Edito
17H31 - lundi 14 octobre 2019

Euro 2020 : l’équipe de France de foot jouera-t-elle ce soir contre l’armée turque ? L’édito de Michel Taube

 

Le sport se veut une bulle hermétique aux affres de la politique internationale. La Turquie, son armée et même son équipe de football (avec les encouragements de ses fervents supporters) sont en train de prouver le contraire.

Cette bulle n’a-t-elle jamais été qu’une fiction destinée à protéger les juteux revenus des organisations sportives internationales, UEFA et FIFA en tête ? Au royaume du foot-fric, le sort des populations est quantité négligeable, aujourd’hui comme hier. En France, les appels à l’annulation du match se font entendre. Ils resteront vains.

Dans le cadre des éliminatoires de l’Euro 2020, la France accueille la Turquie ce soir, au Stade de France. Elle ne joue à domicile que sur le papier, car outre les 3400 supporters venus de Turquie, on estime qu’au moins un tiers des spectateurs, d’une ferveur légendaire, seront acquis à la cause de la Turquie. Mais de quelle Turquie s’agit-il ? De l’équipe de football ou également de l’armée turque, entrée en Syrie afin d’y déloger les Kurdes, avec une brutalité aveugle au sort des civils et sourde aux protestations de la « communauté internationale », de l’Europe en tout cas ?

À l’issue de leur victoire étriquée contre l’Albanie, le 11 octobre, plusieurs joueurs turcs se sont illustrés par un salut militaire. Les footballeurs français vont-ils affronter une équipe de football ou des soldats de l’armée turque en culotte courte ? Est-ce l’équipe sportive ou l’armée turque qui sera acclamée par le public ? Les Turcs de France, ou Français d’origine turque, se comporteront-ils comme les supporters venus de Turquie, ceux qui lors du match allé avaient copieusement sifflé la Marseillaise et hué l’équipe de France dans des proportions qui dépassaient largement le légitime soutien à son équipe ?

De Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, en passant par Nicolas Dupont-Aignan ou  Éric Ciotti ou Jean-Christophe Lagarde, les demandes d’annulation du match se multiplient. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui devait y assister, a renoncé à se rendre au Stade de France. Mais il ne faut pas s’attendre à un retrait venant de la Fédération française de football, car cela aurait pour effet de déclarer la Turquie victorieuse, voire d’exclure la France de la suite de la compétition. Au-delà de la question sportive, une telle initiative ferait le bonheur de Erdoğan et de ses troupes, qu’elles soient sur un champ de bataille ou dans un stade.

En revanche, on peut regretter que l’UEFA, organisatrice de la compétition, n’ait pas mis l’équipe turque en demeure de cesser toute manifestation politique sur le terrain, et notamment de soutenir ostensiblement son armée. Comme l’a fort justement souligné Jean-Luc Mélenchon, « si les footballeurs turcs font des saluts militaires, ils doivent s’attendre à être traités comme les militaires d’une armée ennemie. On ne joue donc pas au foot contre eux. La base de l’esprit sportif n’est plus là ! »

Il eut été plus pertinent que l’Uefa sanctionnât les joueurs turcs qui ont fait de la politique en faisant le signe militaire contre l’Albanie voire l’équipe elle même.

L’ambassadeur de Turquie a appelé les supporters turcs à la retenue. La fameuse bulle sportive, encore, doit être préservée. L’hypocrise que nous avions déjà dénoncée aux premières heures de l’opération militaire turque est décidément une « qualité » fort bien partagée. Aucune initiative diplomatique ne conduira la Turquie à renoncer à son agression, et si sanctions il devait y avoir, elles n’interviendraient qu’une fois l’offensive déjà bien avancée, sans véritable espoir de voir l’armée turque quitter la Syrie. Il semble donc urgent de gesticuler, tout en sous-pesant les contenus des deux plateaux de la balance : d’un côté, des milliers de djihadistes qui pourraient revenir vers l’Europe (plusieurs centaines sont déjà en liberté). De l’autre, trois à quatre millions de réfugiés que le calife d’Ankara menace de nous envoyer.

En l’absence des Américains dû à leur retrait, seule l’intervention d’avions européens pour créer une zone d’exclusion aérienne permettrait de freiner l’invasion turque.

L’Europe pourrait lui proposer une autre équation, dès ce soir : l’exclusion sine die de la Turquie de l’Euro 2020 sur le fondement du comportement de ses joueurs lors du match contre l’Albanie, avant que l’Union européenne ne suspende tous ses échanges économiques avec ce pays. Impossible ? On ne peut se permettre un afflux de migrants ? L’UEFA ne peut se passer de la manne financière de l’Euro ? Dont acte. Mais alors de grâce, cessez de faire semblant de pleurer sur le sort des Kurdes ! En attendant, on ne parvient même pas à se réjouir du match de ce soir, tout en souhaitant que nos joueurs français infligent une défaite cinglante à ces petits soldats Turcs. Pour le symbole surtout !

 

Michel Taube

Directeur de la publication

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