Afriques
20H36 - dimanche 13 juin 2021

Sahel : la réflexion s’impose pour espérer encore !

 

Depuis déjà plusieurs années, on a pu constater que la « communication », tant française qu’Africaine peut avoir des effets dévastateurs pour la compréhension entre les peuples.

C’est vrai que l’empressement, la hâte avec laquelle le Président Macron a fait passer son message de « retrait partiel » de la Force Barkhane, du Mali, peut une nouvelle fois faire jaillir des inquiétudes, mais peut aussi dévoiler des interprétations tout aussi hâtives qui fragilisent la relation de notre pays avec cette partie de l’Afrique.

Il est possible que le Président se sente capable d’analyser vite, seul, et de décider. Après tout c’est le Président. Il n’en reste pas moins que l’on se doit de lire entre les lignes dans ce choix.

Il est tout à fait temps de s’arrêter un instant, même un bon moment, sur le « constat » de la présence française au Sahel, et notamment au Mali, après les récents évènements politiques survenus depuis Juillet 2020 dans ce pays.

Tirer les conséquences de ce constat, plutôt mitigé, depuis plusieurs années n’est pas une mauvaise idée et même peut entrainer, à juste titre, une remise en question du mode de fonctionnement de l’Opération.

Destinée à résorber, ou même anéantir, l’avancée terroriste djihadiste, l’alliance des forces françaises Barkhane, avec un apport européen de Takuba, alliée à des forces armées locales de pays en instabilité politique, ne parvient pas à sécuriser les zones concernées et très menacées, notamment le Nord du Mali, il faut bien le reconnaitre avec lucidité.

Une transformation profonde, après cette sorte de constat d’échec, devait s’imposer en effet. Et après la déclaration d’intention, nous attendrons du Président Français, les précisions des mesures prises ou à prendre, d’ici fin juin, pour la gestion, peaufinée, amendée probablement, pour une nouvelle conception de cette opération. Cette réflexion nécessaire se mènera-t-elle en toute sérénité au plus haut niveau de l’Armée lorsqu’on apprend la démission, certes actée depuis novembre dernier mais somme toute inattendue, du CEMA le Général François Lecointre. Cette annonce ajoute de l’incertitude aux soubresauts provoqués par l’annonce présidentielle.

Qu’il faille alors réduire, progressivement, le nombre de bases militaires très axées sur le Nord Mali, et conserver toutefois le dispositif, en l’état, ailleurs, pourquoi pas ! . Tout autant que la mission française soit maintenue, aussi, dans l’autre partie de son rôle, qui concerne la formation des forces locales, l’aide à l’administration des territoires en apportant services aux populations (qui pour la plupart sont en attente, contrairement à ce que l’on peut laisser entendre et qui auraient pu redouter «  l’abandon »), enfin faciliter le fonctionnement économique du pays, fort de cette jeunesse en attente de formation professionnelle. Cela n’a rien à voir avec une attitude néo-colonialiste.

Il n’est pas non plus aberrant, même si ce n’est pas encore acté, que le dispositif futur soit articulé autour d’une alliance Européenne et sous la coordination de Takuba dont la France resterait l’actrice principale. . Entre temps, d’ici fin juin, le Sommet Européen du 24 Juin abordera cette programmation.

C’est en cela que l’on peut comprendre les termes prononcés, même discrètement, du Président Macron «  les choses vont dans le bon sens », après avoir évoqué toutefois la situation politique du Mali, qui a certainement provoqué cette nécessité, dans son esprit, de faire un break et de penser au «  changement » de méthode.

En effet, il n’est pas et il n’aurait pas été envisageable de garder un partenariat intact, avec des dirigeants politiques, parvenus au pouvoir sur un «  double coup d’État », même si ce n’est pas la raison unique de cette remise en question.

Toutefois, chacun se plait à reconnaitre que, comme au Tchad, après l’empressement à faire machine arrière en incitant au retour aux processus démocratiques et à l’inclusion politique, finalement on assiste à la mise en place d’un pouvoir politique, probablement plutôt consensuel, et rassurant pour les populations, avec la perspective d’élections nationales dans un délai court. La nomination au Tchad de Albert Pahimi Padacké, homme de conviction et de droiture, dévoué à son pays, pourrait ressembler à celle de Choguel Maïga, nouveau Premier Ministre également, qui annonce d’emblée son attachement à l’intégrité, à la laïcité de son pays, et non suspect de tolérer le moindre contact de négociation avec les djihadistes.

(Disons au passage que la religion majoritaire dans un pays n’oblige pas à l’inféodation extrémiste et radicale à une religion. Le cas de la Mauritanie prouve que la modération peut aussi être maintenue)

Choguel Maïga rassurera certainement la Communauté internationale, et la nomination de son Ministre des Affaires Etrangères, Abdoulaye Diop, abondera dans ce sens. Un grand diplomate, ancien Ambassadeur, et même déjà ancien Ministre des Affaires Etrangères du Mali, dont la nomination attestera que ce nouveau gouvernement sera composé d’une élite politique, doublée d’une ouverture à une certaine diversité des tendances, même si on ne peut encore parler d’union Nationale.

Ce capital humain disponible ne devrait que faciliter le bon fonctionnement de la Transition politique du Mali, comme vient de le dire, Cheikh Tidiane Gadio, haute personnalité Panafricaine s’il en est, et nouveau Délégué Spécial pour la Francophonie (OIF) au Mali.

Il a raison de dire que, « sans une sécurité retrouvée, le pays, jusque là déstabilisé par des forces terroristes et aussi par des trafiquants, ne pourrait retrouver une économie rétablie »

L’ambition économique dans une industrialisation à développer, dans une agriculture à moderniser, ne peut exister sans une sécurité retrouvée.

Si tous ces changements se coordonnent, alors, comme le dit, l’Ambassadeur Nicolas Normand, fin connaisseur du Sahel, dans son interview accordé au Point Afrique, empreint d’un certain optimisme «  les choses iront dans le bon sens ». Et si on acceptait l’augure… ?

 

Alain DUPOUY

Chef de rubrique Opinion Afriques et Outre-Mer

 

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