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12H20 - jeudi 3 mars 2022

Curitiba, la ville écologique et durable

 

Curitiba est « la ville la plus verte » du Brésil, et également la troisième ville la plus écologique du monde derrière Amsterdam et San Francisco. Capitale de l’État du Parana, Curitiba fait figure de modèle dans le monde et au Brésil, où la déforestation de l’Amazonie fait trembler la population. Peut-elle servir d’exemple pour la France et le prochain président de la République ?

La transition écologique et urbaine s’effectue sous l’impulsion du maire Jaime Lerner, architecte et urbaniste élu en 1972. Dès son premier mandat (il sera réélu deux fois), Jaime Lerner lance son programme d’urbanisation qui s’appuie sur trois piliers : le développement social, économique et la protection environnementale. Lerner invente le premier transport en commun en site propre : en clair, les bus empruntent des voies qui leur sont réservées, et possèdent donc un propre site. Son modèle s’exporte dans le monde entier jusqu’à Nantes et ses « busway. » À l’heure actuelle, il existe 340 lignes de bus roulant au biodiesel depuis 2010, et couvrant plus de 1000 km de terrain, pour 2,4 millions de voyageurs quotidiens. Cinq grands axes de la ville sont uniquement réservés aux autobus pour fluidifier le trafic et désengorger les rues. La voiture est loin d’être privilégiée par les citadins, car 80 % de la population se déplacent en transports en commun dans Curitiba. De plus, chaque station de bus est accompagnée de commerces et bâtiments du service public, dans ce que la ville a appelé les « rues de la citoyenneté », afin que les services publics soient très facilement accessibles à tous et à toutes. 

Une équité sociale, culturelle et écologique entre les habitants

Tout commence véritablement à prendre forme avec la gestion des déchets repensée en 1989, mais les camions ne peuvent traverser les bidonvilles où les nouveaux habitants s’entassent. La ville a alors proposé que les Curitibanos des bidonvilles puissent recevoir un kilo de légumes frais ou des titres de transport contre un kilo de déchets collectés. Les légumes donnés proviennent des surplus des producteurs, qui ainsi ne gâchent pas leurs récoltes. Aujourd’hui, Curitiba trie plus de 13 % de ses déchets, tandis que la moyenne dans les autres grandes villes brésiliennes est de 1 %. En comparaison en 2016, 76 % des déchets ont été triés à Parme, contre 60 % pour Ljubljana, et 58 % pour Besançon.

La municipalité ne s’arrête pas là et entreprend de réaménager les berges de la rivière Barigui, polluée et rongée par les bidonvilles grandissants du sud, notamment avec l’aide de l’Agence Française du Développement : en plus du réaménagement, quatre parcs ont été établis sur les berges, permettant de régulariser la biodiversité de la ville et lutter contre les changements climatiques. Selon l’Agence, « la revitalisation urbaine est accompagnée d’un programme éducatif environnemental, “Olho d’agua” (œil d’eau), auquel les élèves de 30 écoles publiques de la zone participent en surveillant la qualité de l’eau de la rivière Barigui. »

Plus encore que les progrès sociaux et écologiques, des avancées culturelles permettent à tous les habitants de s’enrichir différemment. Dès 1990, la municipalité met en place des « phares du savoir » dans les quartiers défavorisés, comprenant une bibliothèque communautaire et des installations multimédias. Chaque bibliothèque collabore avec une école pour organiser des ateliers culturels, permettant aux jeunes citoyens d’accéder au savoir équitablement.

Une ville durable victime de son propre succès

Mais entre les années 1970 à 2010, Curitiba connaît une explosion de sa démographie, pour atteindre 1,7 million d’habitants en 2017 (3,5 millions pour l’agglomération). Depuis 2010, la ville subit l’entassement de la population dans des favelas et l’augmentation de la pollution avec le trafic routier, la dégradation de la ville et la mauvaise gestion des détritus. Après près de 40 ans de réussite verte, le système de Curitiba connaît depuis quelques années ses premiers ratés : le réseau de transports en commun est saturé, et la corruption gangrène les pouvoirs publics qui ne rénovent pas les infrastructures nécessiteuses. Enfin, la surpopulation de la ville qui ne s’étend plus conduit irrémédiablement à des problèmes sanitaires.

Sans compter que l’élection de Jair Bolsonaro à la présidence en 2017 a considérablement ralenti le développement de Curitiba. Le président d’extrême-droite a en effet multiplié les prises de parole et actions en défaveur de l’écologie : plus de 13 000 km2 de la surface de l’Amazone ont disparu avec son aval, entre 2020 et 2021. Selon l’ex-maire de Curitiba, Jaime Lerner, la « bureaucratie craintive » de la ville empêche cette dernière de se mobiliser contre les nouveaux défis environnementaux qui l’attendent. 

Des méthodes trop peu appliquées en France

Si Nantes a beaucoup suivi le modèle de Curitiba (et a été élue capitale verte de l’Europe en 2013), une première pour la France, le traitement des déchets reste peu efficace sur le reste du territoire. Seulement 30 % de nos déchets sont triés et recyclés, bien en dessous de la moyenne européenne : un pays aussi avancé que la France ne devrait pas ramer autant sur la question. À l’heure de la présidence française de l’Union européenne et de l’écologie au cœur des préoccupations de nombreux politiciens, la problématique du recyclage ne devrait plus en être une.

 

Maud Baheng Daizey