
La France interdit les poupées pédopornographiques. À juste titre parce qu’elles traduisent une vision abjecte de l’enfance, réduite à un objet de désir. Cette interdiction, au-delà de son aspect symbolique, rappelle qu’il existe des limites morales et juridiques à ce qu’une société peut tolérer quand il s’agit de la protection des enfants. Mais alors, comment justifier que, dans le même pays, on tolère que des fillettes soient voilées, parfois dès l’âge de cinq ou six ans, au nom d’une prétendue pudeur religieuse ?
Le même mécanisme : sexualiser pour contrôler
Le parallèle peut choquer. Pourtant, il est fondé car dans les deux cas, c’est bien du même processus dont il s’agit : faire peser sur le corps de l’enfant, pardon de la jeune fille, une signification sexuelle qu’il ne peut ni comprendre ni assumer.
L’enfance n’a pas à porter les signes d’une sexualisation précoce.
Couvrir les cheveux d’une fillette, c’est déjà supposer qu’ils pourraient éveiller le désir d’un homme. C’est donc sexualiser son apparence, non pour la protéger mais pour mieux la contrôler.
Cette idée que la pudeur devrait s’appliquer à l’enfant est une défaite intellectuelle et morale. Elle suppose que l’innocence n’existe plus, que la pureté du regard enfantin doit se soumettre à la suspicion du monde adulte.
Une atteinte à la liberté et à la dignité
Le voile dit islamique, imposé à des fillettes, n’a rien à voir avec la foi. Il est une marque d’enfermement, un signe d’appropriation du corps avant même que l’enfant ait conscience d’en avoir un.
Ce n’est pas une question religieuse, c’est une question de droit et de dignité. La Convention internationale des droits de l’enfant, signée par la France, stipule que les enfants doivent être protégés de toute forme d’endoctrinement et de traitement dégradant. Or, imposer à une petite fille un signe de soumission à une norme patriarcale, c’est précisément cela : une atteinte à sa dignité et à son libre développement.
La responsabilité de la République
Il ne s’agit pas ici de stigmatiser une religion, l’islam mais de rappeler un principe fondamental : la République protège les consciences avant qu’elles ne soient façonnées.
On ne naît pas croyant, on le devient et avant d’en avoir la liberté, l’enfant doit pouvoir grandir sans contrainte.
C’est tout le sens de la loi du 15 mars 2004, qui interdit le port de signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires publics : protéger les élèves de toute influence ou assignation identitaire afin qu’ils puissent s’instruire et se construire librement. C’est cela, la laïcité : la neutralité de l’État et de ses institutions et la protection de l’école comme espace d’émancipation, à l’abri de toute pression religieuse ou communautaire.
L’école républicaine a été pensée pour cela : non pour abaisser les têtes mais pour les relever.
La tolérance n’est pas la lâcheté
Certains diront : « Laissez les familles tranquilles ; c’est leur culture, leur choix » mais la tolérance cesse d’être une vertu lorsqu’elle devient une abdication.
Ce que la société accepte ou ferme les yeux dessus, elle le légitime. Or accepter qu’une fillette soit voilée, c’est banaliser une forme de sexualisation implicite ; c’est valider que son corps est déjà porteur d’un risque moral.
La République ne peut pas interdire les poupées pédopornographiques tout en détournant le regard de cette autre atteinte à l’enfance.
Retrouver le courage de nommer les choses
On ne protège pas les enfants en niant la réalité. Le voilement des fillettes n’est pas un signe d’amour ni de foi : c’est un symptôme d’un système patriarcal qui sexualise pour mieux soumettre.
Refuser de le voir, c’est renoncer à la mission la plus essentielle d’une société civilisée : protéger l’enfance, parce qu’elle est ce qu’il y a de plus pur, de plus fragile et de plus précieux.
La République ne peut pas tout interdire mais elle doit tracer des lignes claires et celle-ci devrait être évidente : le corps des enfants n’appartient ni à une idéologie, ni à une religion, ni à une tradition. Il leur appartient et à eux seuls.
Thierry Gibert
Agé de 53 ans, Thierry Gibert vit à Aurillac dans le Cantal. Délégué Départemental de l’Éducation Nationale du Cantal, il est formateur « Valeurs de la République et Laïcité » en région Auvergne-Rhône-Alpes, responsable syndical départemental, président de l’association Union des famille laïques du pays d’Aurillac, fondateur du collectif citoyen En Avant Aurillac. Il s’exprime à titre personnel dans les colonnes d’Opinion Internationale.


















