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06H33 - dimanche 23 janvier 2022

Nicolas Dainville : « Monsieur le Président, nos habitants ne supportent plus de vivre en Absurdistan ! »

 

Alors qu’entre en vigueur le pass vaccinal, validé vendredi par le Conseil Constitutionnel, Nicolas Dainville, Maire (DVD) de La Verrière et Vice-président du Conseil départemental des Yvelines, alerte le chef de l’Etat et l’opinion publique sur l’épuisement et la colère des Français face aux mesures contradictoires et coercitives qui s’enchaînent depuis bientôt deux ans.

 

© Christian Lauté

« Trop c’est trop ! » : voilà ce que me disent quotidiennement nombre de mes concitoyens de La Verrière. 

Certes, je ne suis pas un énième « expert » es-crise sanitaire, simplement le Maire d’une petite ville populaire. Et aujourd’hui, je me permets de tirer la sonnette d’alarme. Oui, beaucoup de mes administrés sont à bout : exaspérés par des mesures déconnectées du réel et inefficaces ; fatigués par des mesures d’exception sans fin ; inquiets du climat délétère qui gangrène notre société…

En tant qu’élu de terrain, je peux témoigner de la grande générosité et du grand sens des responsabilités de mes concitoyens depuis le début de la pandémie. Mais aujourd’hui, beaucoup perdent patience face aux incohérences des décisions nationales. Car si la guerre sanitaire n’est pas encore gagnée, une chose est sûre : la palme du concours Lépine des mesures les plus absurdes a déjà été remportée !

Petit florilège… Certains pouvaient entrer en France « sans papier », mais il fallait une attestation « auto-signée » pour promener son chien ! Le masque a d’abord été jugé inutile – voire « dangereux » ! – avant de devenir obligatoire… à l’extérieur ! La bouteille de vodka était « essentielle » quand un livre ne l’était pas ! On pouvait descendre les pistes en ski mais les remontées mécaniques étaient fermées !

Mais quand nos apprentis sorciers bureaucratiques arrêteront-ils leur ingéniosité normative totalement loufoque ? Car la folie administrative est malheureusement toujours en marche : il est désormais interdit de boire son café debout… ou de manger des chips dans un train sauf « nécessité » ! Une infantilisation de plus en plus mal supportée par nos concitoyens… qui ont parfois l’impression de ne plus vivre en France, mais en « Absurdistan » ! Notre gouvernement serait-il devenu expert « en normalisation de la folie », comme le dit Alexandre Jardin ? 

Sans oublier les contradictions du « pass vaccinal », entré en vigueur le 24 janvier 2022, qui permettra à une personne vaccinée mais contaminée (donc contagieuse) de rentrer dans un restaurant… alors qu’une autre avec un test négatif – donc quasi-indemne de toute contagiosité – mais non vaccinée en serait empêchée… Allez comprendre ! Certes, les jeunes non vaccinés – qui sortent le plus – seront « emmerdés » dans leur vie quotidienne. Mais la vaccination du million de personnes fragiles et non vaccinées ne sera pas pour autant améliorée !

À ce jour, 92% des Français de plus de 12 ans sont vaccinés ; on a donc beaucoup travaillé en quantité. Mais pour protéger efficacement nos hôpitaux et soulager enfin nos soignants – remarquables de dévouement -, il faut en effet mieux cibler nos efforts de vaccination sur les personnes les plus fragiles, âgées et à risque de comorbidité, non vaccinées. Rappelons que 93% des patients en réanimation ont plus de 65 ans et que la médiane d’âge des décès est de 85 ans…

Monsieur le Président, je voudrais également vous relayer la crainte d’un grand nombre de nos concitoyens face à ces mesures d’exception… qui deviennent la règle durable. Car, si chacun est prêt à accepter des restrictions de liberté, c’est à condition qu’elles soient nécessaires, efficaces et momentanées.

Or, beaucoup craignent un basculement de société, qui glisserait – lentement mais dangereusement – vers une société du contrôle permanent, plutôt que de la responsabilité et de la confiance. Non, la France ne doit pas emprunter la voie du « modèle chinois » avec ses fameux « crédits sociaux » qui tracent chacun dans ses moindres activités quotidiennes et distinguent entre ceux qui seraient considérés comme les bons ou les mauvais citoyens ! Dans nos villes, le droit interdit à nos policiers municipaux de contrôler nos identités, pour préserver nos vies privées, mais un garçon de café peut aujourd’hui demander notre passeport pour nous servir un Coca cola… Où cela s’arrêtera-t-il ?

Enfin, Monsieur le Président, beaucoup de mes concitoyens regrettent la stratégie de stigmatisation que vous avez choisie. D’autant plus dans nos quartiers populaires, où beaucoup ont été en première ligne dès le début de la crise sanitaire et dont certains se voient aujourd’hui mis à l’index…  

Pointer du doigt certains de nos compatriotes (qui n’ont, rappelons-le, enfreint aucune loi !), alors que vous êtes censé les représenter tous, n’aidera en rien à résoudre la crise et ne peut – au contraire – qu’ajouter à la tension. 

Dans cette diabolique mécanique du bouc émissaire, « un seul d’entre eux est responsable de tout », écrivait René Girard. Or, toutes les personnes qui arrivent en réanimation ont comme point commun d’être fragiles, qu’elles soient ou non vaccinées. Elles ne doivent pas être culpabilisées, et encore moins désignées comme responsables d’une crise hospitalière, dont bien des dirigeants actuels sont, eux, comptables. Il n’est pas honnête de faire reposer l’engorgement des hôpitaux sur une minorité non vaccinée, quand on sait que près de 18 000 lits ont fermé depuis 2017 et qu’aucune réforme concrète n’a été menée depuis le début de la crise sanitaire.

De même, est-il vraiment nécessaire de monter les uns contre les autres et de créer une catégorie de sous-Français, qui seraient symboliquement déchus de leur citoyenneté, dans un pays qui est déjà tellement fracturé, à l’image de « l’archipel français » décrit par Jérôme Fourquet ?

« Il faut voir comme on nous parle », chantait Alain Souchon… Un État fort face aux faibles et faible face aux forts, ce n’est pas de l’autorité, cela s’appelle de l’autoritarisme. Et jeter dans le camp des « obscurantistes » tous ceux qui ne partagent pas votre avis, cela s’appelle de la malhonnêteté intellectuelle, voire du populisme.

Depuis le début de la crise, nous, les élus locaux, avons été au plus près de nos concitoyens, souvent pour pallier les insuffisances de l’État. Alors, écoutez aujourd’hui les voix du terrain : nos concitoyens ont accepté beaucoup de choses, ils méritent plus de respect. La « guerre » doit être sanitaire et non civile !

 

Nicolas DAINVILLE, Maire (DVD) de La Verrière et Vice-président du Conseil départemental des Yvelines