La chronique de Patrick Pilcer
09H42 - vendredi 23 juin 2023

La bataille des batailles est celle du travail et de l’emploi. La chronique de Patrick Pilcer

 

La page de la réforme des retraites étant à présent tournée, il nous faut ouvrir au plus vite celle de l’Emploi et du Travail. Commençons par la bataille des mots pour gagner le combat des idées !

Le gouvernement d’Elisabeth Borne s’y attèle bien sûr, et il faut souligner toute la pertinence des mesures sur la souveraineté économique élaborées par les équipes du Ministre Roland Lescure. Les annonces du Président Macron, lors de son déplacement en Ardèche par exemple, avec pour cible la souveraineté dans le monde de la Santé, ne sont pas bonnes, elles sont excellentes. Les lecteurs de mes chroniques savent que quand les mesures annoncées par l’Exécutif ne me semblent pas aller dans le bon sens, je le dis haut et fort. Je ne peux que regretter, par exemple, l’absence de réformes réelles, et de résultats, sous Edouard Philippe, hormis les 80km/h, dont on a pu mesurer les conséquences type Gilets Jaunes…

Mais quand les décisions permettent au Pays de se réindustrialiser, de créer des entreprises, d’investir dans notre avenir, de relocaliser sans remettre pour autant en cause le libre-échange et les théories des avantages compétitifs, libre-échange dont nos entreprises, et donc notre économie et tous nos citoyens, profitent très largement, il faut savoir également le dire et l’écrire.

Il est vrai que la crise du Covid a servi d’électro-choc salutaire. Ce petit virus a démontré à lui tout seul combien nous étions démunis. En manque de masques comme de respirateurs, en manque de principes actifs pour nos médicaments, en manque de personnels soignants mais rarement en manque de personnels administratifs ! Kafka n’était pas français mais nous avons su, au fur et à mesure du temps, remarquablement, dénaturer notre administration et la transformer en monde kafkaien, absurde… Il était salutaire qu’un pilote reprenne le manche de l’Avion France !

Pour autant, ces annonces nécessaires sont loin d’être suffisantes. D’autant que dans le même temps, la Banque de France nous avertit que le taux de chômage va remonter vers 7,5%. Nous sommes toujours loin du plein emploi, loin des autres grandes économies. Et c’est bien là, sur la bataille pour l’Emploi comme sur la réforme du Travail, que nos concitoyens attendent des résultats concrets. Ce sont sur ces résultats que les Français voteront en 2027.

J’écris la réforme, mais je pense fort les réformes de l’emploi et du travail. Il nous faut tout faire pour que le taux d’emploi dans notre pays progresse fortement et avoisine ceux de nos voisins, partenaires et concurrents. Il n’est pas acceptable que tant de jeunes restent sans emploi ni formation. Et en même temps, il n’est pas admissible que tant de plus de 55 ans ne puissent trouver ou retrouver un travail. Il n’y a là aucune malédiction française. Si nous atteignons le taux d’emploi de nos voisins, c’est-à-dire si bien plus de juniors et de seniors participent activement à notre économie, cela transformera complètement notre société, les recettes fiscales et sociales, notre pouvoir d’achat, les budgets que l’Etat peut consacrer à la Santé, à l’Education, à notre Défense, à notre Solidarité.

Notre pays a une grande chance pour aborder ces réformes si attendues du monde du travail : nous sommes en pleine mutation. L’Intelligence Artificielle, la robotisation, la digitalisation, les progrès scientifiques sont en train de révolutionner le Travail, et dans tous les secteurs. Certains emplois vont bien sûr disparaître. Aura-t-on besoin de chauffeurs de bus ou de poids lourds, de chauffeurs de taxi ou de VTC à l’heure des véhicules autonomes ? Aura-t-on besoin d’autant d’assistants dans tous les métiers dits intellectuels quand Chat GPT facilite la recherche de données et de documents ?

Dans le même temps, non seulement des métiers nouveaux vont émerger mais nous allons vivre mieux et plus longtemps. Nous aurons le temps d’encadrer ces grandes avancées technologiques et scientifiques. Mais il nous faut avant tout laisser chercher nos chercheurs, les laisser trouver et développer, transformer l’idée en brevet, le brevet en entreprise, l’entreprise en licorne, leur permettre de nous faire participer aux progrès, nous rendre acteurs et non spectateurs de la révolution qui ne fait que commencer. Nous devons être le pays des brevets pas des décrets et des interdictions !

Il nous faut aussi, surtout, repenser notre rapport au travail, revoir drastiquement nos méthodes de travail, casser les rigidités, introduire plus de flexibilité, améliorer les conditions de vie au travail, harmoniser le partage du temps entre vie privée et vie professionnelle.

Pour cela, nous devons en finir avec notre conception latine du travail, venant étymologiquement de tripalium, un outil de torture. Lorsqu’une femme accouche, nous disons qu’elle est en travail, autrement dit nous associons son travail à sa douleur, sa souffrance. Notre culture latino-française assimile bien trop le travail à la souffrance alors que nous devrions mettre en exergue que le travail émancipe. Le travail, même avec les contraintes du contrat, grâce aux contraintes du contrat, permet de se libérer.

Les Anglo-Saxons utilisent le mot work, qui, lui, fait référence non pas à la souffrance, à la douleur, mais à l’œuvre, à l’ouvrage que le travail permet de produire.

La première réforme est certainement là. Non pas dans les charges, non pas dans les impôts de production, chacun s’accorde à présent pour les baisser, non pas dans la flexibilité ou les conditions de travail, chacun souhaite les améliorer, mais dans nos têtes dans notre conception même du travail. Il est affligeant de voir des jeunes brandir comme slogan « la retraite on s’en fout, nous on ne veut pas travailler du tout » !

Il nous faut réapprendre sinon apprendre que le travail, comme en mécanique et en physique, est relié à l’effort, à la force, à la puissance, des qualités et vertus qui nous parlent déjà plus, que le travail c’est l’émancipation de tous, que le travail produit une œuvre. En construction, on parle bien de maître d’ouvrage, la personne pour qui le travail est réalisé, et de maître d’œuvre, celui qui réalise. Il nous faut retrouver le sens de nos mots.

La révolution du travail commence par cette révolution du sens des mots. Le travail ne doit plus être synonyme de maux, nous devons au contraire le chérir, le glorifier, et ainsi être fier de nos chefs d’œuvre.

Gagner ce combat, faire de notre pays l’avant-garde de cette révolution ne sera alors plus un rêve, une utopie, mais une réalité. La France bénéfice de tant d’avantages, de tant de richesses, de tant de forces. Si nous arrivons à bien orienter nos décisions, à faire sortir l’ordre du chaos, nous pourrons, collectivement, transformer nos efforts en puissance et notre travail en chefs d’œuvre.

Nous devons réussir, nous allons réussir ! C’était impossible, c’est pour cela que nous l’avons réalisé !

 

Patrick Pilcer

Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers