Edito
12H53 - mercredi 9 octobre 2019

Hadama Traoré et sa manif interdite : le piège qui peut enflammer les banlieues. L’édito de Michel Taube

 

Lorsque fut annoncée sur les réseaux sociaux l’organisation à Gonesse (Val-d’Oise) d’une manifestation à la mémoire (et à la gloire ?) de Mickaël Harpon, l’islamiste ayant sauvagement assassiné quatre fonctionnaires de la préfecture de Police de Paris, le 3 octobre, on voulait croire à une fake news. Il n’en était rien. Hadama Traoré (« candidat des banlieues » aux dernières élections européennes, – sa liste « Démocratie représentative » avait atteint 0,02% -, il se présentait comme « le porte-voix de la minorité silencieuse » d’Aulnay-sous-Bois et d’ailleurs) a bien lancé cet appel sur sa page Facebook, ajoutant sur une vidéo : « On a le bras long !  Toutes les communautés persécutées, on va faire la guerre ensemble, aux politiques et aux médias. Et on commence ce jeudi… J’ai la haine. La personne qui ose dire que Mickaël Harpon est un terroriste animé de revendications religieuses, je lui traite sa mère et je lui crache à la gueule… » Il déclara ensuite au Figaro que Mickaël Harpon « était discriminé parce qu’il était sourd. Ce contexte explique pourquoi il a craqué. Tous les faits que (les médias) donnent pour justifier son côté extrémiste auraient pu concerner les dix millions de Français de confession musulmane.»

Sous la pression publique, c’est le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, qui annonce par Twitter, au matin du 9 octobre, l’interdiction de la manifestation prévue demain. La veille, le Président de la République Emmanuel Macron avait à nouveau déclaré la guerre au terrorisme et à l’islam radical, appelant à la vigilance de tous les Français. Une aubaine pour Hadama Traoré et les leaders de l’islam politique et identitaire, qui veulent y voire la stigmatisation de tous les musulmans. 

 

L’initiative d’organiser une manifestation de soutien à Mickaël Harpon est une provocation dont la formulation s’apparente à un appel à la révolte de tous les musulmans contre la République. C’est aussi une insulte aux victimes et à leur famille, aux policiers qui protègent les Français de toutes confessions et origines contre le terrorisme dont Hadama Traoré chante factuellement la gloire, même s’il prend la précaution oratoire de condamner le crime, s’agissant d’une vidéo diffusée publiquement. Le ton n’en est pas moins vindicatif et menaçant. C’est aussi une insulte aux Français de confession musulmane qui veulent vivre en paix.

L’homme semble mégalomane, mais il n’en est pas moins dangereux. Hadama Traoré, qu’il ne faut pas confondre avec Adama Traoré, décédé le 19 juillet 2016 après son interpellation à Beaumont-sur-Oise, a néanmoins largement nourri son militantisme de ce fait tragique. 

Le 15 février 2018, Hadama Traoré n’avait-pas déclaré devant le siège du syndicat policier Alliance, et selon plusieurs sources (France 3, Le Figaro, les Inrock) : « Les policiers, ils nous tuent, ils nous violent, ils nous frappent ! Qui nous protège ? » Ces mots prononcés  au mois de février (2018) avaient profondément choqué et résonnent aujourd’hui avec fureur !

Haine des flics, haine des blancs, défense de l’islam radical, Hadama Traoré se veut leader des banlieues, roi des cités, guide des musulmans qui seraient tous honnis dans ce pays où ils ne pourraient exercer librement leur culte, alors qu’aucun pays dont l’islam est la religion officielle ne leur accorde pareille liberté.

Dans les cités dont la population est souvent majoritairement musulmane, les influenceurs de tous bords, imams à tendance salafiste ou frériste, fondateurs d’associations communautaristes ou identitaires, politiciens autoproclamés comme Hadama Traoré, cultivent méthodiquement la victimisation, entretiennent la haine de l’autre, le blanc, le juif, le croisé, le flic, encouragent la scission de la République pour mieux pouvoir crier à la discrimination.

 

Un défi vital pour la France

L’islam met la France devant une épreuve inédite : jamais les immigrés de la seconde voire troisième génération, nés en France et de nationalité française, n’ont été moins Français de cœur et de valeurs que ceux de la première génération. Italiens, Espagnols, Portugais, Chinois, Vietnamiens, eux aussi ont été discriminés et auraient pu invoquer l’excuse sociale pour se révolter. Mais ils ont travaillé, se sont intégrés, se sont assimilés. L’assimilation ne signifie pas, comme le pensent Marine Le Pen ou Éric Zemmour, qu’il faut s’appeler Louis ou Nathalie, écouter Johnny et manger du cassoulet, mais s’assimiler veut dire faire siennes les valeurs de la République, qui sont peu ou prou celles de toutes les démocraties sécularisées. 

Les immigrés d’Afrique subsaharienne et du Maghreb partageaient cette même aspiration, et selon les enquêtes de l’Institut Montaigne, continuent majoritairement (même s’il ne s’agit plus d’une « immense » majorité) à la partager. Le fait qu’il ressort de ces mêmes enquêtes que les jeunes musulmans sont de plus en plus nombreux à s’éloigner des valeurs républicaines est un drame et un échec implacable pour notre méthode d’intégration (l’ascenseur social est en panne et on le paye très cher !), tant sur le plan éducatif que sur celui de la prévention de la radicalisation.

À cet égard, un fait, véritable affaire dans l’affaire, en donne une embarrassante illustration : Mickaël Harpon fréquentait une mosquée où sévit notamment un imam fiché S, sous le coup d’un arrêté d’expulsion, mais qui fut régularisé par mariage, avec pour effet le renouvellement de son titre de séjour. Protéger les musulmans de France, les jeunes en particulier, de ces prêcheurs de haine, c’est aussi protéger la République et ses valeurs.

L’assassinat au couteau des quatre fonctionnaires, dont la nature islamiste ne fait pas l’objet du moindre doute, les propos du chef de l’État, l’appel de Traoré, qui ne porte pas seulement sur une manifestation tardivement interdite, sont autant de signes d’une possible explosion des banlieues, plus identitaire que sociale, dont l’islamisme est le fondement idéologique et la victimisation le prétexte. Elle serait aussi un cinglant désaveu pour toute une classe politique, qui depuis plusieurs décennies a privilégié la méthode du « pas de vague », quand elle ne s’apparentait pas à du clientélisme électoral, de la lâcheté ou de la compromission.

Une lueur d’espoir en guise de conclusion (très provisoire) : le Président du CFCM s’est dit outré par l’initiative de Hadama Traoré, du moins en ce qui concerne l’appel à manifester. Il demande aux musulmans de ne pas y participer. Mais qui l’écoute ?

Il est grand temps que, au risque de sortir de leur quiétude et de renforcer leur inquiétude, des jeunes leaders issus de la diversité, de confession musulmane et citoyens français, laïcs autant que croyants, responsables du devenir de la nouvelle beurgeoisie, se regroupent et expriment haut et fort une parole moderne de l’Islam de France. Contre les Traoré qui ne veulent que mettre le feu aux poudres.

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

Directeur de la publication