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Marie-Odile Vincent ou le handicap sans frontières

Marie-Odile Vincent a professionnalisé grâce à sa collaboration avec  Comptoir des Voyages le concept du voyage accessible aux personnes handicapées.

Portrait

Son handicap, qui l’accompagne depuis l’enfance, n’aura pas raison d’elle. Elle n’est pas de ceux qui renoncent. Dans son fauteuil roulant, rien ne peut l’arrêter. Marie-Odile Vincent a puisé sa force à deux sources : sa souffrance et ses rêves. L’une a forgé sa volonté, les autres l’ont inspirée. Aujourd’hui, avec le recul, elle trouve un sens à chacune des épreuves de sa vie.

Le sort ne l’a pas épargnée mais, parvenue à le mater, elle mène une existence intense. Pragmatique et déterminée, cette combattante trace son parcours de défi en défi qu’elle-même s’oblige à relever : le prix de sa liberté.

Alors que les éléments auraient pu la condamner à une position d’« assistée » – on estime trop souvent, dit-elle, que les personnes handicapées sont inaptes à se prendre en charge –, Marie-Odile Vincent a conquis de haute lutte son statut d’actrice de sa vie.

Après avoir obtenu sa maîtrise en histoire de l’art – elle devait « régler quelque chose par rapport l’esthétique. À ce niveau non plus, ce n’est pas toujours évident d’être une femme handicapée » –, elle s’est sentie en paix et a pu aller de l’avant. Échapper au confinement fut son objectif suivant. Il lui fallait pour cela acquérir les outils d’accès au monde. Elle se lança alors dans des études de veille et de recherche d’information qu’elle finit avec un diplôme de troisième cycle en poche.

Ce n’était pas assez. Elle avait passé vingt ans dans des hôpitaux et structures pour personnes handicapées, grandi en marge de tant de choses ! La révolte qui grondait en elle avait besoin de s’exprimer. Elle voulait devenir une citoyenne à part entière et découvrir le monde. Elle y a réussi. Elle a visité le Brésil, la Tanzanie, la Jordanie et bien d’autres pays. « Quand on a des passions, on arrive toujours à réaliser des choses. » Et elle a même ouvert ce monde, dont elle est si passionnée, à un large public de personnes handicapées, adaptant à leurs limites l’idée du voyage sur mesure. Sa dernière aventure.

Tout a commencé sur une phrase lancée par le gérant d’une agence de voyage : « Moi, les gens comme vous, je les fais voyager ». Il ignorait alors à qui il s’adressait. Qu’il suffisait d’un rien pour la mettre en action. Et qu’il venait de déclencher un mouvement irrésistible. Elle revint une fois par semaine. Travailla à ses côtés. Développa un projet de voyage accessible. Gagna un prix. Communiqua. Puis il y a sept ans, elle conclut un accord avec un tour-opérateur, Comptoir des voyages. Depuis, elle a créé 31 destinations de voyages sur mesure pour personnes handicapées. Son objectif : une destination par pays. Pour l’instant. Car les limites sont faites pour être repoussées.

Entretien avec Marie Odile Vincent

 

PEROU1En quoi consiste votre travail et quel est votre objectif ?

Je suis consultante en matière de « voyage et handicap » pour Comptoir des voyages, spécialiste des voyages à la carte. L’idée était de créer dans chaque pays une destination accessible aux personnes handicapées.

Je travaille à plusieurs niveaux. D’abord, à éveiller la conscience et la sensibilité des professionnels du tourisme aux problématiques du handicap pour qu’ils soient capables d’accueillir les clients handicapés et de concevoir pour eux, comme pour chacun, des projets de voyage. Pour cela, il faut qu’ils apprennent à poser les bonnes questions. Or, souvent, ils ne savent pas quoi demander et, quand ils le savent, ils ne l’osent pas toujours. Le plus simple, c’est de rester dans le factuel.

Ensuite, je dois tester la destination avant de la lancer officiellement. On ne peut pas se permettre d’envoyer des personnes handicapées dans des endroits qui ne l’ont pas été. La préparation est énorme : environ un an de travail.

Quant à l’objectif, il est que les clients handicapés puissent être accueillis et aidés dans la réalisation de leurs projets. Pour qu’ils ne soient pas obligés de s’adresser à des structures dédiées au monde du handicap et donc contraints à ne voyager qu’avec d’autres personnes handicapées. Et cela passe par la construction d’une offre touristique dédiée, de produits clé en main sur chaque destination.

De quelle nature sont vos offres ?

Il s’agit de voyages, validés donc de A à Z par moi. Ne sont visibles sur notre le site de Comptoir que les voyages accessibles que j’ai testés. Pas question d’envoyer des personnes handicapées vers des situations difficiles et donc douloureuses. Même si nos formules « à la carte » ne peuvent pas être tout à fait de même nature que celles pour personnes valides. Il y a des contraintes et des impératifs incontournables dans le cadre d’un voyage accessible. La flexibilité concerne essentiellement le choix des dates, de durée et de budget. Mais il y a quand même le choix entre des formules séjour et circuit.

Pensez-vous pouvoir ouvrir toutes les destinations aux touristes handicapés ?

Le handicap ne choisit pas son pays. Selon les estimations, il y a 15 % de personnes handicapées dans le monde. Partout dans le monde. Il n’y a donc aucune raison de ne pas trouver arriver à au moins une destination par pays. Mais cela ne dépend pas seulement des infrastructures, il y a aussi une question de sensibilité. L’ouverture aux personnes handicapées n’est pas la même partout.

Y a-t-il des tabous dans le domaine « voyage et handicap » ? En quoi les renversez-vous ?

Disons que ce n’est pas toujours simple et qu’il y a des barrières. Souvent les gens sont mal à l’aise avec les personnes handicapées. Parce que là on est dans des questions fondamentales de vie, de mort, de vieillesse, de maladie. Et puis il y a les limites que se mettent les professionnels eux-mêmes de peur de se voir reprocher de faire de l’argent sur le dos des personnes handicapées. D’autre part, il y a les personnes handicapées, qui elles aussi se freinent pour éviter les frustrations. Elles préfèrent parfois s’empêcher de rêver de certains voyages parce qu’elles pensent que les offres n’existent pas : si on ne rêve pas, on ne peut pas être frustré.

Avec notre offre, nous relevons le défi de la mixité et de la diversité des propositions dans le respect des contraintes liées aux handicaps. Ce qui est une avancée importante et nécessaire. Car la réalité est là : les personnes handicapées entendent vivre leur citoyenneté comme tout un chacun, le revendique et s’engage de plus en plus pour la mettre en œuvre.  Le monde du travail leur est désormais plus ouvert, ce qui veut aussi dire qu’elles disposent désormais d’un pouvoir d’achat.  En travaillant comme tout le monde, nous voulons pouvoir consommer et voyager comme tout le monde. Pourquoi pas jusqu’au bout du monde.

 

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