Opinion Afriques
12H14 - dimanche 2 juin 2024

La fiscalité sera la clé de la réussite de la politique du Président du Gabon, Brice Clotaire Oligui Nguema. La tribune de Julien Briot Hadar

 

La Commission Nationale de lutte contre la Corruption et l’Enrichissement Illicite dirigée par Nestor Mbo se montre exemplaire dans la lutte contre la corruption, l’enrichissement illicite et le blanchiment des capitaux.

Elle pourrait se montrer davantage optimale dans la lutte contre la fraude fiscale. Mais comment ?

 

L’importance de la fiscalité

S’il existe une thématique essentielle pour les regroupements humains, c’est bien celle de la contribution de chacun à l’essor du groupe. En cela, la fiscalité est absolument cruciale pour tout pays ou toute collectivité quelconque.

La fiscalité est la clé en matière d’équité économique ou sociale. Elle permet de faire en sorte que les Gabonais qui gagnent davantage de ressources contribuent plus que les autres à l’effort collectif. Elle permet également à l’autorité publique gabonaise de redistribuer les revenus des plus nantis vers ceux qui sont faibles dans une société donnée. Cela stabilise la collectivité, crée de l’empathie entre ses membres et forge un sentiment d’appartenance qui est indispensable à son essor.

La fiscalité est le déterminant le plus important de la souveraineté gabonaise. L’indépendance du Gabon est constituée prioritairement par sa capacité à s’affranchir de l’aide des autres. Les attributs de souveraineté ne pensent que peu face à la dépendance économique et financière. Comme le dit un proverbe, « la main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit ». L’indépendance économique du Gabon est liée à son aptitude à générer des ressources internes leur permettant de faire face à leurs besoins fondamentaux, ce qui ne peut être possible sans une fiscalité appropriée.

La fiscalité est enfin la clé de la justice internationale. De nombreuses multinationales s’affranchissent de leurs obligations fiscales via des montages fiscaux particulièrement complexes et la présence de certaines de leurs filiales dans des paradis fiscaux. Dans certains secteurs économiques de pointe, elles profitent de la faiblesse de certains agents de l’administration publique voire de leur sensibilité à la corruption pour se soustraire à la loi fiscale et payer moins d’impôts, voire ne pas en payer du tout. La morale et l’éthique sont les fidèles compagnons de Son Excellence le Président Brice Clotaire Oligui Nguema mais ces valeurs doivent être imposées à l’ensemble des multinationales présentes au Gabon. D’ailleurs, l’arrestation et l’emprisonnement de l’ancienne Directrice Générale des Finances de la mairie de Libreville, Gisèle Yolande Mombo, a montré l’exemple à l’admnistration fiscale gabonaise. Il serait difficile d’imposer un civisme fiscal aux Gabonais et de laisser s’enrichir illicitement des hauts fonctionnaires de l’admnistration.

 

Les propositions pour lutter efficacement contre la fraude fiscale

Une action pédagogique est la première étape pour lutter contre la fraude fiscale. Il est vital de faire comprendre que, quelle que soit la sensibilité politique et citoyenne de chacun, l’impôt joue un rôle majeur dans la société. Ceci suppose de donner plus d’explications aux citoyens Gabonais sur le rôle des impôts (notamment le rôle des politiques fiscales dans la financement des services publics) mais aussi sur l’organisation des impôts. On pourrait même imaginer un maire expliquer à ses administrés le fonctionnement du système fiscal auquel ils sont soumis : sa légitimité, son fondement équitable, sa gestion, l’affectation des sommes perçues, ce qu’il représente pour la commune et son impact sur la vie de chacun et de tous.

Il est également impératif d’investir dans la formation professionnelle des effectifs de l’administration fiscale et de pousser à une collaboration accrue entre les administrations, les régies financières et les autres acteurs de la chaîne fiscale comme les notaires, experts-comptables, auditeurs, avocats, banquiers, assureurs…

Le troisième objectif du gouvernement doit être la transparence absolue dans le fonctionnement de l’admnistration fiscale gabonaise. Il doit être exigé une transparence totale des hauts fonctionnaires sur leurs patrimoines et sur leurs conflits d’intérêts. L’information et la communication appropriées à l’égard des populations garantissent le respect de cette règle. Il serait intéressant à ce titre de créer une institution en charge de la transparence de la vie publique.

Par ailleurs la densification du système de contrôle de l’admnistration fiscale doit constituer un des rouages de la politique de lutte contre la fraude fiscale. Des contrôles administratifs, techniques ou financiers, a priori et à posteriori, doivent être mises en place régulièrement et sans vertir au préalable les agents pour éviter toute acte de corruption passive.

Enfin, la lutte contre la fraude fiscale nécessite une volonté politique du gouvernement Gabonais. La dépolitisation de l’administration fiscale gabonaise, la mise en place de processus de recrutement objectifs de ses responsables ainsi leur protection contre les influences politiques doit être la règle.

 

Julien BRIOT-HADAR

Expert en compliance doté d’une solide expérience dans le financement de projets, l’énergie et le secteur bancaire, tant en France qu’à l’international (Luxembourg, Maghreb et Sénégal), il est également l’auteur de l’ouvrage « Dans les méandres de la fraude fiscale » (Ed. Legitech)