Edito
12H06 - mardi 27 août 2019

G7 de Biarritz : le triomphe de la France médiatrice. L’édito de Michel Taube

 

Photo de famille des participants au sommet du G7, le 25 août 2019 à Biarritz – AFP / Nicholas Kamm

 

Biarritz devait être LE grand rendez-vous international du quinquennat Macron ! Pari réussi !

Nul ne doute qu’un G7 est avant tout un show à la gloire de son organisateur. La France, prise en la personne de son président Emmanuel Macron, se devait d’assurer le spectacle. Quoi de mieux qu’un mélodrame avec un happy end ? En termes diplomatiques, commençons donc par une bonne dose de consensus et d’entente cordiale. Mais sans excès, car un sommet sans surprise ni rebondissement eut été d’un profond ennui. Il fallait tenir les médias en haleine, alimenter le flux continu des chaînes d’information, ménager le suspense…

Les chaînes étrangères comme BBC news ou Al Jazeera ont accordé une place importante au G7, mais sans plus. Sur CNN, il est un sujet parmi d’autres. D’ailleurs, un journaliste français soulignait que ses confrères américains présents à Biarritz regardaient un match de baseball, alors que lui n’avait à l’esprit que la teneur des échanges entre Macron et Trump, Macron et Johnson, Macron et Merkel, Macron et Mohammad Javad Zarif, ministre iranien des Affaires étrangères…

Ministre iranien ? La voilà, la seconde surprise du G7, la première ayant été la saillie présidentielle à l’encontre du président brésilien Jair Messias Bolsonaro, accusé de mensonge, de crime écologique pour laisser brûler la forêt amazonienne, voire pour attiser les braises d’une maison commune qui brûle sous nos yeux impuissants. La priorité est désormais à ce que les présidents Macron et Bolsonaro dépassent leur guéguerre car seule une alliance autour du Brésil permettra de sauver l’Amazonie. Ce sera un des enjeux de l’AG de l’ONU à New York et de la COP 25 au Chili en novembre.

Accueillir, certes en marge, un dignitaire du régime des ayatollahs en plein G7 (pour le club des puissances libérales, cela faisait quand même étrange…), au nez et à la barbe d’un Donald Trump encore tenté, il n’y a pas si longtemps, d’engager les hostilités avec l’Iran, voilà qui avait de la gueule ! Trump s’en est-il étouffé avec son hamburger ? Mais non. Il n’a pas bronché, si ce n’est pour rappeler que son homologue français n’a aucun mandat pour agir au nom des États-Unis, et qu’il n’est pas le seul à discuter avec l’Iran, citant le Premier ministre japonais Shinzō Abe.

Mohammad Javad Zarif a repris son avion pour Téhéran, sans que rien n’ait véritablement avancé. L’initiative française aurait pu être interprétée comme un mauvais coup de com’ si elle n’avait révélé une facette peut-être plus conciliante du locataire de la Maison blanche, voire une inflexion que pourrait prendre son éventuel second mandat. Donald Trump est capable de tout, y compris de spectaculaires renversements d’alliances. À deux mois des élections présidentielles américaines, il accueillera en 2020 le prochain G7 à Miami dans l’un de ses golfs. Bien que la politique internationale ne soit pas la préoccupation première des électeurs, américains comme français, il voudra en faire un show à sa grandeur. Humilier Emmanuel Macron à Biarritz aurait pu lui valoir un retour de manivelle l’an prochain. Autant éviter.

Le G7 n’est pas seulement un spectacle. Il est aussi un forum d’échanges plus bilatéraux que multilatéraux, indispensable à une meilleure gestion des affaires communes, en particulier l’urgence climatique. Nous annoncions un G7 du multi-bilatéralisme… Il a bien eu lieu ! Mais force est de reconnaître que les désaccords sont nombreux et que la nouvelle idylle entre Donald Trump et Boris Johnson, sur fond d’un large accord de libre-échange, conforte les partisans du Brexit et pourrait donner des idées à d’autres dirigeants européens. L’Europe se retrouve d’ailleurs fragilisée par la déclaration d’Emmanuel Macron annonçant qu’il ne signerait pas l’accord du Mercosur sans une inflexion écologique des pays sud-américains, intention qui est loin de faire l’unanimité à Berlin notamment.

Le Chef de l’État français peut donc se réjouir d’un G7 réussi.

Sur le plan intérieur tout d’abord… La sécurité intérieure ayant été magistralement maintenue par un dispositif dirigé par le ministre Castaner et le préfet Eric Spitz d’un côté et des contre-G7istes en nombre mais pacifiques de l’autre. Bravo les artistes !

Mais le G7 est surtout un succès international. Emmanuel Macron évoque la Libye, l’Iran, malgré les désaccords qui subsistent, le climat ou encore le commerce international. Même la crise de Hong Kong a été citée dans la page finale approuvée par les 7 grands de ce monde (notre Appel aurait-il été entendu ?). Il se réjouit aussi du recul de la menace de taxation du vin français grâce à une avancée sur le dossier de la taxation des géants du numérique, GAFA en tête, avancée pilotée par Bruno Le Maire dans sa villa secondaire du pays basque. Ce sera un des succès concrets du G7, même si l’on n’en est qu’aux déclarations d’intentions. Renaud Muselier et les vignerons français sont rassurés.

Emmanuel Macron avait reçu Vladimir Poutine cinq jours avant le sommet. Puis Donald Trump déclara qu’il ne s’opposerait pas à un retour de la Russie dans ce qui redeviendrait le G8. Peut-être va-t-il l’inviter à Miami l’an prochain.  Le lien de causalité entre ces faits reste à établir, mais en termes de communication, c’est encore un bon point au crédit d’Emmanuel Macron.

Nous regretterons tout de même que les inégalités, notamment les enjeux d’égalité femmes – hommes, aient été largement occultées par les conflits du moment.

Mais au final, la politique procédant beaucoup de l’image, celles affichées par la France, le pays basque et Biarritz, et son président sortent flatteuses : la France n’est certes pas une grande puissance, mais elle a l’oreille des dirigeants de la planète, grands ou moins grands. Elle est une voix qui compte. Elle discute avec tout le monde. Elle est une puissance médiatrice. 

Un G7 devenu G24 avec des chefs d’Etats du monde entier pour mettre davantage la France au centre du monde… Le temps d’un week-end.

Le phare de Biarritz comme symbole de cette France qui guide le monde… Belle photo de famille.

Et en guise de happy end et de twit final, un Donald Trump qui poste une vidéo hollywoodienne à la gloire de la France.

 

Michel Taube

 

Directeur de la publication