La chronique de Patrick Pilcer
12H19 - mardi 16 janvier 2024

Gouvernement Attal, le vrai défi sera la réforme de l’Etat. La chronique de Patrick Pilcer

 

Depuis la nomination de Gabriel Attal comme Premier Ministre et l’annonce de la composition de son gouvernement, chacun y va de son commentaire sur les coups politiques réussis ou non, et sur la capacité de ce gouvernement à tenir jusqu’aux élections européennes. Il est clairement impossible pour Attal de demander un vote de confiance, il ne peut compter sur le moindre état de grâce, et on peut légitimement s’interroger sur sa capacité à tenir lors des premières motions de censure comme à faire mieux qu’Edith Cresson? Mais l’essentiel n’est pas là.

Bien sûr la « capture » de Rachida Dati et son passage sous le Joug Macronien ne peuvent qu’étonner et faire verser beaucoup d’encre, même s’il faut sûrement y voir les prémices d’une alliance au Centre pour éjecter enfin Anne Hidalgo de la Mairie de Paris.  L’Alliance gagnante se profile à l’horizon.

Beaucoup fustigent la nomination de Amélie Oudéa Castéra à la quatrième place du gouvernement avec un très large ministère de l’Education, de la Jeunesse, des Sports et des JO.

Pourtant, si on est en droit de s’interroger sur la capacité et l’expérience de Dati à la Culture, n’est pas Malraux qui veut, et on jugera sur les actes, force est de reconnaître qu’Amélie Oudéa Castéra est exactement l’incarnation de l’Education et des Sports.

Voilà une femme qui a su concilier de brillantes études (Sciences Po, ESSEC, ENA) et le sport de très haut niveau (championne de tennis), sans devenir comme son oncle Alain Duhamel et son cousin Jérôme Duhamel une journaliste politique.

Pour le coup, elle est pile poil la femme de la situation. Cette nomination, surprenante pour certains, est au contraire rationnelle et porteuse d’espoir tant pour l’Education que pour le Sport. A elle, à présent, comme elle a su le faire dans son ministère des Sports face à Laporte et Graet, de s’imposer face au « Mammouth » du ministère de l’Education Nationale. La vraie bonne surprise, c’est elle.

Car, au final, le vrai défi est là : la parfaite prise en main de l’Administration et de l’Etat par les politiques, par les ministres, et la nécessaire Réforme de l’Etat.

 

Cette Réforme de l’Etat, tout le monde en parle, mais personne ne la réalise.

Chacun a en tête les déclarations de Sarkozy, de Fillon, de Macron, mais on peut remonter à Chaban Delmas. Il faut relire son discours de Politique Générale de septembre 1969. Gabriel Attal pourrait en reprendre une grande partie tant il est toujours actuel, actuel car rien n’a véritablement été fait !

Chaban fustigeait le gonflement des masses budgétaires, les fraudes fiscales et sociales, l’absence d’équité, l’impossible mobilité sociale, les collectivités locales qui étouffent sous le poids des tutelles, la réglementation qui prolifère, la mise sous tutelle de toute l’économie et de toute la société française par le poids de l’Etat et son extension à l’infini, l’attente par tous d’un Etat providence impossible. Il voulait redéfinir le rôle de l’Etat, qu’il fasse mieux son métier sans chercher à faire celui des autres. Tout y était !

Nous avons aujourd’hui, mais depuis trop longtemps, un Etat obèse, dont le poids empêche tout mouvement, tout dynamisme. Un Etat obèse dont le poids bloque toutes les articulations. Sans parler des syndicats qui bloquent toute tentative de réforme et la mentalité de tant de fonctionnaires de résister aux ordres des politiques, d’attendre le contrordre et miser sur le temps long car les ministres passent, eux restent ! Hier comme aujourd’hui !

 

En 55 ans, tout change et rien ne change. Un peu comme le gouvernement Attal !

Une grande différence cependant. Chaban, puis Barre, puis Mauroy et les autres devaient gérer le franc. Ils devaient « ajuster » régulièrement notre monnaie et dévaluer. Le passage à l’Euro nous évite ces dévaluations « compétitives ». Nous sommes protégés par l’Euro, Vive l’Europe, et le gouvernement n’a pas à passer son temps sur les équilibres entre notre devise et les autres monnaies. Bercy pourrait, et devrait, en conséquence, pleinement, s’employer et se concentrer sur la diminution des déficits colossaux de notre économie.

 

Aussi, si Gabriel Attal veut marquer notre Histoire autrement qu’en étant simplement le plus jeune premier ministre, il lui faut absolument prendre à bras le corps cette Réforme de l’Etat.

Comment faire mieux en optimisant notre fonction publique, en dépensant moins, en luttant, efficacement, contre la Fraude, et aujourd’hui d’abord la Fraude Sociale ? C’est un travail de restauration, restauration de notre système de santé, autrefois envié par le monde entier, et aujourd’hui en lambeaux, restauration de notre système d’éducation, l’un des meilleurs il y a 55 ans, en chute libre depuis dans tous les classements, restauration de notre Recherche et de notre capacité d’innovation, restauration de notre politique du Logement et de la Construction, grande oubliée depuis 2017 au profit apparent de la transition écologique alors que plus de 20% de notre PNB vient de manière directe et indirecte de ce vaste secteur économique et que ni le Logement ni la Construction ne sont les ennemis de l’Environnement quand on a l’Humain au cœur de sa politique.

Restauration de la Laicité, quatrième pilier de notre République, au même titre que la Liberté, l’Egalité, la Fraternité, restauration de l’Etat de droit, car l’insécurité n’est aujourd’hui pas un sentiment mais une réalité. Il est grand temps de reconquérir les Territoires Perdus de la République, de mettre fin aux zones de non-droit, d’éradiquer, vraiment, les trafics de stupéfiants comme les ennemis de notre République.

Sans cette Réforme, en profondeur, de l’Etat, nous allons sombrer et nous tiers-mondiser, nous quart-mondiser ! Si nous menons à bien cette Réforme, notre pays pourra à nouveau briller sur la scène internationale, notre voix sera entendue. Notre pays sera respecté à nouveau !

Pour mener à bien cette Réforme, Gabriel Attal n’a pas besoin de faire voter plus de loi, pas besoin de 49-3. Il doit prendre en compte les audits déjà réalisés, écouter les praticiens, pas les administratifs (les médecins pas l’administration générale de l’hôpital ou l’ARS), mobiliser ses ministres et réarmer les grands Corps de l’Etat pour qu’ils puissent s’imposer face à la technostructure et aux syndicats, pour qu’ils puissent « optimiser », libérer, dynamiser notre Administration, notre Etat profond, sans recourir pour autant aux Cabinets de Conseils privés, qui prendraient la montre au poignet de nos brillants hauts fonctionnaires pour leur donner l’heure !

Le vrai Défi est là, remettre en état de marche, remettre « En Marche » notre Etat. C’est sur cette reprise en main de l’Etat que Gabriel Attal sera jugé, pas sur ces mots, ou sa jeunesse, encore moins sur ses coups politiciens. S’il y a un « En Même temps », il est là, en même temps les mots et les actes !

Chaban proposait une Nouvelle Société, à Attal et à nous de la réaliser aujourd’hui !

 

Patrick Pilcer

Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers