Opinion Paris 2024
10H25 - vendredi 22 mars 2024

Des Jeux haute performance pour tous ? Dans les yeux de Paris 2024, la chronique #2 de Frédéric Brindelle

 

Cet été, nos cœurs battront au rythme de nos champions. La France comptera ses médailles, le gouvernement félicitera, célèbrera, s’auto-satisfera. Nos enfants nous harcèleront pour prendre une licence en septembre, dans le club voisin qui encadre la discipline pour laquelle nous aurons tant vibré.

L’enjeu deviendra colossal, les parents déborderont de passion depuis les tribunes, leur progéniture leur semblera prédestinée pour intégrer la super caste, celle des champions.

Nous allons voir défiler sur la Seine ces champions, de riches et beaux athlètes, footballeurs, golfeurs, tennismen. Certains, toujours aussi beaux, afficheront leur professionnalisme sans les millions, comme les volleyeurs, handballeurs, cyclistes sur route. Il y aura bien ces individualités, les judokas Agbegnenou et Riner, Marchand le nageur, Ferrand Prévot la Vététiste, dont la carrière attractive pour les plus généreux sponsors leur permet un certain standing… et puis il y aura des galériens.

Ceux qui appartiennent à la « super caste » mais qui s’inquiètent de pouvoir payer leur loyer chaque mois.

40% des athlètes français présents aux Jeux de Rio vivaient sous le seuil de pauvreté. Moins de 1150 euros par mois !

Rares sont nos sportifs (hors disciplines hyper-professionnalisées) qui vivent de leur seul sport.

Sur le modèle de nos voisins britanniques, organisateurs de l’édition 2012, notre pays a mis en place un plan « haute performance » depuis 2020, chapeauté par l’Agence Nationale du Sport. Son budget culmine à 120 millions d’Euros.

Tout d’abord, 272 athlètes ont intégré ce dispositif, qui les place en position idéale pour obtenir une médaille, en fonction de leur potentiel et de leur sport.

Ces brillants athlètes bénéficient d’une préparation mentale et physique, de multiples optimisations de leur pratique, d’un suivi médical, d’un revenu minimum… Ils accèdent plus facilement à des entreprises qui les sponsorisent ou les emploient à temps très partiel. Quand le compte n’y est pas, l’ANS complète leurs revenus. 

Ces derniers mois, 300 autres athlètes ont intégré le dispositif, ce qui donne un total de 500 médaillables. Ils perçoivent tous, 40 000 euros de revenus brut minimum, sur une année complète.

Ça fait beaucoup d’élus mais encore plus d’isolés. Les 329 épreuves olympiques et 269 sessions paralympiques prévues à Paris drainent un nombre de prétendants français nettement plus élevé que les 500 privilégiés.

Beaucoup crient à l’injustice. Par exemple, nos meilleurs pentathlètes intègrent logiquement le programme, eux qui jouissent d’une concurrence internationale limitée. Que dire de l’athlétisme où tous les pays du monde se donnent rendez-vous, et où les chances de médailles restreintes éjectent nos prétendants hors du programme ? Sans le soutien de l’ANS, comment mener sa carrière olympique quand il faut se coltiner une journée de travail quotidiennement ? Comment financer les stages, les staffs, les déplacements, les frais de garde d’enfants dans certains cas ?

De façon plus générale, faire une carrière dans le sport de haut niveau reste inaccessible en France à un jeune qui aurait une maturité physique tardive. Nous parlons de celui qui atteindrait le statut d’espoir, un peu après les premiers élus, au moment où déboulent les études supérieures et leurs horaires incompatibles. Les meilleurs précoces, ceux dont le corps accède plus rapidement à la maturité, intègrent des sports-études ou des structures départementales aidantes. Trop tard pour les autres ! Pas moins talentueux, l’âge de la maturité venu.

Alors quel parent pourrait dire à son enfant qui se révèle tard, à 16 ans : « nous allons privilégier ton parcours sportif au risque que tu tombes dans la précarité » ? Des très riches ? et encore… Seraient-ils prêts à les priver d’un parcours étudiant ambitieux ?

Bref, vous, « petits intellos à la croissance normale », le sport de haut niveau vous demeure inaccessible dans notre pays olympique. Vibrez toutefois pour ceux dont la vie féérique ne tient qu’à un fil, à une seconde, à un grain de sable.

 

Frédéric Brindelle
Journaliste et chef de rubrique Opinion Paris 2024