La chronique de Jean-Philippe de Garate
12H37 - lundi 7 mars 2022

Chronique pour la nouvelle époque : l’envers du gant

 

Jeter le gant signifie, on le sait, provoquer, défier… et il n’est pas utile de porter son regard très loin sur une carte d’Europe pour voir où je veux en venir.

Mais l’Histoire demeure la plus facétieuse des femmes. Quand vous pensiez vaincre, vous perdez. Vous imaginiez avoir berné un politicien balourd, l’Histoire vous le renvoie auréolé de gloire. Ou le contraire.  

Les exemples sont légion : Henri IV, le plus aimé de nos rois, le bon père à la « la poule aux pots » dominical, considéré comme un homme de paix… Ravaillac l’a occis la veille de son départ pour une guerre en Hollande aux desseins peu clairs… et le lendemain – je dis bien le lendemain- du sacre (13 mai 1610) de Marie de Médicis, épouse du roi depuis dix ans (3 décembre 1600), mais que le Béarnais ne se précipitait pas à faire couronner. Une reine dont on est aujourd’hui quasi-certain qu’elle était informée du dessein de Ravaillac. Facétieuse Histoire…

Les Allemands furent en France sans y être invités durant la période que l’on sait, mais nombre d’entre eux adoptèrent, voire se fixèrent en France dans les décennies suivantes et, si la France n’est plus la principale destination touristique de nos voisins germains, trois régions (Paris, Normandie et Aquitaine), outre l’Alsace si proche, se partagent leurs lieux de villégiature. Le soleil n’aimante pas toujours, qu’on se le dise, les touristes.

Mais l’Histoire peut aussi renvoyer à la tête des « dirigeants » de véritables boomerangs.

Ainsi de Mussolini. L’Italie fasciste, installée par les armes en Abyssinie et Ethiopie (1935-42), devait encaserner sur place des dizaines de milliers d’officiers, la plupart mariés en Italie. Le temps passant, la solitude aidant, nombre de ces soldats prirent à demeure des « Madame », à un point tel que le « madamisme » (sic – ce n’est pas une plaisanterie) fut officiellement réprimé, et certains officiers rapatriés, voire dirigés vers des régiments disciplinaires. Les lois raciales de 1937 et plus précisément celle connue sous le « numéro 880 », prohiba concubinage et mariage entre Italiens et « sujets des colonies africaines », mais n’eut pour autant qu’un effet d’annonce. Savez-vous où se niche la facétie de l’histoire ?

Après la guerre, quelques centaines d’Italiens demeurèrent dans la Corne de l’Afrique. La plupart, redevenus architecte, ingénieur, pizzaïolo, garagiste, maçon, enfin ces soldats retirés, demeurèrent avec leur « Madame ». La facétie des lois raciales du fascisme ? Les métis nés de la guerre fasciste sont, pour certains, prénommés « Benito »… ça ne s’invente pas !  Un ouvrage, Les Ensablés, rend compte de ces destins individuels, cette aventure collective. Ce retournement imprévisible.

Une guerre ne donne jamais les effets qu’on en attend. Le gant jeté à la tête de l’adversaire se retourne … comme un gant. C’est finalement, toujours, la Vie qui l’emporte. Et c’est l’essentiel. Le reste…

 

Jean-Philippe de Garate