Solutions pour la France
17H23 - vendredi 1 avril 2022

Pour une souveraineté 2.0… avec audace et anticipation !

 

Depuis 2019 et l’apparition de la pandémie liée au Covid, la notion de souveraineté est revenue en force. Jusque-là les souverainistes de tous bords étaient perçus soit comme refermés sur eux-mêmes et sur le village-France, soit comme des réactionnaires réfractaires aux bienfaits de la mondialisation.

A quelques jours des élections présidentielles françaises quasiment tous les candidats s’accordent sur l’importance de la souveraineté sur le plan industriel, énergétique, politique, militaire et économique. Mais cette souveraineté 2.0 ne sera efficace que si l’on accepte et que l’on se donne les moyens d’innover, d’être créatif et d’anticiper. Pour éviter de subir, nous devons défendre et enfin promouvoir la culture du risque !

 

Crise Covid et souveraineté sanitaire

La crise sanitaire a souligné notre dépendance dans le cadre d’une mondialisation et d’une interdépendance poussées à l’extrême. Ainsi, en 2019, les Français ont découvert avec stupéfaction que la quasi-totalité des masques étaient produits en Chine et que le paracétamol nous venait principalement d’Inde. Cette dépendance française et européenne a souligné l’importance du choix de partenaires économiques de confiance et dans la durée.

Quant aux vaccins, on ne peut que déplorer l’absence de vaccin au pays de Pasteur… comment se fait-il que Sanofi n’ait pas été capable de mettre au point un vaccin contrairement à BioNTech / Pfizer et Moderna ? Là encore, Sanofi a fait preuve d’erreurs stratégiques et de manque d’audace. Là où BioNTech investissait massivement dans la fabrication de molécules innovantes, Sanofi délocalisait affichant un bénéfice net en hausse de 340% en 2020 et 5,000 emplois supprimés en 10 ans mais surtout n’investissait pas suffisamment dans des technologies prometteuses, telles que l’ARN messager notamment.

A L’Etat français et au prochain ministre de la Santé de mener enfin une vraie politique de santé publique afin d’affirmer notre souveraineté sanitaire et notre capacité à prendre des risques !

 

Cybersécurité et souveraineté politique

De la même manière, des guerres de nouvelle génération, qui s’affranchissent des frontières classiques, émergent depuis quelques années, notamment au travers de désinformation et de cyber attaques de tout genre qui visent à noyauter et déstabiliser nos institutions et entreprises, et par conséquent les démocraties occidentales. Nous vivons dans un monde plus complexe, plus connecté et donc plus vulnérable. Dès lors, comment affirmer notre souveraineté politique ?

En 2016, juste avant les élections américaines, le clan démocrate a subi des piratages et des fuites de courriels. Les Etats-Unis ont accusé publiquement la Russie d’ingérence dans le processus démocratique.

En 2016, l’agence du Royaume-Uni de lutte contre la cybercriminalité a confirmé l’ingérence de la Russie dans le référendum sur le Brexit.

En France, à quelques heures de la fin de la campagne officielle de l’élection présidentielle de 2017, des milliers de mails privés et professionnels de membres du parti En Marche sont mis en ligne et relayés par l’ultradroite américaine.

Depuis le 7 décembre 2021, à la suite de l’adoption du décret qui a créé le « fichier de souveraineté », une nouvelle structure « Viginum » destinée à détecter les opérations de manipulation de l’information est créée et opérationnelle.  Mais Viginum ne compte que 24 agents à ce jour, et n’en prévoit qu’une soixantaine d’ici fin 2022.

En 2021, les levées de fonds pour la cybersécurité s’élèvent à 500m d’euros en France, contre 8 milliards de dollars en Israel et 14 milliards de dollars aux Etats-Unis… cela donne une idée du retard et du chemin à parcourir !

La start-up nation promise par le candidat Emmanuel Macron en 2017 peine à se mettre en route, faute d’avoir pris la mesure des enjeux. Elle pèche sans doute par manque de discernement et de prise de risque.

Pourtant, les meilleurs ingénieurs en Intelligence Artificielle, en Biotechnologies sortent chaque année des Grandes Ecoles françaises… A l’instar de Stephane Bancel, directeur général de Moderna, nombreux sont ceux qui préfèrent entreprendre à l’étranger faute de levées de fonds suffisantes en France, et s’expatrient là où leurs compétences sauront être encouragées et reconnues !

 

Souveraineté économique

Sur le plan économique, une dette publique française atteignant 115% du PIB (contre 98% fin 2019) pose question sur la soutenabilité de la dette et sur notre souveraineté économique dans un environnement d’inflation croissante et de hausse de taux d’intérêt. Et le fossé continue de se creuser entre dettes publiques des pays du Nord et du Sud de l’Europe.

En France comme ailleurs, l’Etat pratique la cavalerie financière et rembourse ses dettes en réempruntant systématiquement les montants nécessaires.

Mais face au retour de l’inflation et à la hausse en cours des taux d’emprunt, le coût de la dette française ne peut que s’envoler. Historiquement, les périodes d’inflation s’accompagnent d’une hausse de la croissance, ce qui devrait aider à soutenir la dette publique française.

La Banque Centrale Européenne permet aujourd’hui à la France de s’endetter sans difficulté, renforçant ainsi sa souveraineté. Même si l’appartenance de la France à la zone euro éloigne le risque de crise, le prochain gouvernement devra faire preuve de rigueur et de courage pour inverser la tendance et réduire notre dette… et cela quoi qu’il en coûte…

 

Souveraineté énergétique

La guerre en Ukraine et la flambée des prix des matières premières a récemment mis en lumière la dépendance de certains pays européens, Allemagne et Italie en tête, au pétrole et au gaz russes et a remis au centre des débats l’énergie nucléaire comme solution à la souveraineté énergétique.

En France, la production d’électricité repose à 70% sur l’électricité d’origine nucléaire, alors que l’Allemagne avait annoncé en 2011 sa sortie accélérée d’ici fin 2022.

Depuis 2021, la Commission européenne a inclus l’énergie nucléaire et le gaz dans la taxonomie verte, reconnaissant ainsi qu’elle n’est pas plus dommageable pour la santé ou l’environnement que d’autres technologies de production d’électricité déjà incluses dans la taxonomie (telles que le solaire ou l’éolien).

Ainsi, la forte indépendance énergétique française garantit sa souveraineté énergétique. Les nouvelles technologies, si elles n’éliminent pas totalement le risque d’accident, ont considérablement amélioré la sécurité nucléaire et permis un plus grand réemploi des déchets radioactifs.

Là encore, charge à l’Etat qui détient 84% du capital d’EDF, de faire preuve d’innovation et de vue à long terme pour garantir aux français à la fois leur indépendance énergétique et la protection de leur santé et de l’environnement.

On le pressent bien, la souveraineté sera un enjeu majeur des décennies à venir et Emmanuel Macron semble être le meilleur candidat pour relever les défis de demain. Il faudra néanmoins savoir concilier souveraineté nationale et approfondissement de l’Europe. Mais une chose est sûre : sans audace, anticipation et prise de risque, elle risque de nous enfermer au lieu de nous libérer…

 

Sandrine Pilcer

Ingénieur financier