La chronique de Patrick Pilcer
18H00 - mercredi 20 mars 2024

Hausse des marchés financiers, cette liquidité exubérante qui manque au reste de l’économie ! La chronique de Patrick Pilcer

 

Les bourses, un peu partout dans le monde et surtout en Europe, battent record après record. Toujours plus haut ! Pourtant l’économie européenne stagne. La France revoit régulièrement sa croissance à la baisse, ses déficits à la hausse. L’Allemagne est en récession. La Chine a de plus en plus de mal à justifier les chiffres de croissance décrétés par le Parti. Mais tout continue de monter.

Tout, en fait, non. Le secteur de la construction et de l’immobilier s’effondre, comme tout le laissait présager depuis des mois, devant l’indifférence des pouvoirs publics. Les PME-PMI comme les start-ups ont de plus en plus de mal à se financer. Les ménages voient leur pouvoir d’achat sérieusement s’éroder et ont du mal à finir les mois. Inutile pour beaucoup d’essayer d’emprunter.

En resserrant trop tard et trop fortement sa politique monétaire, la BCE a considérablement affaibli notre économie.

La BCE pensait lutter contre l’inflation mais sa politique n’a que peu d’influence sur les hausses des prix, beaucoup plus sur le financement de notre économie, sur la construction et l’immobilier.

L’envolée de l’inflation était en très grande partie due à la sortie du Covid, à la guerre en Ukraine, aux grandes difficultés de la chaine d’approvisionnement, la désormais fameuse supply chain, et aux hausses des prix des matières premières et de l’énergie. A part la guerre en Ukraine, les facteurs de hausse ont naturellement retrouvé un équilibre plus sain. Le coût de construction a par exemple baissé de 10 à 15%. Et la BCE n’y est pas pour grand-chose, sauf si elle confond corrélation et causalité.

Par contre, la hausse des taux directeurs a stoppé net la capacité de nombreux ménages à s’endetter pour acheter un logement. La BCE y est là pour beaucoup, comme les gouvernements Edouard Philippe, Jean Castex, Elisabeth Borne ou Gabriel Attal. A force de vouloir pénaliser ce secteur, ils y ont magistralement réussi. Il ne sert d’ailleurs à rien au nouveau ministre de s’acharner à vouloir plus d’offre, le problème c’est la demande ! Il devrait s’atteler, enfin, à solidifier la demande de logements !

Et le secteur de la construction, au sens large, ce n’est pas rien, c’est plus de 20% de notre économie ! Quand le bâtiment va, tout va, mais quand le bâtiment s’effondre, mieux vaut ne pas être à proximité !

L’épargne ne va plus à la construction, elle ne va pas non plus aux PME-PMI ou aux start-ups. Les investisseurs voient bien que l’économie patine. Ils concentrent leurs investissements sur les valeurs à forte visibilité, sur les valeurs pérennes, internationales, très liquides, l’EuroStoxx 50, le CAC 40 bien sûr comme les dettes des Etats. Un « flight to quality » en somme.

La trop forte remontée des taux directeurs n’affecte d’ailleurs pas vraiment les Etats et les grandes sociétés. États comme grandes sociétés empruntent à long terme, et les taux longs sont restés à des niveaux acceptables. Par contre, les PME-PMI se financent à court terme ou sur des références de taux courts. Elles ne peuvent emprunter à 6 ou 8% quand leurs marges, au mieux, stagnent.

Pour les ménages, lorsqu’ils ont des liquidités, pourquoi chercher à acheter un logement locatif, qui rapporte difficilement 1 à 2%, après impôts fonciers, IFI, IR, après gestion des problèmes de plomberie, de rénovation thermique, de loyers impayés ou de squat, quand les comptes à terme rapportent 4% ? pourquoi chercher à emprunter pour se loger quand on nous dit tous les jours dans les journaux que les taux vont baisser à la fin du printemps et que les prix vont chuter ?

Les liquidités disponibles ne vont donc plus sur l’immobilier. Il faut bien, pourtant, qu’elles s’investissent quelque part, d’autant que les années dites Covid ont vu une forte hausse de l’épargne des ménages aisés.

Avant, l’épargne du médecin et du dentiste leur servait à acheter un studio, à loger un étudiant, un policier ou une infirmière, et à préparer leur retraite. Aujourd’hui, autant avoir des actions Nvidia ou Hermès, ou des comptes à terme. C’est moins imposé, plus facilement disponible, et, pour le moment, bien plus rémunérateur. Même le bitcoin en profite malgré son usage par les trafiquants, terroristes et états voyous. Les « cryptos » sont plus sexys que des studios.

Jusqu’à ce que la BCE ouvre les yeux, comprenne qu’elle peut et doit baisser ses taux directeurs ! Là, contrairement aux habitudes, cette baisse et ce desserrement monétaire entraineront non pas une hausse des marchés, traditionnelle, mais un phénomène de vase communiquant avec des sorties des marchés financiers pour des investissements dans le logement et dans les PME-PMI à nouveau.

Vivement après-demain, et en finance après-demain c’est demain…


Patrick Pilcer
Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers