Edito
20H53 - samedi 5 décembre 2020

Recours de l’UMIH devant le Conseil d’Etat : les restaurants valent bien une messe ! L’édito de Michel Taube et Raymond Taube

 

Le Conseil d’État, saisi par l’UMIH (Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie) présidée par Roland Héguy, suivra-t-il sa jurisprudence des lieux de culte pour les restaurants et bars ?

Le bon sens n’est pas une source de droit, à l’inverse de la loi, de la jurisprudence, de la doctrine ou de la coutume. S’il l’était, nul doute que le Conseil d’État, saisi de plusieurs recours par l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) Nationale ainsi que par les antennes de Nouvelle-Aquitaine et de Gironde ferait droit à leur demande de réouverture des restaurants et bars, laquelle sous-entend évidemment le respect d’un protocole sanitaire assez souple pour s’adapter aux spécificités de chaque établissement (terrasse, dimension, aération…).

Comme le confiait à Opinion Internationale Guy Savoy, un homme en colère parmi les milliers de ses confrères, « nous subissons la même aberration que les lieux de culte. La cathédrale de Chartres est traitée (maltraitée devrais-je dire) comme la chapelle d’Oppède dans le Lubéron rénovée par Michel Leeb… ! « Les restaurants », cela ne veut rien dire. Chaque établissement est différent. Chez moi, mais aussi très souvent en province (mes confrères de province disposent de salles vastes comme des cathédrales), les clients ne se croisent jamais, les tables sont grandes. Si j’avais scrupuleusement respecté les jauges imposées administrativement, j’aurais dû rajouter des tables ! »

Les procédures devant la haute juridiction administrative sont donc fondées sur d’autres critères, principalement la rupture d’égalité avec les restaurants collectifs et routiers, qui restent ouverts. Depuis le début de la crise sanitaire, le Conseil d’État a validé la plupart des mesures de restriction. Exception notable et récente, évoquée par le grand chef gastronomique : la limite de 30 personnes imposée uniformément aux lieux de culte, qu’il s’agisse d’une petite chapelle ou d’une cathédrale.  

Le défaut de nuance et de proportionnalité est un reproche récurent fait aux pouvoirs publics : les stations de ski sans remontée mécanique, les attestations maintenues pour s’autoriser à aller dans tous les commerces, les tests sans moyen de les analyser…

Et dès qu’il s’essaye à la nuance, le gouvernement se perd dans la complexité et l’incohérence. Invité hier de BFMTV/RMC, voilà que Jean Castex sort de son chapeau une jauge de 6 mètres carrés pour les lieux de culte, après avoir imposé 8 mètres carrés dans les commerces et rien du tout dans les transports (le Premier ministre et ses conseillers ont dû oublier ce qu’est un métro ou un bus aux heures de pointe). Quelle sera la jauge pour les restaurants, lorsqu’ils seront autorisés à rouvrir ? 10 mètres pour une table pour un convive, 15 mètres pour une table de deux, 20 mètres pour une table de 4… ? Le pire est que le ridicule et l’absurde sont devenus plausibles. Jusqu’alors, la majorité silencieuse s’est montrée fort docile et disciplinée, acceptant des restrictions aux libertés comme il n’en existe dans aucun autre pays démocratique. Emmanuel Macron, peut-être aveuglé pas sa fragile embellie dans les sondages, risque de noyer cette adhésion par l’irrationalité, l’iniquité et l’illisibilité de sa gouvernance.

Le Conseil d’État suivra-t-il UMIH ? La décision relative aux lieux de culte permet de l’espérer. Le gouvernement soutiendra qu’un restaurant classique est par essence différent d’un restaurant routier ou collectif. Son argument ne tient pas, d’autant plus que tous les restaurants du personnel dans les entreprises, les administrations et même les hôpitaux, ne respectent pas tous strictement le protocole sanitaire, ou ne le font pas respecter (placement en quinconce, distanciation physique, gestion de files d’attente et de la mise à disposition des plateaux et des couverts…).

Évidemment, le risque de se contaminer dans un lieu clos où le port du masque est impossible doit être pris en compte. Il est vrai qu’une minorité de restaurants traditionnels, tout comme leurs homologues collectifs, n’ont pas été assez vigilants. L’étude américaine souvent mentionnée pour fonder la fermeture des restaurants et bars a été réalisée dans un fast-food n’appliquant aucun protocole sanitaire. Pourtant, il n’a jamais été fait état en France d’un cluster, ni dans un restaurant traditionnel ni dans un établissement routier ou collectif.

Il est par conséquent opportun de rétablir le principe d’égalité, mais en distinguant les vertueux des irrespectueux, qu’ils soient restaurants collectifs ou traditionnels, et leur capacité à respecter les protocoles sanitaires en fonction de leur configuration.

Au Conseil d’État de jouer…

 

Raymond Taube, Directeur de l’IDP-Institut de Droit Pratique et Rédacteur en chef d’Opinion Internationale & Michel Taube, fondateur d’Opinion Internationale

 

 

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