International
07H38 - vendredi 26 avril 2019

Aux jeunes décrocheurs, l’EPIDE offre une chance unique de prendre leur avenir en main.

 

La visite de Patrick Toulmet, délégué interministériel à l’apprentissage dans les quartiers prioritaires, à l’EPIDE de Bretigny-sur-Orge (91), le 24 avril 2019, fut l’occasion de découvrir un dispositif étonnant et pourtant presque confidentiel, au bénéfice des jeunes « décrocheurs ». L’EPIDE leur offre une chance unique de prendre leur avenir en main.

Le développement de l’apprentissage et l’insertion sociale des jeunes décrocheurs sont au cœur de l’action de Patrick Toulmet. Il les qualifie « d’invisibles » parce qu’ils sont déscolarisés et ne s’adressent plus aux institutions publiques. Pourtant, les considérer comme définitivement perdus serait une erreur irréparable et une faute morale, d’autant plus évitable que des solutions existent, qu’elles sont efficaces et qu’elles gagneraient à être mieux connues.

Opinion Internationale a suivi ce décideur engagé dans sa visite de l’EPIDE (Établissement pour l’insertion dans l’emploi) de Bretigny-sur-Orge (91), pour y rencontrer ses personnels, découvrir les moyens mis en œuvre et surtout, dialoguer avec ces jeunes qui, loin de refuser un cadre et une discipline, comprennent l’importance et la sincérité de la main qui leur est tendue, et la chance, peut-être ultime, d’échapper à ce que d’aucuns considèrent comme un destin funeste.

L’EPIDE est un formidable paradoxe. Rares sont ceux qui connaissent ce dispositif, en particulier les jeunes « décrocheurs » auxquels il se destine, alors qu’ils devraient se bousculer pour en bénéficier. L’EPIDE se décline en dix-neuf centres sur l’ensemble du territoire national, chacun avec ses spécificités, mais avec un objectif commun : permettre aux jeunes que la société semble avoir abandonnés, même s’ils en partagent parfois la responsabilité, une opportunité unique d’emprunter l’ascenseur social, ou plus prosaïquement, d’accéder à l’emploi, condition sine qua non de l’insertion sociale. Et inversement !

Car pour accéder au marché du travail, graal de ladite insertion, encore faut-il posséder certains codes qui relèvent du domaine comportemental. Pour être respecté (de son patron par exemple), il faut le respecter, accepter la hiérarchie et la sanction, se plier à une discipline, à commencer par celle des horaires, savoir s’exprimer, plus généralement, se comporter en société. Le respect des valeurs fondamentales de la République, telles que la laïcité ou l’égalité des femmes et des hommes, participe au processus de resocialisation. Mais parce qu’on ne respecte pas celui qui se laisse humilier, ces jeunes doivent aussi connaître et faire valoir leurs droits, en particulier celui de ne pas être discriminés du fait de leurs origines sociales, géographiques, et bien entendu culturelles ou religieuses. La dignité, la confiance et l’estime de soi, la citoyenneté, sont précisément ce que l’EPIDE apporte à ces jeunes, tous volontaires et âgés de 18 à 25 ans, avant de leur permettre d’accéder au monde du travail, grâce à un service de relations entreprises et un excellent réseau de partenaires.

La méthode de l’EPIDE peut surprendre et parfois faire hésiter quelques candidats potentiels : d’une vie d’errance, sans horaires, sans encadrement (les parents sont souvent défaillants), souvent ponctuée d’addictions et parfois de délinquance, les volontaires se retrouvent durant huit mois en internat d’inspiration militaire : uniforme, rassemblement dans la cour, garde-à-vous, interdiction de quitter le centre, mais aussi d’y demeurer le week-end, car on ne peut bénéficier du dispositif EPIDE si l’on est sans domicile fixe. Nous avons pu avoir de nombreux échanges avec les jeunes. Tous avouaient qui si un temps d’adaptation était nécessaire, ils ne pouvaient que louer ce cadre qui leur faisait tant défaut, ce dont ils prennent ici pleinement conscience.

Le résultat est spectaculaire : 57 % des jeunes sortant du dispositif entrent dans une formation qualifiante ou un emploi, chiffre montant à 63 % s’agissant des anciens volontaires interrogés. Selon la Cour des comptes, chaque jeune qui en bénéficie coûte 24.000 € à la collectivité, un investissement modique au regard de l’efficacité de la méthode et du coût de la désocialisation durable, voire irréversible, d’un décrocheur. Le coût humain, lui, n’est pas quantifiable, mais quand bien même n’aurait-on qu’une approche budgétaire, l’EPIDE est à long terme un investissement rentable.

Pourtant, tout n’est pas parfait. Ce n’est pas le dispositif qui est en cause, bien au contraire, mais sa méconnaissance. Il est inconcevable que les centres EPIDE n’affichent pas complet. Même étonnement pour les CFA (centre de formation d’apprentis) dans un pays qui distribue généreusement un bac sous-évalué, et qui parallèlement souffre d’un chômage endémique. S’y ajoute un foisonnement assez nébuleux de dispositifs ou d’offres associatives pas toujours crédibles. Le réseau EPIDE, celui des Ecoles de la 2ème Chance (E2C), et toutes les structures publiques ou associatives œuvrant pour ce qui devrait être une grande cause nationale, mériteraient au moins un guichet unique et de meilleurs relais pour être utilisés à pleine capacité. Les principaux prescripteurs de l’EPIDE sont aujourd’hui les Missions locales, dans lesquelles les jeunes décrocheurs ne se rendent que rarement, et les associations. Élargir le champ des prescripteurs n’est pas tâche facile, mais le jeu en vaut largement la chandelle.

Une autre difficulté, certes moindre, tient au véritable culte que trop de professionnels vouent au secret professionnel, au point d’entraver la nécessaire coopération entre les acteurs de l’insertion sociale. Ce n’est pas parce qu’un jeune est passé par le service de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ou même la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) qu’il doit être définitivement catalogué comme asocial ou délinquant. Mais en refusant de communiquer des informations sur son parcours à l’EPIDE, ces institutions ne lui rendent qu’un mauvais service. Doit-on seulement rappeler que le secret professionnel a été instauré pour protéger le citoyen et qu’à ce jour aucun travailleur social n’a été condamné pour sa violation. Comme en matière de protection des données personnelles et de partage d’informations en secteur sanitaire, l’accord de l’intéressé devrait permettre une meilleure coopération entre les institutions, à son seul bénéfice.

Parfaitement consciente de l’importance et de l’immensité de la tâche, Brigitte Macron vient de décider de reprendre l’enseignement du français et de la littérature, cette fois à de jeunes adultes sans diplôme, au sein d’un nouvel établissement de Clichy-sous-Bois qui ouvrira ses portes en septembre prochain, et dont elle présidera le comité pédagogique. Puisse cet engagement être révélateur d’une large prise de conscience de l’impérieuse nécessité d’intégrer ou de réintégrer dans la société tous les jeunes, en particulier ceux des quartiers défavorisés, sous peine de s’exposer à des lendemains qui déchantent.

 

Raymond Taube

Fondateur et directeur de l’IDP (Institut de Droit Pratique), rédacteur en chef d’Opinion Internationale

Directeur de l'IDP - Institut de Droit Pratique

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