La légende populaire se souvient encore des villages en carton-pâte, bâtis pour masquer à Catherine II de Russie la pauvreté de la Russie et sa triste réalité, par son ministre et amant Grigori Potemkine.
Ce fameux sommet de l’IA organisé par Emmanuel Macron ressemblait fort à ces constructions en trompe-l’œil. La plupart des grands décideurs, à l’image du Vice-Président américain J.D. Vance, ne se sont pas laissés berner. Vance a d’ailleurs vite quitté ce sommet et la France. Aucun intérêt pour lui, l’essentiel étant ailleurs et surtout aux Etats-Unis. On verra vite si les efforts du président Macron, à grand renfort de battage médiatique, leurrent ou non nos concitoyens.
Le grand débat organisé par le Think Tank, le Cercle Avenir et Progrès, mercredi 12 février, a parfaitement éclairé les esprits sur la réalité derrière le carton-pâte, sur les dangers, sur nos forces réelles comme sur nos faiblesses, et particulièrement sur la cybercriminalité, prolongement logique de la criminalité la plus classique.
Bien sûr, il y a l’annonce : 109 milliards d’euros doivent être investis dans l’IA en France. Mais le même jour, Musk proposait grosso modo le même montant pour reprendre Open AI et son fameux Chat GPT. De quoi vite relativiser !
Bien sûr, nos amis Emiratis vont participer à hauteur de 50 milliards à ce programme d’investissement. Mais nos amis du Golfe ne sont pas des bons Samaritains. Ils attendent un retour sur investissement en monnaie sonnante et trébuchante, comme en influence sur notre politique étrangère. Cet investissement étranger pose au moins une question : pourquoi n’arrive-t-on pas à convaincre les Français et les Européens d’investir leur épargne dans ce type d’investissement d’avenir ?
Bien sûr, les Français et les Européens n’attendent pas, eux, de retour sur leur investissement autre que financier, et eux connaissent parfaitement les freins européens et surtout français sur tout investissement réalisé en France. Ils ne vont pas investir n’importe comment leur épargne !
Les Français comme les Européens savent parfaitement que nos Grandes Ecoles produisent les meilleurs ingénieurs et codeurs de la planète mais que nous sommes incapables de créer l’écosystème favorable pour les garder en France ou pour qu’ils puissent développer de véritables concurrents à leurs alter ego américains ou chinois.
Nous taxons bien plus fort tout projet économique, le coût du travail en France est largement supérieur à celui de tous ses principaux concurrents, et le budget Bayrou, d’inspiration socialiste, un budget coûteux à force de concessions pour survivre, voté à grands coups de 49-3, n’arrange rien, bien au contraire, il alourdit toujours plus nos taxes, nos impôts, le coût du travail, sans diminuer nos dépenses publiques, des dépenses de fonctionnement et non des dépenses d’investissement malheureusement. Nous réglementons, nous normons, nous taxons, nous bloquons, et nous incitons nos créateurs à aller voir ailleurs.
Terrible constat ! Et surtout pour tous les projets en Intelligence Artificielle, car ne nous laissons pas tromper par ce vocabulaire faux ami. L’intelligence, dans Intelligence Articielle, n’a rien d’intelligente. Il s’agit du terme anglo-saxon que nous retrouvons dans CIA, Central Intelligence Agency. Il s’agit du mot américain pour informations. Autrement dit la véritable traduction pour « Artificial Intelligence » est « Traitement à Grande Echelle des Données Disponibles ».
Nos ingénieurs peuvent faire les plus beaux moteurs et algorithmes, s’ils n’ont pas suffisamment de données propres pour entraîner leurs modèles, ils ne pourront aller bien loin. Un modèle, cela s’entraîne, en le nourrissant de milliards de données. Un modèle sans données, ce sont des neurones sans yeux, un cerveau aveugle de naissance, un monde sans lumière !
Or, que fait-on en Europe et principalement en France, on légifère, on norme sur l’utilisation des données, on empêche la constitution de vastes bases de données. Les freins, les blocages de toute sorte sur la reconnaissance faciale illustrent notre situation.
Et là, ce sommet de l’IA est resté bien muet. Macron, Modi et leurs invités auraient dû débattre de l’accès aux données, de l’éthique sur l’utilisation des données, du juste curseur à placer entre la protection de la liberté individuelle et le besoin de la Nation de créer des champions de l’IA, et donc du traitement de données. Où placer le curseur entre deux nécessités divergentes ?
Sans ce débat, nous n’irons pas bien loin. C’est peut-être pour cela que les Français et les Européens rechignent à investir dans les projets IA en France. D’ailleurs les investisseurs du Golfe choisissent surtout de placer leur pécule dans des projets d’infrastructure, de hardware, et très peu dans des projets sur des modèles et sur des algorithmes. Nous mettons à leur disposition des mètres carrés, de l’énergie abordable, pas plus. On leur loue notre espace, le début d’une colonisation, sans retour sur investissement véritable pour nos citoyens.
On dit que Catherine II n’a jamais été dupe sur la réalité de sa Russie, malgré les efforts de son amant et ministre. Gageons que les Français non plus ne sont pas dupes de la réalité de nos forces et faiblesses ! La France n’a plus de temps à perdre avec un nouveau Potemkine, malgré son art certain de la séduction. Elle a besoin d’un responsable courageux qui parle vrai, comme de Gaulle ou Mendes France en leur temps, elle a besoin d’un vrai décideur comme Pompidou qui avait su bâtir le renouveau économique et industriel de notre pays dans les années 60…