Opinion Paris 2024
11H04 - jeudi 6 juin 2024

Victor Young Perez : légende du Ring, boxeur d’Auschwitz. Tour du monde des délégations #10

 

Le destin tragique d’un prodige de la boxe, né le 18 octobre 1911 à Tunis, en Tunisie, qui grandit dans le quartier juif de la Hara, marque l’histoire de la boxe française et affronte l’horreur du nazisme comme dernier combat. 

Victor Perez commence sa carrière de boxeur à un jeune âge. Lors de son premier combat officiel avec son club, il tient à orner son short de l’étoile de David, cela sera sa première victoire.

Son surnom « Young », il l’a aussi gagné sur le ring, contre un de ses amis avec qui il avait mis en jeu le nom de boxeur qu’ils convoitaient tous les deux. Après avoir brillé sur la scène locale, il est temps pour lui de rêver plus grand. À seulement 17 ans, il part pour Paris afin de s’attaquer à des titres plus importants. Il travaille comme vendeur de chaussures tout en s’entraînant dur. Il est alors repéré par Léon Bellières qui devient son entraîneur. À 17 ans, il effectue et gagne son premier combat professionnel. Tout s’enchaîne alors rapidement pour le petit prodige. Le 12 juin 1931, il devient champion de France poids mouche, il gagne petit à petit une certaine renommée. Le 26 octobre 1931, il devient champion du monde à 20 ans dans la catégorie des poids mouche du haut de ses 1,55 m. Aujourd’hui, il est encore le plus jeune champion de l’histoire dans cette catégorie. Sa victoire le propulse d’enfant modeste à grande star, au-delà même du monde de la boxe et des frontières françaises. Après avoir atteint le toit du monde, il traverse une période plus difficile sur le plan professionnel mais aussi personnel. Il prend du poids et doit changer de catégorie, malgré cela il perd beaucoup de combats. Il vit ces défaites comme des humiliations mais ne perd pas espoir. 

L’histoire le rattrape, la Seconde Guerre mondiale est déclarée, les idéologies nazies et l’antisémitisme progressent. Il refuse de rentrer à Tunis, certains affirment qu’il voulait récupérer son titre de champion avant de retrouver les siens. Pendant cette période dans la capitale française, il refuse de se plier aux règles antisémites imposées par les nazis. Il est dénoncé et interné à Drancy le 21 septembre 1943. Il est déporté dans le camp d’Auschwitz le 10 octobre dans le convoi numéro 60. Son statut et sa renommée lui permettent d’obtenir un traitement à peine moins cruel que les autres détenus, mais il est forcé avec d’autres boxeurs et prisonniers à combattre pour divertir les nazis qui effectuent des paris. À côté de cela, il travaille à la cuisine, ce qui lui permet de se nourrir un peu mieux et d’aider les autres déportés. Quand les nazis s’en rendent compte, il est violemment sanctionné, perd son poste aux cuisines et doit effectuer des tâches difficiles. Le 18 janvier 1945, les nazis commencent l’évacuation du camp, car l’Armée rouge soviétique approche rapidement. Ils veulent cacher les preuves des atrocités commises et empêcher la libération des prisonniers. Victor Young Perez fait alors partie des 31 survivants des 1 000 déportés du convoi numéro 60. Ils sont forcés de marcher de très longues distances dans des conditions extrêmes, c’est ce qu’on appellera plus tard la marche de la mort. Le 22 janvier 1945, le boxeur tente d’aller chercher du pain pour le reste du groupe et se fait fusiller par un SS, il décède à l’âge de 33 ans.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, des obsèques symboliques ont lieu à Tunis et son nom est inscrit sur le monument aux morts en déportation du cimetière du Borgel à Tunis, il est aussi gravé au Mémorial de la Shoah à Paris. De nombreux livres et bandes dessinées ont été publiés en hommage au sportif.

 

En 2008, sa touchante histoire a été racontée dans un film, Victor Young Perez » de Jacques Ouaniche permettant à une nouvelle génération de découvrir la vie et de ne pas oublier l’héritage de ce champion. Le rôle de Young Perez y est interprété par l’acteur Brahim Asloum, qui est lui-même un boxeur français, ayant remporté une médaille d’or aux Jeux olympiques d’été de 2000 à Sydney dans la catégorie des poids mouche.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le 7 octobre 1997, à l’Institut national du sport et de l’éducation physique, à Paris, a lieu une cérémonie d’hommage ou une plaque est dévoilée dans la salle de boxe qui porte le nom du champion, on peut y lire « salle Young-Perez » : « À la mémoire de Young (Victor) Perez, grand sportif français, champion du monde des poids mouches de boxe en 1931, À l’âge de vingt ans, victime des lois raciales du gouvernement de Vichy, Juif déporté le 7 octobre 1943 à Auschwitz, assassiné par les nazis le 22 janvier 1945 ».

 

 


Depuis 25 ans ont lieu des cérémonies commémorant le parcours et la mémoire de Victor Young Perez à l’INSEP (Institut National des Sports et de l’Education Physique).
Le 16 avril 2024, une belle et émouvante soirée s’y est déroulée en présence notamment de Dominique Nato (président de la fédération sportive de boxe), Jean-Philippe Gautrais (maire de Fontenais-sous-Bois), Azedine Ben Yacoub (président du comité pour la mémoire des enfants déportés et président du Ring de Fontenay), Dérirée Haddad Bellaiche (présidente de Neapolis) et Franck Serfati (président « Les Amis de Diderot » Vincennes) et initiateur de la soirée.
Le directeur général de l’institut, Fabien Canu a déclaré à cette occasion, « Le sport n’a de raison d’être qu’au regard des valeurs de fraternité et d’amitié qu’il véhicule, mais aussi du devoir de mémoire que nous avons, notamment vis-à-vis de tous ces sportifs qui ont donné leur vie pour la France. »

 

 

 

Mathilde Chardon, Journaliste Rubrique Opinion Paris 2024