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Dominique Attias, vice-bâtonnière de l’Ordre des avocats de Paris : « Les avocats sont à la pointe des combats pour la liberté. »

Le coup d’envoi du huitième campus international organisé par le barreau de Paris, cette fois en collaboration avec son homologue du Gabon, sera donné ce soir, 2 mai, à Libreville. Son titre ambitieux, « Les Nouveaux Horizons de l’avocat », est à la hauteur du programme dédié pour une part à l’économie et les challenges posés par les marchés émergents, pour l’autre aux « droits humains ».

Le marathon de conférences-débats, pas moins de neuf en deux jours, commencera demain matin à la première heure. Y seront abordés des sujets fondamentaux, dont la défense des femmes et des mineurs, la place de l’avocat dans la Cité ainsi que la responsabilité sociétale de l’avocat, son adaptation aux nouvelles pratiques, la déontologie et, cela s’imposait, « les défis contractuels pour le développement économique de l’Afrique ».

Dominique Attias, vice-bâtonnière et présidente de la commission internationale de l’ordre parisien des avocats, prononcera son discours d’ouverture après celui de Séraphin Moundounga, 2e vice-Premier ministre du Gabon, garde des Sceaux et ministre de la Justice et  des Droits humains. Elle participera aussi au Campus en tant que modératrice et interviendra sur un thème cher à son cœur la solidarité et la justice internationale.

Nous l’avons questionnée sur l’objectif de ces Campus, le métier d’avocat, l’Afrique…

Entretien avec une femme passionnée et déterminée.

 

Qui est à l’initiative de ce projet et quelle en est la finalité ?

Le barreau de Paris est à l’origine de ces Campus internationaux qui ont lieu plusieurs fois par an depuis 2013. Le premier s’est déroulé au Vietnam, à Hô chi Minh-Ville. Nous en avons organisé au Brésil, en Russie, à Shanghai… Il s’agit de notre deuxième en Afrique puisque le Mali nous a accueilli en 2014. À la base, le propos de ces Campus était de permettre aux avocats de se former, étant donné qu’ils sont tenus d’attester d’un minimum de 20 heures par an (ou 40 heures en deux ans) de formation continue. Mais les objectifs sont multiples. Il s’agit de rencontrer des confrères d’autres pays, d’échanger sur des problématiques communes ou particulières, d’aider les avocats français à se développer à l’étranger… Ces campus sont l’occasion de se connaître, de s’informer des réalités auxquelles les avocats sont confrontés dans le monde et de constituer des réseaux de coopération voire d’entraide. Car il est des pays où nos confrères risquent leur vie pour défendre leurs clients, pour défendre le droit même à une défense.

 

Comment expliquez-vous cet état de faits ?

Les avocats sont les derniers avec les journalistes – et encore, eux ont perdu beaucoup de leur indépendance – à pouvoir changer la société et défendre les libertés. Les avocats, d’où qu’ils viennent, ont en commun la volonté, chevillée au corps, de défendre les plus vulnérables, de ne pas se laisser museler. Ils sont à la pointe des combats pour la liberté. Dangereux pour les dictatures, ils y sont eux-mêmes en danger. Dans certains pays, les avocats sont assassinés parce qu’assimilés à leurs clients. Mais n’allons pas si loin. Ici, en France, quand je vois ce que subit l’avocat d’Abdeslam, j’hallucine. Quelle régression ! Être défendu est un droit humain.

 

Pourquoi avoir choisi le Gabon dont d’aucuns mettent en doute l’État de droit ?

Le choix du Gabon était très pragmatique : Libreville est accessible en trois heures d’à peu près partout en Afrique. De plus, le Gabon, tranquille en termes de sécurité, est représentatif de l’avenir de l’Afrique. C’est un pays en plein développement qui se préoccupe de l’environnement. Quant à votre question sur l’État de droit, je tiens à préciser que je considère l’Afrique avec beaucoup d’humilité. On y rencontre des cultures très particulières d’une richesse et d’une finesse qui personnellement me fascinent. Je ne suis pas de ceux qui s’imaginent savoir mieux que les Africains ce qui est bon pour eux. Les réalités sont complexes. Pour ma part, je suis prête à soutenir ceux qui me le demanderont, et s’ils me le demandent. En toute humilité, je le répète.

 

Entendez-vous par là qu’il n’y a pas de valeurs universelles à défendre ?

J’entends par là qu’il faut arrêter de se prendre pour les rois du monde et de vouloir donner des leçons à tous. Nous avons certainement, nous, à apprendre. De nos collègues, par exemple. Quand je pense à Alice Nkom, avocate LGBT menacée de mort au Cameroun, ou à Fatimata MBaye en Mauritanie qui, après avoir été torturée et emprisonnée pendant cinq ans, continue à se battre pour les droits des femmes ça me booste. Quel courage et quelle énergie incroyables ! Mais, sinon, bien sûr qu’il y a des valeurs universelles. Je suis intransigeante sur les libertés fondamentales et le respect des textes. Intransigeante contre la peine de mort, pour la liberté des femmes, l’indépendance des avocats, l’accès aux droits…

Opio Derrick Hosea
Homayra Sellier
Sylvère-Henry Cissé
Dominique Attias
Corinne Evens
Gérard Idoux
Stéphanie Mbida
Fadia Otte
Maurice de Kervénoaël
Marie-Odile Vincent
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Jean-Paul DELEVOYE