La chronique de Patrick Pilcer
11H07 - lundi 4 mars 2024

Sur le RN comme sur l’Ukraine, Emmanuel Macron a trouvé sa stratégie : après moi le chaos !

 

Mais quelle mouche a donc piqué notre Président du « en même temps » pour déclarer ne pas exclure d’envoyer des troupes en Ukraine ?

Il est vrai qu’il vit des moments difficiles. Au Salon de l’Agriculture, il lui a fallu entamer un numéro de Music Hall, et revisiter le célèbre « Should I stay or should I go » des Clash pour s’en sortir. Et sur l’Ukraine, souhaite-t-il nous proposer un remake du film de Stanley Kubrik, Docteur Folamour dont le sous-titre était « comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe » ?

En 2022, lors de l’attaque inacceptable de la Russie sur l’Ukraine, en pleine campagne pour les Présidentielles, ce conflit avait grandement servi le Président sortant pour endosser l’habit de Chef des Armées et bénéficier de ce prestige pour être au second tour, et donc gagner l’élection suprême. Voter Pécresse ou Hidalgo paraissait bien inutile dans ce contexte. Mais aujourd’hui, ce coup de menton belliqueux fait-il sens ?

Quelles réactions peuvent avoir Poutine et les généraux russes ? Vont-ils croire qu’il ne s’agit là que d’une gesticulation sur notre scène politique intérieure en vue du scrutin européen, ou doivent-ils y voir un réel et dangereux pas en avant vers un affrontement entre nos deux pays, et s’y préparer, l’anticiper ?

Comment doivent réagir notre propre armée et nos généraux ?

Quand le Chef des Armées annonce qu’il faut être prêt, leur devoir est clair, il est d’obéir et d’être prêt à un prochain conflit. Mais comment organiser nos armées avec un Chef qui a une vision de la guerre très théorique voire particulière ?

Rappelons qu’il demande régulièrement à Israël, par exemple, de ne pas tuer les enfants, femmes et vieillards à Gaza, quand l’armée d’Israël fait tout, justement, pour éviter les pertes d’innocents.

Si nous devons bombarder un ennemi, comment nos bombes vont-elles séparer les soldats des civils ? Si nous devons utiliser l’arme atomique, ne tuera-t-elle que les militaires ? Mettra-t-il aux arrêts un général dont les troupes auront touché des civils en visant légitimement des militaires ennemis ?

Et même si nous évacuons cette question sous le tapis, à quel type de conflit nos troupes doivent-elles se préparer ? On envoie les Paras sauter sur Belgorod ? on fait décoller nos Rafales pour frapper qui et où ? Imagine-t-on les Russes ne pas répliquer ? A quel moment dégaine-t-on l’Arme Fatale ?

Nous ne sommes malheureusement pas dans un film et on ne vise pas le tapis rouge des Césars ! Nos canons Caesar sont faits pour détruire et tuer !

On comprend que les propos d’Emmanuel Macron aient engendré autant de questions, de doutes voire de scepticisme auprès de notre État-Major, auprès de nos diplomates comme auprès de nos alliés ou ennemis potentiels.

D’autant que les véritables questions, rationnelles, à se poser sont : l’Ukraine a-t-elle besoin de nos soldats et de quoi a-t-elle besoin pour contrer l’armée russe ? questions dont les réponses sont : non, l’Ukraine n’a pas besoin de nos soldats, elle a besoin de plus d’obus et de munitions !

Si nous souhaitons aider l’Ukraine, investissons alors dans des usines de fabrication d’obus et de munitions adaptées, en France. Un investissement de 50 à 100 millions d’euros qui pourra alors être réellement utile à nos amis Ukrainiens aujourd’hui, demain aux Polonais, Roumains, Moldaves, Baltes, et après demain peut-être à nous-mêmes.

En tenant ce langage simple, ce langage de vérité, le Président Macron aurait emporté le soutien d’une grande majorité de nos concitoyens, l’approbation de nos alliés et, peut-être, le respect de nos ennemis potentiels. Non leur étonnement et leur incompréhension !

La grande différence entre la politique intérieure et notre Parole extérieure est là, le « en même temps », qui est devenu un triste zig zag, est impossible.

Sur la scène intérieure, on peut remplacer Blanquer par Ndiaye, puis Ndiaye par Attal, puis Attal par Belloubet, on ne risque pas le feu nucléaire, juste le ridicule et la sanction électorale, voire le doute que nous puissions tenir comme cela encore trois ans. On peut tacler méchamment Elizabeth Borne quand elle rappelle au RN son passé nauséabonde et, en même temps, rabrouer Gabriel Attal quand il déclare que l’arc républicain, c’est l’hémicycle et qu’il est prêt à travailler avec toutes les oppositions, RN compris ! Quand on ne peut se représenter en 2027, après tout, après moi le chaos !

A la limite, sur la scène internationale, on peut clamer le matin à Jérusalem qu’il faut éradiquer le Hamas et appeler le soir à un Cessez le feu. On peut voter avec l’Algérie, qui tire régulièrement à balles réelles sur les migrants, une condamnation, inacceptable, contre Israël aux Nations Unies quand un mouvement de foule de Gazaouis tue des innocents. L’incohérence coûte peu et sur un malentendu, cela peut amener le Qatar, l’ami bien connu des LGBT, du droit des femmes et des droits de l’Homme, à investir 10 Milliards d’euros en France. Nous ne sommes plus capables de réformer notre Etat, diminuer nos dépenses publiques, dynamiser notre croissance, alors autant vendre un peu plus de notre économie à notre ami l’Emir, qui va pleurer le départ du petit Kylian du PSG ; il faut bien lui offrir une consolation.

Mais face à Poutine, quand l’heure est grave, le zig zag tue !

 

Patrick Pilcer
Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers