Ensemble contre le coronavirus
11H35 - samedi 6 juin 2020

L’ISF, l’Impôt Solution des Français, une passion française. La chronique de Patrick Pilcer

 

L’ISF, l’impôt dit de solidarité sur la fortune, héritage ou sparadrap du programme commun de François Mitterrand, voilà la solution des Gilets Jaunes du Jour d’Avant, mais aussi de beaucoup de commentateurs et d’une grande partie des Français dans le Jour d’Après. Comme si appauvrir les riches enrichissait les pauvres. Le Président Emmanuel Macron l’avait pourtant clairement dit lors du Grand Débat, « c’est de la pipe » ! Néanmoins, beaucoup en demeurent persuadés, et en font l’alpha et l’oméga d’une fiscalité qu’ils considèrent comme juste, équitable, et redistributive.

Il faut reconnaître que le gouvernement en transformant l’ISF en IFI, en impôt sur la fortune immobilière, sans explication de fond, puis en baissant les APL, les aides au logement des petits revenus, avait donné un grand bâton pour se faire battre. Symboliquement, dans le même temps, il prenait aux pauvres pour donner aux riches. La diminution des APL était une erreur, une faute politique, certainement, mais sans lien avec l’IFI ou l’ISF. L’IFI lui aussi est une erreur, une faute économique. Expliquons un peu plus.

Tout d’abord, l’ISF comme l’IFI taxent les stocks et pas les flux. Dit plus simplement, ces impôts prennent comme base de taxation la valorisation au 31 décembre de biens détenus. Si la valeur de ces biens, diminue en février ou en juin, ou en mars avril comme cette année, l’état ne rembourse pas le trop-perçu. Est-ce juste ? Il est bien plus juste de taxer les plus-values lors de cession que la détention de biens dont la valorisation peut fluctuer, à la hausse mais aussi à la baisse. Les plus-values, sur l’immobilier comme sur les valeurs mobilières, sont déjà taxées. On peut discuter du taux de taxation, mais ces taxes ponctionnent un enrichissement réel. Elles reposent sur un montant sonnant et trébuchant, et non pas sur une valorisation théorique. Lors de l’éclatement de la bulle internet, on a vu moultes actions qui valaient 100 en 2000 valoir 10, 1, 0 en 2001. L’Etat a perçu son ISF sur la détention de ces valeurs mobilières. A-t-il rendu le trop-perçu lorsque les détenteurs ont vendu leurs actions ou lorsque ces sociétés ont déposé le bilan ? assurément non ! c’est une hérésie économique de prendre comme assiette de taxation la valorisation théorique d’un bien. La logique implique la taxation sur une plus-value réelle. On taxe un flux, pas un stock…

En matière immobilière, on taxe la plus-value mais aussi le flux acheteur par l’intermédiaire des droits de mutation, ou par les droits de succession lorsque le bien est hérité, et encore la détention via la taxe foncière, voire par la taxe d’habitation. Trop c’est trop !

Les penseurs et Gilets Jaunes du Jour d’Après sont censés réfléchir…Ils reprochent au gouvernement la suppression de l’ISF. Ils devraient lui demander la suppression de l’IFI !

Car le gouvernement n’a pas procédé à la suppression de l’ISF mais à sa transformation en Impôt sur la Fortune Immobilière pour n’imposer que les biens immobiliers, et tenter d’inciter les épargnants à sortir de l’immobilier pour aller vers les placements mobiliers. Au passage, on pourra se demander, en matière de justice fiscale, pourquoi détenir un Basquiat ou un Hartung n’est pas soumis à l’impôt sur la fortune quand avoir un appartement familial de 120m2 dans Paris est considéré comme une « fortune ». Par l’IFI comme par la baisse des APL, le gouvernement a rogné un peu plus le pouvoir d’achat des jeunes comme des retraités.

 

Un studio n’est pas un Picasso !

La retraite par capitalisation, vieux débat, existe en France ; elle s’appelle assurance vie et investissement locatif. Et l’investissement locatif est la meilleure façon, jusqu’à présent, pour un enseignant comme pour un médecin de se créer des revenus complémentaires à terme en profitant du seul effet de levier possible pour un particulier, c’est-à-dire en empruntant, avec un patrimoine initial très faible. L’immobilier est le seul support qui permet cela, avec une bonne visibilité et un risque modéré. L’immobilier n’est pas l’investissement des riches, un studio n’est pas un Picasso. Acheter un appartement en empruntant souvent 100%, et le louer à de jeunes étudiants, ce n’est pas de la spéculation, c’est de l’investissement socialement responsable et durable, bien plus que d’avoir 2% de Vivendi ou 0,5% de BNP, et nettement plus que d’avoir un Basquiat ou un Picasso !

Lorsque, en transformant l’ISF en IFI, le gouvernement a incité les épargnants à sortir de l’immobilier pour aller vers les actions, il a de facto mis l’épargne des Français en risque. On connaît tous les cycles boursiers. La ligne droite en bourse n’existe pas, il y a des fluctuations, certaines fois de violentes fluctuations. Et après les années de hausse des marchés que nous avons connues, une baisse était fort probable, même si personne n’envisageait une telle pandémie et une crise digne de 1929.

L’IFI touche les retraités et futurs retraités, la baisse des APL touche les jeunes. Si le gouvernement veut améliorer le pouvoir d’achat des jeunes comme des retraités, qu’il supprime l’IFI et restaure le pouvoir d’achat en baissant les cotisations patronales et en supprimant la CSG et la CRDS. La crise a permis aux pays de la zone euro d’augmenter les marges de manœuvre budgétaire. Merci l’Union Européenne, Merci Maastricht, merci l’Euro, merci la BCE. Il faut absolument en profiter.

Il est grand temps à présent que le gouvernement supprime ce sparadrap qui date du programme commun de la Gauche, de l’union Georges Marchais / François Mitterrand. On ne corrige pas une erreur par une autre erreur. On la supprime ! bien sûr c’est un totem, un marqueur de gauche qui fait croire aux moins riches que les riches contribuent à la solidarité nationale par cet impôt. C’est faux ! Les plus riches ont soit bougé hors de l’Hexagone soit trouvé des parades tout à fait légales pour diminuer le plus possible cette taxe inique. Seules les classes certes aisées, mais pas forcément riches, l’acquittent. Est-ce juste et équitable ?

Il nous faut vraiment vite sortir de cette passion française pour l’ISF, sortir de ce chemin de croix, et arrêter l’auto-flagellation. L’ISF ne devrait plus être qu’une relique du passé, des stigmates des erreurs du programme commun de 1981 !

Mais pour faire comprendre cela à un Gilet Jaune, ou même à un jeune fraîchement diplômé de l’ENA, il faut expliquer, décortiquer, passer du temps, faire comprendre la réalité économique. Ce n’est pas simple, il ne suffit pas d’un slogan. Il faut pourtant le faire et l’assumer.

 Patrick Pilcer

Conseil et Expert sur les Marchés Financiers