles, auteur de la Bible des avocats « Les Règles de la Profession d’avocat » – il était surtout, et avant tout, un homme de valeurs. La preuve en est que j’oublie nombre de ses engagements, par exemple son goût de l’armée. Et du courage.

On peut ne pas partager les valeurs des autres, mais on a aussi le droit de les respecter. Dans notre pays qui se joue une perpétuelle pièce de théâtre, avec des acteurs de passage plus ou moins convaincants, et nombre de coups mortels en coulisse, on peut apprécier de se trouver face à des gens entiers et sans détours. Lui assumait tout. Damien restera le lecteur de Céline, dont il assista la veuve, et déchiffra avec un confrère la dernière œuvre, « Rigodon ». Je sais, j’ai prononcé un gros mot, ça fait d’ailleurs deux avec « emmerdeurs ». Céline ! « La duchesse de Seine-et-Oise » avait compris lui aussi que notre langue corsetée, contrôlée, interdit – pour reprendre la formule de Mitterrand, qu’il reçut avec beaucoup d’humour à Versailles – d’autres choix que les noir et blanc. Pourtant bien grise, bien dure – telle la mine du crayon – bien terne, la vie ! Rigodon, ce ne sont pas les pamphlets, mais le lecteur attentif découvrira que l’œuvre recèle un incroyable secret sur tel tueur du métro jamais extradé d’Ibérie. Damien lisait d’abord les Pères de l’Eglise, plus rabelaisiens, plus colorés que Gambrinus. La vie, c’est la couleur !

André Damien avait la mine rose des gens heureux. Nous étions à Tréguier, la mer en avril était d’un vert cru, la fête foraine noire et gluante se trouvait lessivée par les coups de vent d’embruns. Maître Damien, par l’odeur alléché, laissa un peu vite les cordons du Pardon de Saint Yves, patron des avocats, et nous entraîna vers le stand de tir, après un passage express à la baraque à frites. J’étais stupéfait : avec une carabine qui n’en avait que le nom, il logea quatre plombs dans un carton agité de surcroît par le vent. Comme il nous invitait à suivre son exemple, j’expliquai après le premier essai que le brave forain qui tenait le stand avait peut-être le droit de conserver intact un œil. Damien avait une immense qualité : il ignorait la malveillance. Il est heureux, le monde étant décidément bien fait, qu’il n’ait à braver la période que nous traversons et dans lequel règnent ceux qui ne sont plus les avocats, en argot : les baveux.

Je veux dire un dernier mot, peut-être le seul, qui exprime cet homme. Dans la cathédrale royale de Versailles, le 11 mars au matin, parmi les capes de Malte, les couleurs épiscopales et les étendards de notre armée, les drapés du barreau et les costumes de la République, mais à bas, à terre : le cercueil était posé, à même le sol. Et dans la boîte en bois reposait un homme en simple bure, comme il l’avait souhaité. Ça résume. 

 

Jean-Philippe De GARATE

Ancien magistrat et avocat, auteur du « Manuel de Survie en milieu judiciaire » (Editions Fortuna)

 

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