Opinion Afriques
10H03 - samedi 2 septembre 2023

La corruption et le détournement des fonds sont la cause de la pauvreté en Afrique mais aussi… des coups d’Etats. La chronique de Julien Briot

 

D’après Achille Mbembé, l’expérience coloniale a fait naître en Afrique l’idée selon laquelle « le pouvoir ne doit pas nécessairement venir du peuple, il est plutôt conféré à une personne choisie par la hiérarchie. »

De fait, dans la réalité générale de la domination coloniale, la coercition, la violence et la corruption étaient des éléments essentiels de l’intégration des sujets dans les structures de production. La fonction publique y était considérée comme la voie royale pour un accès rapide à la richesse et au prestige. « Le pouvoir colonial étant considéré illégitime, écrit Victor Le Vine, on ne s’embarrassait plus souvent de la retenue habituellement observée devant le vol et le détournement de la chose publique.»

Encore aujourd’hui, les tares du système telles que les lourdeurs administratives, le manque de transparence, l’absence de contrôle dans la gestion des affaires publiques, et surtout l’impunité encouragent les agents publics à persister dans la pratique de l’enrichissement illicite.

Le continent africain est confronté à deux types de corruption.

La première est la « petite corruption quotidienne », banalisée et systémique, au sein de la sphère publique (administrative et politique). C’est un ensemble systémique de dysfonctionnements. On ne peut, par exemple, tracer une frontière claire entre, d’un côté, le favoritisme, le clientélisme et le piston généralisés, et les arrangements faisant intervenir des contreparties monétaires de l’autre ; ou encore entre les commissions et gratifications légitimes et les pots-de-vin illégitimes. Il appartient à chaque pays de lutter contre ce type de corruption.

La deuxième corruption est la corruption transnationale, qui concerne les investisseurs étrangers.

De plus, il ressort des résultats d’une étude commanditée par la Banque Mondiale qu’en moyenne 7,5% des décaissements de l’Institution au profit des pays d’Afrique centrale sont détournés vers des centres financiers offshore comme la Suisse ou les Emirats Arabes Unis. Ce constat de transferts illégaux de capitaux du Continent africain vers les centres financiers offshore n’est pas nouveau dans la mesure où l’Union africaine avait déjà donné l’alerte suite aux conclusions d’un Groupe de travail conduit par l’ancien Président sud-Africain, Thabo Mbeki, qui avait estimé dans un rapport publié en 2015 à au moins 50 milliards de dollars les pertes annuelles subies par le Continent du fait des transactions illégales.

C’est du fait de cette corruption qu’en moins de trois ans, une série de coup d’Etats se sont produits (Mali, Guinée, Burkina Faso, Niger et Gabon). Il est infligeant de considérer que ces coups d’Etats sont un coup d’arrêt à la démocratie. Si la démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, alors ces cinq régimes n’en étaient pas. Ces régimes avaient en commun de fonctionner sur des processus électoraux manipulés, un État privatisé au profit du clan au pouvoir et des atteintes fréquentes aux libertés individuelles et collectives (opposants, journalistes et activistes emprisonnés, atteintes à la liberté de la presse, atteintes au droit de manifester etc.), le Gabon sous l’ère Bongo père et fils en étant une caricature. Le tout était accompagné d’une hypocrisie coupable de la communauté internationale en général.

Ces coups d’Etat auront finalement fait tomber des parodies de démocratie et non des démocraties confrontant ainsi la communauté internationale à sa coupable indulgence.

 

Julien BRIOT-HADAR

Économiste français, expert en conformité aux normes des entreprises et spécialiste des questions de fraude fiscale