La chronique de Jean-Philippe de Garate
12H33 - mercredi 12 janvier 2022

La vie, depuis le 11 janvier 1922

 

On sait à peu près tout de Hitler, Pol Pot et autres monstres du vingtième siècle. Pour autant, cette fascination du Mal doit cesser. D’un certain point de vue, la période est propice. La pandémie et le retour de la mort rendent urgente la primauté du Bien. De la Vie !

Il y a un siècle, le 11 janvier 1922, le premier patient à recevoir de l’insuline artificielle, Leonard Thomson, un garçon de 14 ans, dut la vie aux découvertes d’un médecin canadien, Frederick Banting (1891-1941), et d’un universitaire écossais, John Mac Leod (1876-1935).

Ces deux noms, Banting et Mac Leod, sont inconnus du grand public, même si les deux chercheurs furent récompensés du prix Nobel de médecine dès 1923, tant leur découverte s’avérait déterminante pour des millions de nos semblables. Le « mal bleu » du diabète était vaincu. Partiellement. Au passage, on oubliera la signification du mot lui-même, dont l’origine se trouve dans la Grèce antique. Diabète signifie « passer à travers ».

À peine avaient-ils bu de l’eau, les victimes urinaient ce qu’ils venaient de boire, comme s’ils étaient « traversés par l’eau ». Leur amaigrissement, en dépit d’une nourriture abondante, entraînait leur mort en quelques mois, voire quelques semaines. En réalité, ils se trouvaient en hyperglycémie chronique, et l’acétone en quantité attaquait les yeux, le cœur…

Depuis un siècle, la recherche sur cette maladie n’a pas cessé. Et la connaissance affinée des différents types de diabète, le nombre – des dizaines de millions d’hommes, de femmes, d’enfants frappés – les sommes d’argent investies, tout cela permet d’espérer que demain, d’autres médecins, d’autres universitaires découvriront comment remplacer les fameuses cellules bêta du pancréas, dont la destruction entraîne la survenance de la maladie.

Le cinéma s’est penché avec humour sur ce diabète sucré. Ainsi, dans Le Corniaud, classique du rire (1965), dont la vedette est tenue par André Bourvil et Louis de Funès, un second rôle, la petite frappe Mickey le bègue (l’acteur italien Venantino Venantini), est-il diabétique. Dans une association d’idées diabolique, le gangster Léopold Saroyan (Louis de Funès) le neutralise en faisant tomber des morceaux de sucre dans le réservoir d’essence de son véhicule…

Pour autant, la maladie demeure plutôt, selon une expression parlante, celle « du chef de gare ». Le diabète met fin à toute insouciance, car le calcul des deux indicateurs (basal et post-prandial) exige du diabétique ou de ses proches un contrôle incessant, notamment lors de l’ingestion d’aliments dont l’incidence est calculée. Cette vie rythmée par les seringues ou la pompe à insuline peut cependant, depuis le 11 janvier 1922, se dérouler harmonieusement. Pour autant, certains métiers demeurent-ils interdits, ainsi ceux de chirurgien ou de pilote de ligne, des écarts de glycémie étant susceptibles d’entraîner des baisses d’attention. Dans le climat délétère de notre nouvelle époque, il est nécessaire de ne pas lâcher prise, jamais, face aux différentes formes du Mal. Et d’imaginer d’autres Banting et Mac Leod qui permettront demain de vaincre totalement la maladie symbolisée par un « Cercle Bleu ».

 

Jean-Philippe de Garate