Opinion Afriques
14H30 - mardi 10 octobre 2023

Congo : enjeux de l’environnement et du développement. L’analyse de Jésus Providence Niazaire

 

Fin octobre 2023, la République du CONGO, à l’initiative du Président Denis SASSOU N’GUESSO, abritera pour la seconde fois à Brazzaville un sommet des trois grands bassins forestiers du monde : le bassin du Congo en Afrique centrale, le bassin de l’Amazonie en Amérique du Sud et celui de Bornéo Mékong en Asie du Sud-Est.                                                             

Rappelons que les grands bassins forestiers jouent un rôle majeur dans la régulation du climat en séquestrant d’immenses volumes de CO2. Ils abritent par ailleurs une faune et une flore exceptionnelle, véritable patrimoine de l’humanité.                        

Ce nouveau sommet doit servir de cadre de concertation pour la création d’une coalition mondiale pour la protection de l’environnement et de la biodiversité. C’est là, un impératif planétaire dont l’acuité de plus en plus pressante impose :

  • De lutter contre le changement climatique.
  • De préserver la biodiversité, protéger les milieux et les ressources.
  • D’assurer une cohésion sociale et une solidarité entre les territoires et les générations.
  • De contribuer à l’épanouissement de tous les êtres humains.

Le « transport durable », dont la première définition ci-dessous a été établie dès 1997 à Toronto (CANADA), fait pleinement partie de ce cercle vertueux. Il comporte des éléments qui, a priori, n’ont rien à voir avec le transport au sens propre. Cependant, c’est l’amorce d’une réponse aux attentes des populations pour un développement durable. 

– Il permet aux particuliers et aux sociétés de satisfaire leurs principaux besoins d’accès aux biens, aux emplois, à l’éducation, aux loisirs et à l’information. Cet accès s’effectuant en toute sécurité́ en harmonie avec la santé des humains et des écosystèmes, et dans le respect de l’équité au cœur des générations et entre celles-ci ;

– Il est abordable, fonctionne efficacement, offre un choix de modes de transport, permet la meilleure utilisation de chacun des modes, dans une logique d’inter modalité́, et appuie une économie dynamique ;

– Il ne produit d’émissions polluantes et de déchets que dans la limite de la capacité́ de la planète de les absorber, consomme un minimum de ressources non renouvelables et d’espace, produit le moins de bruit possible et réutilise et recycle ses composants.

En répondant pleinement à cette définition, le chemin de fer apparaît d’emblée comme le moyen de transport durable par excellence. Il offre en toute sécurité et en toutes saisons, un accès aux activités de tous les types de population, en produisant très peu d’émissions polluantes et de déchets.

En règle générale, relevant d’un service public, il propose une diversification de tarifs qui le rend accessible au plus grand nombre, sans qu’il soit besoin d’un investissement personnel, ce qui le différencie de l’automobile qui n’est pas financièrement accessible à tous.

L’accaparement du trafic par les transports routiers s’est fait au mépris des règles de circulation routière, de l’entretien des véhicules, des normes anti-pollution et sans prise en compte du coût des infrastructures et de l’entretien des routes. La non-maîtrise de la concurrence rail-route due à la libéralisation des transports terrestres, et au développement rapide du transport routier, engendrent une concurrence déloyale au détriment du rail.

Pour survivre, le rail est souvent contraint d’aligner ses prix sur ceux de la route, et dans ce cas, la compétition est extrêmement difficile à soutenir pour le transport ferroviaire, car les conditions de la concurrence sont déséquilibrées. Doit-on rappeler que les routiers ne paient ni la construction des routes ni leur entretien. À cela s’ajoutent pour la route des externalités négatives qui coutent chères aux Etats ; pollution, incidence sur la santé publique, accidents, évitement des zones les moins rentables…

Lorsque les Etats font le choix de la route pour l’aménagement du territoire, ils mettent en difficulté le rail, dont l’activité peine à survivre. La concurrence que subissent alors les chemins de fer en Afrique à voie unique dotés de courbes serrées ne leur permettent pas de relever comme il le faudrait, les enjeux du développement. Pourtant, l’expansion de la route, même lorsqu’elle est goudronnée, ne contribue pas à assurer convenablement les échanges commerciaux nationaux et intrafriques. Le mode routier n’est pas en situation de contribuer à l’intérêt général par des circulations en toute sécurité́, rapides, et avec des coûts compatibles avec les possibilités des entreprises et des populations. En outre, la route capte les flux auparavant transportés par le rail, sans produire une répartition spatiale équilibrée des populations et des équipements.        

En effet, dans un contexte d’augmentation de la population, la conséquence spatiale principale de la concurrence rail- route est l’étalement de l’habitat. Or, l’étalement urbain se caractérise par une faible emprise au sol et une densité́ étalée. Une dynamique spatiale dépendante de l’automobile entretient cet étalement urbain. L’ouverture de routes secondaires le long de la route principale amène l’ouverture de pistes le long des axes secondaires où sont installées des habitations. L’articulation des routes principales et secondaires favorise une répartition multipolaire des villes et villages, loin du chemin de fer avec lequel aucune connexion n’est possible car non-organisée. L’augmentation du nombre de routes et de pistes secondaires amène une densification de la population qui, au fil du temps, contribue à une réduction de l’espace agricole et à la destruction progressive du domaine forestier.

Du choix des infrastructures de transport et par conséquent des modes, découle un aménagement du territoire maîtrisé ou pas au niveau des coûts.

Plutôt qu’une concurrence pure et dure, la complémentarité du rail avec la route serait un pas décisif vers une organisation de la logistique et des transports et constituerait un atout majeur pour le Congo-Brazzaville qui a la chance de posséder un formidable outil grâce à son chemin de fer historique qui, du fait de sa vétusté, mérite une réhabilitation et une modernisation pour faire face aux défis de demain…

Malgré toutes les épreuves qu’il a subies, le CFCO (chemin de Fer Congo-Océan) n’est pas uniquement un vestige du passé. Il est au contraire appelé à jouer, plus que jamais, un rôle déterminant dans l’avenir. Complément indispensable pour l’efficacité des opérations de transport et de logistique maritime, fluvial, et terrestre, pièce maîtresse de la chaîne multimodale d’approvisionnement, il apparaît comme un outil incontournable du développement économique qui se profile durablement dans ce pays.

À l’heure où la République du Congo envisage un développement important de son vaste potentiel minier encore inexploité, en particulier ferreux, le rôle du chemin de fer s’avère crucial et la remise en état d’une infrastructure performante apparait comme un incontournable.

Augurons qu’après les investissements colossaux effectués par le gouvernement Congolais au port de Pointe-Noire, seul port en eau profonde du golfe de Guinée, qui ont permis de faire du  PAPN (Port Autonome de Pointe-Noire) un hub performant pour la République du Congo et la sous-région, le renouveau tant attendu de ce moyen de transport écologique qu’est le CFCO, soit bientôt à l’ordre du jour.

 

Jésus Providence Niazaire 

Expert et Consultant ferroviaire auprès de l’UIC (Union Internationale des Chemins de Fer), membre de l’AFFI, l’Association Ferroviaire Française des Ingénieurs et Cadres. Actuellement, Directeur Stratégie et Développement Commercial d’IEC International, un tech think-tank privé pour les infrastructures et la planification des transports, il est originaire d’une famille de cheminots.