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11H45 - mercredi 13 septembre 2023

L’Abaya, ce faux débat sur un faux Islam dans une vraie République. Tribune de Karim Guellaty

 

La rentrée a sonné la cloche de la fin de la récré. En tout cas celle de l’Abaya qui constitue pour le Ministre chargé de l’éducation de nos enfants, une atteinte à la laïcité dans l’enceinte des écoles de la république.

Le souci avec l’Abaya est qu’elle n’est pas plus laïque que musulmane. Portées par certaines pour revendiquer leurs appartenances à un Islam rigoriste, elle est combattue par d’autres qui ne veulent plus d’une République molle.

Et nous voilà reparti sur le débat de la compatibilité de la pratique de l’islam avec la République, alors que le souci est l’appartenance de certains à la République. Et que ces certains-là se travestissent dans un islam qu’ils ont travesti pour les besoins de leurs causes qui est tout sauf celle de la foi. Car la foi n’est pas une cause.  Ni une raison. Et encore moins une coutume.

L’Abaya à l’instar du Burkini n’est pas un sujet traité par le Coran. Il n’y est question ni de piscine, ni de collège ou de lycée. Ce point étant posé, et ce point faisant l’unanimité, nous sommes devenus les otages de la portée symbolique que veulent faire porter certains à l’Abaya. Et moi musulman en France, j’assiste encore une fois impuissant à un débat où on stigmatise ma religion d’un côté, quand de l’autre, on veut la réinventer.

Et comme toujours, la parole est donnée aux seconds, pour qui on va demander aux premiers de répondre. Nous autres, la majorité silencieuse, on est contraint au silence public, en nous reprochant notre silence imposé.

Dans « Heureux comme Abdallah en France », votre serviteur, par le véhicule du roman, mettait en exergue ces traditions venus du fondamentalisme wahabise notamment et qui tentaient de s’installer dans l’islam pour ensuite prendre racine dans nos sociétés. L’abaya a desormais sa place sur le podium des symboles ostentatoires pour revendiquer l’appartenance à une religion dont elle est pourtant totalement étrangère.

Dans « Heureux comme Abdallah en France » votre serviteur mettait en exergue la politisation par les uns et les autres d’une religion qui relève pourtant du domaine de la foi.  Et dans cette entreprise de politisation, les uns ont réussi à faire croire que l’Abaya était musulmane, et les autres que l’abaya … était musulmane.

Et parce que la vérité importe peu, personne n’a pensé dire que l’abaya n’était pas musulmane. Qu’elle est originairement un habit nomade, pour devenir par la suite le symbole wahabite, obligatoire jusqu’en 2018 en Arabie Saoudite pour soumettre la femme. Et parce que le monde évolue, dans cette même Arabie Saoudite, l’Abaya est interdite dans les salles d’examens depuis la fin 2022. Le cheikh Abdallah Al_Mutlaq, membre du conseil des hauts érudits de cette terre d’islam s’il en est, avait déclaré en son temps (2018) que « plus de 90% des femmes pieuses dans le monde musulman ne portent pas d’Abaya ». 5 ans plus tard, force est de constater que dans le 10% qui restent, il y a certaines jeunes filles françaises qui veulent forcer les portes de l’école armées de leurs revendications, et celles de la République pour la soumettre à leurs revendications. Là où celle de la majorité des musulmans de France est qu’on leur foute la paix avec cet Islam qui n’est pas le leur.

On les entend les défenseurs de la liberté à tout prix, qui veulent tout prendre jusqu’à une religion et sa pratique, pour expliquer que lorsqu’on interdit l’Abaya, c’est l’Islam qu’on veut assassiner. Et évidement certains en profitent pour tenter d’assassiner cet islam, parce que ça rapporte des voix, pas beaucoup et bien moins que ce que ça fracture la société.

Moi musulman de France, je suis fatigué que ma religion soit associée à des burkinis, des prières de rues, des abayas, des menus de substitutions, des moutons dans des baignoires ou encore des absences à l’école le jour des fêtes religieuses sans que jamais la vérité ne soit rétablie.

Et tous ceux-là qui participent à vouloir faire croire que c’est l’islam qu’on malmène quand c’est l’habit qui le travesti qu’on interdit, ceux-là sont des impies qui veulent réécrire la religion en plus d’être les criminels d’une unité républicaine fragile.

Il n’y a pas plus d’Abaya en Islam qu’il n’y a de vierges au paradis, que le djihad est un impératif religieux de guerre armée, et que la polygamie telle qu’elle est pratiquée en autorisée dans le Coran.

L’islam devient trop souvent stigmatisé, et tragiquement pour tout ce qu’il n’est en réalité pas.

Essalam Alaykoum.

Ps : Islam ne veut pas dire soumission. C’est une traduction politique d’un terme dont la racine est SLM, être sain et sauf. Et donc signer par essalam alaykoum ne veut dire que je vous souhaite la soumission.  N’en déplaise à Houellebecq.

 

Karim Guellaty
Spécialiste de l’islam, a traité notamment des sujets liés au communautarisme et à la radicalisation.
Juriste de formation, il est Tunisien de père et de mère française. Né en 1973, il a grandi en Tunisie. Il a étudié le droit à Paris pour l’enseigner ensuite.
Il dirige aujourd’hui une entreprise spécialisée en stratégie politique et de communication, en marge d’une activité de services du numérique et habite entre Tunis et Paris. Il est également éditorialiste pour le journal numérique tunisien businessnews.com.tn.
Dans le carde de ses activités, il a conseillé des institutions et des personnalités politique en France mais également à l’étranger (Canada, Europe, Afrique).
Il est auteur de plusieurs ouvrages :
– « Heureux comme Abdallah en France » (éditions encre de nuit, mars 2021) 
–  « Droit Musulman » dans la collection « Que sais-je ? » (Presses Universitaires de France – 2000) 
– Droit des sociétés Informatiques dans la collection « Approfondir » (Éditions Litec – 2001) qui a reçu le prix de l’AFDIT en 2001.