Edito
11H29 - mercredi 6 novembre 2019

Faut-il armer toutes les polices municipales ? L’édito de Michel Taube

 

Benjamin Griveaux souhaite « une vraie police municipale armée » à Paris. N’est-ce pas une solution aux violences urbaines dans tous les quartiers de France ?

Les violences urbaines et suburbaines gangrènent notre pays et font craindre à certains une guerre civile larvée. La semaine dernière, Béziers et Chanteloup-Les-Vignes étaient sous les feux de l’actualité. Candidat macroniste à la Marie de Paris, Benjamin Griveaux veut que Paris soit quadrillée par 5000 policiers municipaux munis d’armes de poing et de caméras-piétons. La candidate LR, Rachida Dati, est sur la même voie, à l’instar d’un nombre croissant de communes de France. Ne faudrai-il pas des commissariats municipaux de quartiers ?

 

La suppression de la police de proximité a coupé les forces d’autorité d’un lien direct et constant avec les habitants des quartiers. L’aggravation de la violence par des jeunes de plus en plus désocialisés et la demande de reconquête des territoires par les autorités ne passerait-elle pas par une montée en puissance des maires. Dépositaires de l’ordre public, les maires, mieux que les préfets, ne devraient-ils pas prendre à bras le corps la gestion de ces violences urbaines ?

À Paris, Anne Hidalgo a promis à une population excédée par l’insécurité la mise en place dès 2020 d’une police municipale non armée. Pourtant, la municipalité se targue d’avoir plus que triplé, entre 2014 et 2018, les « effectifs dédiés à la sécurité des Parisiens » et multiplié par sept les amendes pour dépôt d’ordures, affichage sauvage et autres jets de mégots. Etrange amalgame entre sécurité et propreté…

Dans toute la France, l’armement de la police municipale se développe déjà. Selon la Gazette des Communes, « plus de la moitié des 22 000 policiers municipaux seraient aujourd’hui équipés d’une arme à feu, contre 37 % en 2014 », une situation qui tendrait à se généraliser. Leur bilan est pourtant mitigé. À Marseille, la police municipale, par plus que la police nationale, n’a empêché les règlements de comptes sanglants ni perturbé le trafic de stupéfiants, notamment dans les quartiers nord.

En général, la police municipale tend à rassurer la population par sa seule présence, et à déranger la délinquance, comme le faisait naguère la police de proximité maladroitement supprimée par Nicolas Sarkozy, au motif que la mission de la police n’est pas de faire du social, mais du maintien de l’ordre. Parfois, la police municipale sert à pallier aux baisses d’effectifs de la police nationale, circonstances dans lesquelles elle doit évidemment être armée.

Pour les citoyens, l’important n’est pas de savoir qui paye la police, mais qu’elle soit présente et efficace. Dans les banlieues, notamment parisiennes, la fermeture de nombreux commissariats a livré des quartiers entiers aux bandes et aux dealers, souvent mineurs et manipulés (avec leur consentement intéressé) par des organisations mafieuses ou des prédicateurs islamistes, ces deux qualités n’étant pas incompatibles. Les exactions de Chanteloup-les-Vignes auraient-elles été évitées par une présence policière, éventuellement municipale et armée ?

Allons plus loin : faut-il des commissariats municipaux de quartier ?

 

Certes, le but de ces bandes est d’attirer la police (actuellement nationale et donc armée) dans un guet-apens, sachant que contrairement à ce qui est la règle hors des démocraties ou aux États-Unis, les policiers ne feront pas usage de leur arme à feu. Mais il n’y aurait pas matière à guet-apens si la police (par exemple municipale) patrouillait en permanence et était au contact quotidien des habitants.

À droite, certains réclament à nouveau une politique de tolérance zéro, en prenant toujours comme exemple celle de l’ancien maire de New York Rudolph Giuliani, aujourd’hui au service de Donald Trump. Même en faisant l’impasse sur les dimensions sociale, éducative et préventive du traitement de la délinquance et de la politique de la ville, au bénéfice d’une approche purement répressive, la dimension du problème est si considérable que les moyens à mettre en œuvre font et feront encore longtemps défaut. Mettre sous les verrous tous les trafiquants (et en centre éducatif fermé les mineurs délinquants), sanctionner pénalement les millions de consommateurs, qui ne sont pas que les jeunes des cités, et plus généralement, réprimer toutes les formes de délinquance, y compris les fraudes fiscale et sociale, impliquerait un arsenal policier et judiciaire sans commune mesure avec l’existant.

Le Premier ministre Édouard Philippe a qualifié d’imbéciles et d’irresponsables les incendiaires de Chanteloup-les-Vignes, alors que l’article 322-6 du Code pénal considère ces faits comme un crime passible de dix ans d’emprisonnement (généralement la moitié au plus pour les mineurs). Mais Édouard Philippe est lucide et pragmatique : très peu de ces individus (les plus malchanceux ou imprudents) seront effectivement présentés à un juge. Plus rares encore seront ceux qui seront condamnés à une peine d’emprisonnement ou dont la peine sera exécutée, que la cause en soit la mansuétude des juges ou la suroccupation des prisons. Mais puisque la prison transforme les délinquants en criminels ou en djihadistes, peut-être faut-il se réjouir de cette impunité ?!

A cette police de proximité, il faudrait aussi adjoindre, effectivement, dans chaque quartier, des guichets de recrutement de Pôle Emploi et du Service national universel car les jeunes ont besoin d’une réponse en termes de boulot et d’activité.

Pour l’heure, on ne pourra éternellement faire l’impasse sur la vacuité de la justice qui ne joue plus son rôle dissuasif, ni sur l’inefficacité du traitement des problèmes de drogue et d’islamisation radicale. En attendant, sans occulter la dimension sociale et les causes de la délinquance, l’idée de remettre la police au cœur de la cité semble bien répondre aux exigences de la population.

 

Michel Taube

Directeur de la publication

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