Politique
10H01 - vendredi 11 juin 2021

Le (pseudo) enterrement de Barkhane par le pseudo Macron l’Africain. L’édito de Michel Taube

 

Emmanuel Macron n’a-t-il pas été trop vite en besogne ? L’annonce subite de la révision de la doctrine et de la présence militaires françaises au Sahel, relayée dans tous les médias comme la fin de l’opération Barkhane, lors d’une conférence de presse fleuve à l’Élysée hier consacrée à la visite de Biden en Europe (pas en France), au G7 et à l’OTAN, sonne-t-elle le glas de la présence française au Sahel ?

Une fois de plus, la communication africaine de Macron est plus que maladroite. Ce qui apparaît comme un enterrement de Barkhane hâtif, jupitérien et sans concertation préalable ni calendrier et contours précis, n’a fait que créer le désordre : le Canard enchaîné rapporte que Jean-Yves Le Drian n’aurait même pas été mis au courant des annonces d’Emmanuel Macron hier. Une telle décision n’aurait-elle pas mérité un échange direct avec les chefs d’État de la région Sahel ? Un nouveau Sommet de Pau en visio-conférence ?

Certes, Emmanuel Macron annonce qu’à l’avenir les forces spéciales françaises appuieront les États volontaires dans le cadre d’une nouvelle Alliance internationale et des dispositifs européens EUTM et Takuba. Quelques postes armés seraient maintenus dans la zone Sahel sans que l’on sache combien ni où. L’Europe se substituerait à la France ? Qu’il nous soit permis d’en sourire pour ne pas en pleurer… Seules des forces estoniennes, tchèques et suédoises ont envoyé des hommes jusque-là. Macron pense-t-il décemment que les Européens se bousculeront au portillon du désert sahélien en voyant que la France retire peu à peu, progressivement ou rapidement (nul ne le sait pour l’heure) ses 5.000 hommes.

Macron annonce que désormais la France se concentrera au Sahel sur la seule lutte contre le djihadisme terroriste. Comment est-ce possible de faire reculer la gangrène islamiste si l’on ne maintient pas la protection de la société civile, la formation des armées, le développement économique et inclusif, la scolarisation des enfants et la formation professionnelle des jeunes. L’arrestation ou la neutralisation prochaine, si elle a lieu, du chef du GSIM, Iyad Ag Ghaly, présentée comme désormais la priorité des priorités, résoudra-t-elle la situation au Sahel ? C’est vraiment ignorer la multipolarité des enjeux africains.

Emmanuel Macron n’a-t-il pas commis une erreur d’analyse ? Pourquoi laisse-t-il entendre que le colonel Assimi Goïta, le nouvel homme fort du Mali, flirterait trop avec les islamistes alors que des signes forts, comme la nomination de Choguel Kokalla Maïga comme Premier ministre, est plutôt une bonne nouvelle pour préparer une transition vers le retour à la démocratie ?

Alors, pourquoi cette brusque annonce élyséenne ? Il se dit que c’est justement la reconnaissance par la CEDEAO du colonel Goïta qui aurait entraîné la décision de retrait de la force Barkhane. Mais pourquoi la France a-t-elle si longtemps soutenu un président corrompu et incompétent comme IBK, se mettant la société civile et les opposants politiques démocrates maliens à dos ? Pourquoi soutenir le fils Déby et pas Goïta ?

Parce que ce dernier serait sur le point d’entamer un renversement d’alliances et, pourquoi pas, de se tourner vers les Russes, non moins efficaces dans la lutte contre l’islamisme radical, mais aux méthodes et aux desseins dont les Maliens connaîtront vite le tranchant ? Les Centrafricains commencent à en faire l’expérience…

Non, la raison est selon nous ailleurs et elle est double : tout d’abord la psychologie macronienne (une forme de « je te déteste moi non plus ») entraîne selon nous, et depuis les premières heures de son quinquennat, un problème profond de relationnel du chef de l’État avec l’armée française. Nous espérons bien que l’état-major de l’armée française et celui de Barkhane ont été associés à cette décision lourde de conséquences. Mais pourquoi une telle précipitation ?

L’annonce d’hier sera perçue et interprétée à l’envi par nos adversaires, nos concurrents et nos ennemis comme un camouflet pour nos armées. La précipitation publique d’Emmanuel Macron ne met-elle pas en danger nos femmes et nos hommes sur place ? Car on n’annonce pas un tel retrait sans le préparer dans les moindres détails et en toute discrétion. Se faisant, le chef de l’État pourrait faire courir des risques inconsidérés à nos soldats sur place : imaginez la liesse anti-française que la communication hâtive du président va susciter au Mali et dans les pays voisins ! Cela doit tanguer très fort depuis hier dans le navire amiral qu’est notre Grande Muette !

Ayons d’ailleurs une pensée pour les 50 militaires français morts et les dizaines de blessés au Sahel depuis 2013. Leur sacrifice ne fut pas vain, car la lutte contre le djihadisme est un combat universel, notre véritable nouvelle frontière.

Ensuite et enfin, nous ne pouvons comprendre cette volte-face radicale sans penser à l’agenda politicien d’Emmanuel Macron… En fait, la décision de ce dernier est à rapprocher de la décision annoncée le 7 juin par le ministère français des Armées, tout aussi lourde de conséquences, du gel de l’aide budgétaire et de la suspension de la coopération militaire de la France avec la Centrafrique, jugée « complice » d’une campagne anti-française téléguidée par la Russie.

En un mot, il faut se demander si, pour Macron, la France ne serait pas en train de préparer son retrait militaire d’Afrique sub-saharienne. Certes par étapes, mais le cap est fixé. Le chef de l’État ne veut pas assumer devant le peuple français la responsabilité de défendre la présence militaire française au Sahel.

Une page est en train de se tourner.

A Ouagadougou fin 2017, Macron disait la main sur le cœur de la jeunesse africaine vouloir renouveler et moderniser l’amitié France – Afrique : avec le pseudo-abandon du Franc CFA il y a un an, avec aujourd’hui le pseudo-retrait de Barkhane, Emmanuel Macron ne serait-il pas en train de fragiliser sérieusement notre présence en Afrique ?

 

Michel Taube

 

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