Opinion Paris 2024
11H30 - jeudi 21 mars 2024

D’Athènes à Paris, universels Jeux Olympiques – Dans les yeux de Paris 2024, la chronique #1 de Frédéric Brindelle

 
L’universalisme, défini par le prisme de la philosophie, est une doctrine ou une opinion qui considère l’univers comme une unité englobant tous les êtres humains et qui n’admet d’autorité que dans le consentement universel.

Les Jeux Olympiques demeurent l’unique véritable fête universaliste.

Je me souviens de ces visages dans l’avion qui décollait de Roissy en 2004. Les Douillet, Pérec, Durant, Riboud, tous champions olympiques, embarqués par Canal+ pour tenir le rôle de consultant à Athènes, partageaient mon rang de sièges. Je partais couvrir mes premiers Jeux, en tant que journaliste de cette grande chaîne de télévision. Ces champions transmettaient une émotion euphorisante qui deviendra palpable dès le bitume brulant foulé sur la terre natale de l’Olympisme.

Nos yeux brillaient. Nos voisins débarquaient de tous les fuseaux horaires de la planète, ceux du bureau, des journalistes Angolais, ceux des transports en commun, des arbitres Coréens ou des producteurs Iraniens, ceux des tribunes de presse, des anciens champions Australiens.

Les épreuves s’enchaînaient sans répit, les Américains, hot dog en main, séduits par la prestation de leur « Dream Team » de basket, dansaient avec les fans croates venus soutenir leur équipe de water polo, bonnets de bain à damiers rouges et blancs sur le crâne.

Le soir, les rues scintillaient par le rayonnement de l’Acropole illuminé. Le sourire d’une irrésistible Colombienne détournait le pas rythmé de fantasques Jamaïcains, jaunes et verts. Les gens communiaient depuis le port du Pirée jusqu’au stade Olympique.

Nous vivions un moment unique, avec des êtres humains tellement différents mais jamais aussi semblables qu’en ce moment pluriel, réunis dans ce lieu neutre et pacifiste du temple aux 5 anneaux.

Nos boxeurs, cyclistes, handballeurs, escrimeurs, pongistes, triathlètes, déboulaient tous enlacés depuis leur village olympique, pour crier leur bonheur ou plus modestement, leur émotion.

En quittant Athènes je me jurai que rien ne pourrait plus me faire occulter cette fête humaniste.

De nouveau missionné avec mes collègues, 4 ans plus tard, à Pékin, nos cœurs s’emballent face à ces bénévoles chinoises interloquées par notre blondeur européenne. Suis-je encore, 16 ans après, sur ces selfies qu’elles nous arrachaient à coups de sourires ? Nous posions au pied d’un stade baptisé « nid d’oiseau » où nous allions assister à une cérémonie d’une luminosité mystifiante, d’une mise en scène déconcertante, saupoudrée de ces 204 drapeaux, portés par leurs sportifs, vêtus de leur plus identifiants ornements. Tous réunis par l’Olympisme, nous nous autorisions à visiter la Cité interdite, où à quelques mètres de là, chacun justifiait singulièrement sa venue sur la place Tiananmen.

Et puis il y eut Londres, chez nos voisins insulaires qui soulageaient notre angoisse de rouler à gauche par une qualité de transports en commun chimérique pour le modeste banlieusard parisien que je suis.

Le Club France, voisin du Tower Bridge, voyait débarquer parfois une star de la chanson, parfois un supporter mosellan, parfois un champion olympique de saut à la perche, systématiquement un politique… Certains badauds venus des 5 continents interrogeaient, sourire aux lèvres, le vigile à l’entrée pour savoir si on y dégustait de la cuisine française.

Comment oublier  ces montagnes apparues sans prévenir, après un voyage en bus entre Séoul et Pyeongchang en 2018. Cette amicale et moderne Corée du Sud, devenue aujourd’hui un eldorado de notre jeunesse, regorgeait bel et bien de pistes de ski alpin, de parcours enneigés de biathlon, de patinoires « supra » avant-gardistes. Des Néo-Zélandais comparaient leur montre « high tech » achetée dans un magasin du village olympique, avec des Suisses bluffés.

Mai 2016, ma carrière professionnelle devait prendre un virage quand, quinze jours plus tard, j’apprends que nous avons les droits de diffusion des Jeux de Rio. Je modifie mes plans et reste dans ma rédaction pour couvrir l’évènement. Nous célébrons à Copacabana notre arrivée au pays de Pelé. La tension tranche avec l’atmosphère des 4 précédentes olympiades évoquées. Le défi de la sécurité n’est pas totalement relevé, la circulation s’apparente à un chemin de Corcovado. Les gens dansent autour du stade improvisé de beach volley sur la célèbre plage brésilienne, nous savourons. Peu de temps après, nous doutons. Un diplomate russe, conduit par son garde du corps, se fait braquer par un voyou des favélas à un feu rouge. Le cerbère russe exécute son agresseur en retournant son arme contre lui. Les journalistes se donnent l’information à mots feutrés, la fête doit se poursuive, le Brésil étouffe l’affaire. Teddy Riner, Estelle Mossely ou encore Denis Gargaud repartent avec une médaille d’or. Un mélange de saveurs et de déceptions se logent dans nos bagages. A l’aéroport,  je croise les passagers du vol Rio – Johannesburg, je salue notre chauffeur musicien avec qui nous aurons chanté durant ces 15 jours. Le monde entier ne se retrouvera que 8 ans plus tard, pour cause de Covid et de Jeux à huis clos.

Rien ne ressemble à l’universalisme des Jeux Olympiques, nous le constaterons pendant ces prochains mois, chez nous, à Paris, plus largement en France. La responsabilité de leur organisation exige de dépasser les clivages nationaux, de proposer au monde entier une atmosphère apaisée, le temps de cette fête, la seule qui réunisse le monde entier, en toute fraternité.

 

Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique Opinion Paris 2024