On pensait n’avoir plus grand-chose à découvrir du métier d’avocat : de l’artisan du droit au cabinet international, du généraliste dont l’atout serait une vision globale du problème qui lui est soumis, au spécialiste qui maîtrise parfaitement son domaine de prédilection, du juriste de dossier au ténor du barreau, on croyait tout connaître.
Sauf que ces dichotomies sont souvent d’un autre âge, notamment en droit des affaires comme dans le commerce international. La compétence juridique n’est pas seulement… juridique et technique, et ne se résume pas à la maîtrise de telle ou telle spécialité, mais à l’art de les conjuguer au service d’une cause ou d’un objectif aux multiples facettes. Si, a fortiori, le champ d’intervention est transnational, le moindre contrat, le moindre acte de société mobilise des compétences en droits civil, pénal, commercial, fiscal, environnemental, immobilier… L’avocat doit sécuriser les engagements et minimiser les risques, sans entraver la bonne marche des affaires.
Cela est particulièrement vrai si le champ d’intervention est l’Afrique, une spécialité du bureau parisien de DWF, sur laquelle nous reviendrons. Deux des avocats associés français, Jean-François Mercadier et Philippe Feitussi, ont accordé à Opinion Internationale un entretien riche d’enseignements, tant sur l’approche métier d’un grand cabinet à la pointe de l’innovation, que sur l’importance cruciale du droit au service du développement de l’Afrique, et à l’occasion du One Forest Summit et de la tournée d’Emmanuel Macron dans le bassin du Congo.
Le One Stop Shop ou l’aboutissement du concept de services intégrés pluridisciplinaires
Nous pensions donc tout savoir des avocats, mais c’était avant de rencontrer Jean-François Mercadier et Philippe Feitussi. Premier cabinet international coté à la bourse de Londres, son siège historique, implanté sur les cinq continents avec environ 1800 avocats collaborateurs et associés, DWF s’illustre dans quelques domaines essentiels comme l’assurance, la compliance, la santé, la biotech, l’énergie, les ressources naturelles, l’agroalimentaire, le numérique, les transports, les marchés publics et les PPP.
En outre, DWF a poussé à son excellence le concept de cabinet multiservices intégrés, ou One stop shop . Toutes les facettes d’une problématique de conseil ou de défense sont prises en considération, de surcroît avec l’appui de la legaltech et ses algorithmes qui permettent d’accélérer et d’optimiser les recherches de sources de droit (législation, jurisprudence, doctrine…). L’arbitrage et la médiation sont d’autres domaine d’excellence de DWF. Ces sont des outils incontournables de règlement des différents en commerce international.
Mais à l’inverse de ses principaux concurrents, DWF n’a jamais fait passer le conseil juridique au second plan. Il s’appuie certes sur d’autres disciplines , mais c’est le droit, et donc l’approche de l’avocat, qui restent prédominants, même si l’appui des services complémentaires, comme en matière d’analyse des comptes pour les questions de conformité ou la gestion des réclamations en matière d’assurance sont important. L’atout de la vue d’ensemble du généraliste prend ici la forme d’une addition de compétences des meilleurs spécialistes jouant ensemble la même partition, tel un orchestre, évitant la fausse note souvent irrattrapable, en droit comme en musique.
L’Afrique et DWF : une histoire (d’amour et d’intérêts) aussi singulière qu’exemplaire
L’Afrique donc… Ce n’est pas de ChatGPT que l’on obtiendra la réponse à la question : « comment m’implanter en Afrique ? » ! Ni d’ailleurs de la plupart des cabinets d’avocats, même parmi les plus prestigieux. Il ne faut pas seulement maîtriser la chose juridique, mais aussi connaître le terrain, les us et coutumes, les risques, les hommes… Et il faut aimer l’Afrique et s’y rendre.
Jean-François Mercadier et Philippe Feitussi œuvraient déjà en Afrique avant la création de DWF, dont le bureau parisien, inauguré en janvier 2017, et qui emploie aujourd’hui une quarantaine d’avocats, est le plus important du groupe en termes d’activités sur ou avec le continent africain.
DWF est implanté en Afrique, notamment par le truchement d’un partenariat exclusif avec le cabinet sud-africain Thomson Wilks, mais le centre névralgique de l’activité en Afrique, notamment francophone, est bien Paris, en liaison avec un important réseau de confrères locaux sur tout le continent. La symbiose est complétée par des avocats d’origine africaine travaillant à Paris, comme Souleymane Simpara, d’origine malienne, qui a intégré le département Assurance. D’autres sont à Londres, comme Solomon Ebere, spécialiste de l’arbitrage internaional.
La spécificité de DWF à l’égard de l’Afrique s’inspire du concept de services intégrés et pluridisciplinaires que nous avons évoqués, mais ici avec une approche sectorielle adaptée aux spécificités locales. Dans le secteur public, le cabinet conseille les États et les gouvernements, notamment de pays d’Afrique de l’Ouest, et se montre particulièrement actif dans le domaine des matières premières, notamment celui de l’exploitation minière, l’un des principaux vecteurs du développement africain.
Dans le secteur privé, DWF conseille les acteurs industriels, conscients du potentiel d’un continent et de la croissance régulière du pouvoir d’achat permettant l’émergence d’une classe moyenne, comme en Côte d’Ivoire ou au Sénégal. À titre d’exemple, cela s’est traduit par l’accompagnement d’entrepreneurs dans la création de centres commerciaux, dont les boutiques ont une clientèle au pouvoir d’achat au moins comparable à celui d’une classe moyenne européenne.
Les services proposés par le cabinet ne sont donc plus cantonnés à l’activité industrielle, même si elle demeure importante, mais s’étendant au domaine commercial, à l’immobilier, aux technologies, en particulier la téléphonie, où l’Afrique a su transformer un retard initial en atout, en faisant l’impasse sur le téléphone filaire.
DWF est également très engagé dans un secteur majeur à l’échelle de la planète, et tout particulièrement à celle de l’Afrique : les énergies renouvelables et l’électrification du continent, condition de son développement. 48% de la population n’est toujours pas électrifiée, alors que les potentiels sont considérables, notamment en matière d’électricité hydraulique, solaire et éolienne, où DWF possède l’expertise et le réseau indispensable aux investissements efficaces, sécurisés et pérennes. L’Afrique s’électrifiera donc sans Jean-Louis Borloo qui se rêvait prophète en la matière il y a dix ans.
Même le secteur minier fait appel aux énergies propres, de sorte qu’à l’instar de la téléphonie, l’Afrique a les atouts pour innover et donner l’exemple. Un véritable retournement de l’histoire ! Même le secteur de la santé, dont on connaît les difficultés en France, est en plein développement, au point qu’on souffre moins de ruptures de médicaments dans certains pays africains qu’en France, comme nous l’expliquent les deux avocats de DWF.
« Ne dites plus l’Afrique noire, mais dites l’Afrique verte ! ». Jean-François Mercadier et Philippe Feitussi sont parfaitement en phase avec cette proclamation du président du Congo, Denis Sassou Nguesso qui nous a accordé une interview exclusive. Ils le ressentent dans la volonté de leurs interlocuteurs de saisir pleinement les opportunités créées par ces nouveaux marchés. En outre, les industriels internationaux cherchent à compenser leurs émissions de gaz à effet de serre en investissant dans des projets basés sur les énergies renouvelables, l’agriculture non polluante, la reforestation sur fond de marché carbone… Inutile de préciser qu’ils en attendent de considérables retours sur investissements qui seront partagés avec les pays africains où ces projets seront développés. Nous avons d’ailleurs de plus en plus de sollicitations et dossiers en matière de crédits carbone relatif à des projets africains. L’Afrique étant l’un des « poumons verts » de la planète, elle a un rôle primordial à jouer pour le bien de tous.
Le droit OHADA
Le politique du groupe DWF de privilégier le droit sur le chiffre dans son approche globale lui a permis d’être un acteur dans l’élaboration du droit OHADA, droit africain des affaires appliqué dans plusieurs pays d’Afrique francophone, très inspiré du droit français, jusqu’à puiser ses sources dans la jurisprudence des cours d’appel et de la Cour de cassation françaises. Cette influence va au-delà du droit des affaires, puisque Philippe Feitussi a participé à la refonte du Code pénal béninois, également marqué de l’empreinte de son modèle français. Cela a contribué à une harmonisation avec les standards des États démocratiques en matière de droits de l’homme, par exemple en abolissant des peines comme les travaux forcés ou la peine de mort inscrite en 2015 dans la Constitution du Congo. Cette interpénétration du droit français et de celui des pays francophone d’Afrique centrale et de l’ouest est un atout significatif et sécurisant pour les clients de DWF, industriels et investisseurs, notamment en droit commercial, en droit bancaire ou en droit des sûretés. Mais comme le dit Jean-François Mercadier, l’élément le plus important de l’édifice OHADA est la mise en place d’une juridiction arbitrale qui confère une sécurité juridique renforcée et de standard européen aux parties, en cas de litige. C’est notre expérience ajoute Philippe Feitussi.
Géopolitique relations franco-africaines.
Évidemment, l’activité économique souffre des bouleversements géopolitiques qui ont notamment frappé récemment le Mali, la Guinée et le Burkina Faso. Néanmoins, comme ce sont les investisseurs et non les militaires qui nourrissent le développement économique, le savoir-faire du cabinet DWF en matière d’analyse des risques est plus utile que jamais.
Il est aussi important de rappeler la spécificité de la relation franco-africaine, longue et tourmentée, entre colonisation et décolonisation, voire néo colonisation que l’on appelait la « Francafrique », qui a finalement conduit au désamour. L’Afrique a alors porté son regard ailleurs, avant de prendre conscience que l’alternative anglo-saxonne ou chinoise n’était pas forcément porteuse d’espoir et de développement.
Mais pour Jean-François Mercadier et Philippe Feitussi, même si le focus médiatique est mis sur les difficultés de la France et de son armée dans certains pays, la tendance globale est à la normalisation des relations : on se parle d’égal à égal, en partenaires, et non en colonisateur et colonisé. Un cabinet international comme DWF, en particulier sa branche française si intimement liée à l’Afrique, joue un rôle discret, mais essentiel dans la restauration de cette saine relation et dans les flux d’affaires qu’elle permet de générer. Nous sommes ainsi totalement en phase avec les intentions affichées par le Président Macron encore ce matin.
Un potentiel extraordinaire… qui doit désormais se concrétiser.
Le potentiel de l’Afrique est extraordinaire, et si des problèmes de corruption, de bureaucratie étouffante ou de gouvernance subsistent, la prise de conscience de ce potentiel encourage l’évolution des comportements. L’Amazonie est souvent considérée comme le poumon de la planète, mais le Bassin du Congo en Afrique centrale en est un autre, à condition d’accepter de mettre un terme à la déforestation, et de privilégier les projets vertueux.
Le système bancaire doit aussi répondre aux standards internationaux pour gagner la confiance des acteurs économiques. Les avocats et juristes du continent doivent également être en phase avec les exigences du marché en matière de maîtrise des techniques du droit, ce qui implique de renforcer la formation professionnelle, notamment en s’appuyant sur les outils numériques. Ce besoin de formation s’étend à tous les secteurs et est, en Afrique comme ailleurs, une clé du développement.
Mais on ne saurait considérer l’Afrique comme un bloc monolithique : certains pays stagnent, voire régressent quand d’autres, comme la Côte d’Ivoire, vont résolument de l’avant. Les crises politiques, la corruption, l’absence d’État de droit et de règles juridiques acceptés par les acteurs privés comme publics ne sont pas sans conséquences. Le rôle de DWF est aussi de les convaincre que le développement économique est conditionné par la crédibilité juridique, ou en d’autres termes, la valeur et le respect des engagements.
Et parce que tout n’est pas dans le droit, même si le droit est partout, nos deux avocats se plaisent à conclure leur propos en soulignant la belle embellie de l’art africain, notamment avec l’ouverture de musées des arts africains sur le territoire africain, le Bénin ayant donné l’exemple.
L’Afrique est assurément un continent qui ne veut plus seulement être d’avenir. Ou alors d’avenir immédiat !
Michel Taube avec Raymond Taube, directeur de l’Institut de Droit Pratique