Hier Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique et immunologiste, qui épaule le chef de l’Etat dans la gestion de la crise sanitaire a expliqué que la pandémie est actuellement « contrôlée » et qu’elle est tombée à un niveau suffisamment bas, au-delà des prévisions les plus optimistes. Le virus continue à circuler, mais faiblement, et autour de 1000 cas nouveaux sont déclarés chaque jour. Et d’ajouter que le scénario le plus optimiste est celui, selon lui, qui va se dérouler : une épidémie « sous contrôle » avec quelques foyers « localisés pouvant être maîtrisés ».
Les raisons de cet optimisme ? L’effet température peut-être et, surtout, la France a (enfin !) les tests, les masques et tout l’arsenal sanitaire pour gérer la crise.
Jean-François Delfraissy appelle à maintenir les gestes barrière pour éviter un rebond de l’épidémie, à « conserver les mesures de distanciation… assez longtemps, avec le port du masque en zone publique et dans les transports, ainsi que le lavage des mains qui vont devenir des pratiques habituelles ».
Face à cet excès d’optimisme de notre « médecin en chef national », Olivier Véran a dû publier un tweet rappelant que la France reste en état d’urgence sanitaire.
Justement, sauf peut-être non dans certaines régions mais dans certains territoires où des clusters sont apparus, nous ne sommes plus en état d’urgence sanitaire ! La pandémie a fortement reculé. Le nombre de nouveaux cas constatés est tombé à un niveau très faible.
La question est donc simple : en respectant scrupuleusement les gestes-barrière, pourquoi le premier ministre n’annonce-t-il pas d’emblée un déconfinement total de la société ? Pourquoi attendre le 22 juin ?
Quinze jours de la vie d’un pays, c’est énorme ! Même l’Espagne et l’Italie, durement frappés par le coronavirus, se sont remis en marche aux niveaux économique et social. Chaque jour, des centaines de milliers d’élèves restent perdus chez eux pendant que leur maître ou leurs professeurs ont repris le travail dans les établissements scolaires pour satisfaire qu’une minorité d’élèves. Chaque jour, la France perd entre 1 et 2 milliards d’euros de richesse nationale à cause de l’enrayement de la machine économique. Chaque jour, des dizaines de milliers de restaurants restent fermés faute de terrasses. De même pour les salles de cinéma et les théâtres, alors que des jauges réduites d’un tiers à la moitié auraient permis de les rouvrir. Enfin, chaque jour, les frontières restent fermées alors que nos voisins italiens les ont rouvertes. Pourquoi s’en tenir à une ligne et à un calendrier si rigides fixés mi-avril et début mai, alors que la situation sanitaire s’est fortement améliorée ? Un point capital révèle cette rigidité de la méthode gouvernementale et élyséenne appliquée dès le début et dont le coût social et économique est probablement incalculable : les protocoles de réouverture des écoles ont été conçus avec un tel degré de complexité et de prudence que les pouvoirs publics en ont oublié de prévoir des phases intermédiaires de sortie accélérée de la pandémie. Rien n’a été prévu pour l’hypothèse que nous sommes en train de vivre : celle d’un recul accéléré et massif de la pandémie. Résultat : les écoles restent fortement cloisonnées, peu d’élèves y retourneront avant septembre, alors que les conditions de cette situation ont largement disparu. Il est vraiment choquant de constater que seuls 15 à 20% des élèves seront retournés quelques jours à l’école d’ici juillet parce qu’un plan a été conçu à un moment où l’on pensait que la pandémie tarderait à refluer. Sur le plan économique, la situation est urgentissime au niveau micro-économique. Les défaillances d’entreprises, les retards de paiement, les licenciements se multiplient. Plus que d’annoncer la mobilisation de centaines de milliards d’euros magiques, l’Etat ferait mieux de réparer le ressort cassé d’une économie en berne en donnant un signe fort, puissant, immédiat : déconfinez dans le respect des gestes barrière. Comme un lit usé par deux mois de confinement excessif, la France a besoin de changer de matelas voire de l’ensemble de sa literie. ET cela urge ! Franchement, le 28 juin, les Français iront voter au second tour des municipales mais leurs enfants ne passeront pas le Bac ! Etrange situation, résultat d’une politique publique faite d’injonctions paradoxales infinies, d’en-même temps qui donnent raison à ceux qui pensent, comme la une de l’hebdo Le Point [notre photo], que la France n’a pas besoin d’un anesthésiste à sa tête, mais du capitaine d’une équipe remontée à bloc et qui a plusieurs tours de retard sur ses concurrents à rattraper ! Michel Taube