La chronique de Jean-Philippe de Garate
13H55 - mercredi 28 juillet 2021

Les journées de Juillet

 

« On ne sait plus quoi penser. » Presque chaque jour, on entend cette phrase, formulée d’une manière d’une autre. Nous sommes à la fin de juillet, en pleine période estivale, et les bénéficiaires des congés payés taquinent le goujon, le pastis ou/et la crème solaire, mais retournent à Bordeaux, Marseille ou Châteldon pour aller manifester contre le pass sanitaire : 150 000 personnes en France, nous dit-on. Brisons net : la question n’est plus de savoir qui a raison et qui a tort.

Et, comme souvent, il n’est pas inutile de comparer ce qui est comparable. Pourquoi un mouvement de protestation au mois de juillet ? Juillet, le mois de Jules César – août étant celui de l’empereur Auguste- est un mois particulier. Il s’inscrit dans cette « montée vers le soleil » sans atteindre l’écrasant et impérial mois d’août. Les pseudo-scientistes que nous sommes tous devenus oublient les simples mouvements du ciel, Napoléon né au sommet d’août, le 15, et les planètes qui bougent, la terre incurvant un peu son axe…

« On ne sait plus quoi penser ». À la vérité, personne ne pense plus vraiment, à commencer par le monde officiel devenu si électrique, si agité, si oublieux de tout, des usages comme du reste, comme cet étonnant Macron, brillant sujet qui en pleine pandémie, serre à Tokyo le bras du Premier ministre japonais en imposant le pass sanitaire à quelques 13.000 kilomètres de là. L’homme de Las Vegas décidément à l’Ouest… de Kyoto. Mais « on ne sait plus quoi penser », des jeux olympiques comme des recettes miracles contre le dérèglement climatique. Demeure une certitude : rien n’est plus stable. Pour preuve, l’intérêt des Français pour la famille royale britannique, immuable et presque immortelle. Rien n’est stable. Tout bouge.

En 1830, la France connut une révolution, fin juillet. Charles X (*1757), qui mourut six ans plus tard du choléra dans un lieu singulier – Gorizia, en frioulan : Gurize, en slovène : Gorica, en allemand : Görz – était alors roi de France et son principal ministre se nommait Armand, duc de Polignac. Le plus jeune des frères de Louis XVI régnait depuis six ans (1824) et deux ans plus tôt, avec un gouvernement dirigé par l’ancien avocat Martignac, avait laissé abolir la censure de la presse (loi du 18 juillet 1828) et soutenu la politique d’affermissement du jeune Etat grec, obtenant par la force le départ des troupes ottomanes (août 1828). On l’oublie – mais on oublie tout -, les études hellénistiques s’envolèrent sous son règne, à la suite, notamment, de la découverte de la Vénus de Milo, quelques années plus tôt.

En 1830, on n’en est plus là. Charles X, qui a fait badigeonner de blanc les bas-reliefs érotiques de Bagatelle, s’engouffre avec son ami Polignac dans une spirale fondée sur ce qu’on nommait alors « obscurantisme ». Retour de la censure, politique fondée sur des apparitions divines… On s’est moqué de Charles X, mais à bien y regarder, certains aspects, certains signes le rapprochent de l’actuel impétrant de l’Elysée : une forme d’amabilité et d’autorité avenantes, sourires masquant des inspirations légères, fluctuantes, non fondées sur des données éprouvées, goût de l’imprévu et de la décision décalée, mais surtout, mais d’abord, cet adossement aux croyances du moment : hier la religion inspirant la politique, aujourd’hui la médecine, nouvelle croyance.

Avec ses sages et ses magiciens. La médecine n’est pas une science exacte, c’est un euphémisme… Mais comme les Français ne sont pas tous docteurs en médecine – mais à notre connaissance, pas davantage le monarque -, il n’est pas difficile de les renvoyer à leurs serviettes de bains en leur infligeant ceci cela. Sauf que…

Sauf que Charles X, qui n’avait jamais vu une seule scène révolutionnaire, pour avoir quitté Versailles et la France réelle le 16 juillet 1789, est tombé lors des Trois Glorieuses de Juillet. Comme notre monarque actuel, Charles avait recherché des appuis à l’extérieur de l’hexagone, ne se satisfaisant pas d’un soutien qui -on le constate – lui est désormais compté. Et essentiellement minoritaire.

Que va-t-il se passer ? Que faut-il penser ? Peu de choses, mais suffisantes : tôt ou tard, ce pays retombera sur ses pieds. Peut-être fin avril 2022, peut-être avant, durant ces dernières journées de juillet.

 

Jean-Philippe de Garate