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12H21 - vendredi 25 mars 2022

Lituanie et recyclage plastique : un pays qui revient de loin

 

À l’heure où le réchauffement climatique est en passe de signer notre extinction, certains pays et villes se démènent pour « verdir » leurs pratiques de la vie courante. Direction la Lituanie et son traitement des déchets plastiques le plus performant d’Europe. En 2018, la Lituanie est à la pointe en recyclant 69,3 % de ses emballages plastiques, le plus fort taux de recyclage de l’Union européenne. En comparaison, la France n’a recyclé que 26,9 % de ses déchets plastiques, un chiffre bien en dessous de la moyenne européenne (41 %). Comment la Lituanie parvient-elle à battre des records et pourquoi la France ne peut-elle prétendre à la même chose ?

Pourtant, avant 2011, rien ne présageait la performance des Lituaniens, à l’époque très pollueurs. Onze ans plus tôt, les habitants jetaient chacun « environ 500 kilos de déchets ménagers », soit « 1,6 million de tonnes par an dans le pays », selon Courrier International. « Plus d’un tiers des Lituaniens reconnaissent tout jeter en vrac et sans discernement alors que neuf Européens sur dix procèdent à un tri. » Un sérieux problème d’infrastructures consacrées au tri des déchets ronge à l’époque le pays, et certains quartiers de la capitale ne sont pas dotés de poubelles distinctes.

À partir de 2011, les citoyens commencent à s’intéresser au recyclage. Des actions civiles sont menées pour informer la population et réclamer de meilleurs moyens de la part du gouvernement et des entreprises. Les commerces se plient également au jeu du recyclage grâce au système de consignes mis en place en 2016, pour créer un circuit bien huilé. 

Un système de consignes des plus efficaces

En Lituanie, les consignes ne concernent que les bouteilles en plastique, le verre et le métal. Le principe est simple : pour les entreprises, une taxe « pollution » est imposée si elles produisent beaucoup de déchets non recyclés. Plus elle les recycle, plus la taxe s’amenuise. Si l’usine recycle 25 % de ses bouteilles, elle bénéficiera d’une remise de taxe. Si elle recycle 95 % ou plus de ses bouteilles, la taxe sera levée. Aujourd’hui, le système (qui s’exporte dans toute l’Union) permet de réutiliser le même plastique une cinquantaine de fois.

Pour motiver les usagers à venir recycler leurs contenants, le système de consignes a été généralisé dans tout le pays. Ainsi, les Lituaniens sont payés plusieurs dizaines de centimes (ou bons d’achat) par récipient pour les amener aux bennes de tri. Petits commerces comme grands supermarchés sont équipés de machines automatiques pour la consigne. 

Hugo C., jeune Français de 22 ans, a passé 3 mois dans la capitale Vilnius pour ses études en 2021. Il relate que tous les supermarchés Maxima (l’équivalent d’un Carrefour) possèdent des bornes de tri pour canettes en échange d’argent. Tout y est consigné (verre, aluminium et plastique) et si tout le monde ne s’y adonne pas forcément, beaucoup de sans-abris se chargent de consigner les déchets des autres en se servant dans les poubelles. Mais de façon générale, les Lituaniens sont « plutôt éco-responsables », et les jeunes sont très ouverts aux questions écologiques. 

À l’origine de l’opération qui fonctionne depuis 6 ans, le géant Norvégien Tomra, qui s’implante un peu partout en Europe. En 2019, l’éco-organisme améliore la qualité de ses bennes en Norvège et en Lituanie : « la machine est désormais dotée de six caméras à l’entrée et, en une seconde, elle va vérifier la forme de la bouteille et voir si c’est cohérent avec les informations du code-barre », explique Alexandra Lange, responsable des affaires institutionnelles pour l’Europe de l’Ouest. Ainsi, les usagers ne peuvent plus frauder pour récupérer l’argent de la consigne. Alexandra Lange estime qu’entre 2016 et 2018 en Lituanie, « le pays est passé de 36 % de recyclage de bouteilles en plastique à 92 % » grâce à la consigne.

Mais le système ne fonctionne que si tous les acteurs mettent la main à la pâte : consommateurs, commerces, collectivités et industriels chargés des déchets. La Lituanie n’est pas une exception et n’est parvenue à un tel résultat qu’avec une formidable coopération des protagonistes. 

Une question de moyens et de bonne volonté

De nombreuses initiatives des citoyens et des politiciens pour le retour de la consigne ont vu le jour depuis quelques années : Jacques Vernier, ancien maire et président du Comité de pilotage de la consigne en 2019, avait donné des conclusions plus qu’engageantes. L’objectif européen ne sera jamais atteint sans la règle de tri, bien que la France ait étendu le recyclage à tous les emballages cette année. Pour Vernier, plusieurs mesures doivent être mises en place : avoir au moins « 27 000 machines de déconsignation et 110 000 points de reprise, soit environ 1,7 par 1 000 habitants », en fait partie. Une « sanction financière pour les producteurs de déchets si l’objectif de collecte n’est pas atteint » doit également être assurée. Enfin, tous les acteurs doivent être consultés et invités à choisir le système qui leur conviendra le mieux, tout en atteignant les objectifs français et européens de recyclage.

 De 1960 à 1990, la France pratiquait la consigne, mais uniquement pour le verre. Aujourd’hui, elle fait partie des derniers pays européens à ne pas la pratiquer, aux côtés de Malte et Chypre. La directive européenne du 5 juin 2019 impose à tous les pays de l’Union un objectif de collecte et recyclage de 90 % des bouteilles en plastique d’ici 2029. Alors, qu’attendons-nous pour reprendre nos bonnes vieilles habitudes ?

 

Maud Baheng Daizey