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17H31 - samedi 11 juin 2022

Et si l’on parlait sérieusement de santé dans ce nouveau quinquennat ?

 

L’expert santé et dépendance Jean-Paul Thonier

Article paru le 19 avril 2022

Malgré la persistance d’une pandémie qui a fait de très nombreuses victimes à la surface du globe, qui a paralysé de façon récurrente la vie et l’économie d’une grande partie la planète, qui a fait fonction de révélateur en projetant une lumière crue sur les faiblesses de notre système de santé, on a peiné à ressentir chez nos – nombreux – candidats à l’élection présidentielle un enthousiasme spontané à l’idée de prendre le sujet de la santé à bras le corps !

A ce titre, le second tour s’avère encore plus médiocre que le premier…le thème de la santé en est complètement absent !

Et quand, contraints et forcés, certains ont tout-de-même fini par s’y résoudre, il nous a été donné d’assister à un festival de mesures éparses qui tentent de répondre à l’urgence, sans vision globale ni systémique, confondant par précipitation, ignorance ou inculture la santé avec un grand « S » et l’offre de soins, l’objectif et les moyens, vieux réflexe nourri par des décennies d’approche parcellaire teintée de corporatisme.

Il s’agit là un biais intellectuel assez courant, caractéristique de notre mode de pensée hexagonal, jadis diagnostiqué par le sociologue par Michel Crozier, et qui continue malheureusement de caractériser notre approche de la plupart des sujets :

« se précipiter vers la solution sans avoir pris le temps de poser le problème »

C’est tout particulièrement pénalisant et inefficace pour ce qui concerne le domaine de la santé, système complexe au sein duquel d’innombrables parties prenantes interviennent avec des logiques antagonistes, un champ de vision le plus souvent restreint à leur spécialité ou domaine, animées de visées fréquemment catégorielles.

Face aux problèmes et aux revendications qui surgissent à intervalle régulier, les gouvernements ont pris l’habitude de jouer au pompier – au SAMU…-, traitent les questions en silo – l’hôpital, la médecine de ville, les ARS, le « trou de la sécu », les infirmiers, les kinés, les labos, … – sans jamais aborder le problème dans son ensemble…et son abyssale immensité : de l’aspirine pour soigner le cancer !

Les gouvernements successifs, tout particulièrement les socialistes avec le prisme idéologique qui les caractérise, n’ont cessé d’accroître les difficultés en plaçant systématiquement l’hôpital public au centre du système, dans le rôle d’opérateur principal vers lequel tout converge, reléguant les autres acteurs au rang de supplétifs.

Comment s’étonner dès lors de la saturation des hôpitaux publics, de l’afflux vers leurs services d’urgences quand, après avoir imposé la règle saugrenue des 35 heures à des structures déjà passablement engorgés et contraintes par un empilement rigide de statuts catégoriels, on s’acharne à orienter vers eux des flux qui auraient naturellement du et pu, pour une part importante, être pris en charge par d’autres structures plus souples, mobiles et proches du terrain ? …une parfaite illustration contemporaine de la célèbre phrase prêtée à Bossuet :

« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. »

Si l’on veut durablement affronter et résoudre la question socialement et politiquement majeure de l’effondrement du système de santé français, il faut se donner du temps, adopter une vision panoramique et inverser le paradigme actuel : raisonner en termes de santé globale tout au long de la vie et non plus seulement en termes de soins et d’offre de soins, comme on l’a fait jusqu’à présent.

C’est dans cette perspective qu’a été rédigé un important ouvrage collectif récemment publié par « l’Institut Santé », proposant une refonte en profondeur de notre système de santé, sur la base de principes fondateurs clairs :

  • La priorité donnée à la santé globale et à la prévention, parent pauvre du système de santé
  • La responsabilisation de l’individu sur sa santé, afin qu’il en soit le pilote averti plutôt que le consommateur passif de soins
  • L’organisation le maillage de l’offre de santé au plus près des besoins des territoires, dans un continuum coordonné qui part de la petite enfance jusqu’au grand âge, à partir des besoins de la population et non plus à partir de l’offre de soins disponible
  • La démocratisation et la débureaucratisation de la gouvernance à tous les niveaux
  • Le réaménagement du financement en clarifiant le rôle des différents intervenants
  • La volonté de faire des industries et services de santé une source de création de richesse, de développement économique et d’excellence scientifique

Il s’agit-là d’un chantier d’autant plus considérable que le système de santé français est aujourd’hui usé « jusqu’à la corde », du fait des politiques technocratiques conduites par les gouvernements successifs, au gré de l’influence des corporatismes et des matrices idéologiques.

A notre sens, un candidat et à ce stade du processus électoral, un futur Président  qui se voudrait crédible sur ces sujets serait bien avisé d’inscrire clairement parmi les grandes priorités de son prochain quinquennat la question de la refonte du système de santé, de prendre le temps de porter un diagnostic d’ensemble sur ses nombreux dysfonctionnements, d’identifier à partir de là les chantiers à traiter et de proposer une méthode pour les aborder par ordre d’urgence et d’importance, en impliquant les parties-prenantes concernées, sans entrer dans le détail forcément piégeux des mesures catégorielles.

Impossible ne serait pas français…

Jean-Paul THONIER

Expert Santé-dépendance