Afriques demain
23H30 - jeudi 11 avril 2019

Bénin : Patrice Talon persiste et signe. L’édito international de Michel Taube

 

Les Béninois étaient scotchés à leur poste de télévision hier soir devant l’ORTB, la chaîne publique nationale. Face à deux journalistes, le président de la République Patrice Talon s’est expliqué. Les élections législatives auront bien lieu dimanche 28 avril sans les partis d’opposition. Le chef de l’Etat signe son « crime » politique en s’apprêtant à confisquer définitivement la démocratie et l’Etat de droit.

Depuis dix jours, des signes contradictoires s’amoncellent pourtant : côté face, à Arusha, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples vient de condamner lourdement le Bénin de Talon pour avoir bafoué les droits de Sébastien Ajavon, homme d’affaires et opposant politique réfugié en France.

A Paris, tandis que la diaspora s’organise, le député de La République En Marche, Jean-François Mbaye, proche d’Emmanuel Macron, recevait mardi 9 avril une délégation de Béninois à l’Assemblée Nationale française.

A Cotonou, les forces vives de la nation commencent à sortir de leur silence et à exiger du président le retour à l’ordre constitutionnel. Hier matin, Boni Yayi, précédent Président de la République, recevait une délégation de la Francophonie et lui a réaffirmé l’attachement des Béninois à la démocratie [notre photo].

Le Père Efoé-Julien Penoukoun, Ancien Aumônier national des cadres et personnalités politiques, les politistes Frédéric Joël Aïvoet Prudent Victor Topanou, ancien ministre de la Justice, Omar Arouna, Ancien Ambassadeur du Bénin près les Etats-Unis, le Mexique et Représentant du Bénin près la Banque Mondiale et le FMI, Reckya Madougou, elle-même Ancien Garde des Sceaux, Sylvain Adékpedjou Akindès, Ancien Ministre, et Simon Narcisse Tomety viennent de lancer un appel vibrant au chef de l’Etat : « préservons l’essentiel ». De son côté, l’Union Sociale Libérale (USL) vient de dénoncer des arrestations arbitraires dans ses rangs. Célestine Zanou, femme politique, exhortait hier le président Talon à respecter le peuple. 

Côté pile, depuis une semaine, des chars circulent dans la capitale et dans le Zou, une région au centre du Bénin. Pire, des arrestations de femmes politiques se sont multipliées, notamment Thérèse Waounwa, icône de l’histoire récente du pays, Françoise Sossou Holonou, enfin Myriam Soglo, la belle-fille de Nicéphore Dieudonné Soglo, l’ancien président de la République, interpellée à l’aéroport d’Orly en France. Bref les arrestations arbitraires d’opposants politiques se multiplient.

Bref, Patrice Talon a confirmé hier soir ses intentions, en les enrobant dans un prétendu respect de l’ordre constitutionnel l’empêchant seul de revenir sur de nouvelles lois électorales qu’il avait lui-même fait passer. Sous couvert de modernité, Patrice Talon confirme donc son intention d’écarter ses opposants de la vie politique. Les élections législatives auront bien lieu dans quinze jours sans l’opposition. De quoi assurer 100% de députés taloniens dans la prochaine législature.

Que va faire désormais le peuple béninois ?

Peut-être que la déposition aujourd’hui d’Omar el-Bechir par l’armée du Soudan, fait d’une importance capitale et dont il faut saluer le courage du peuple soudanais qui défilait depuis une semaine devant l’état-major à Khartoum, va peut-être donner des idées et du courage au peuple béninois !

Et pourquoi pas des idées à une armée et à une police connues au Bénin pour leur républicanisme (à part quelques faucons qui ont l’oreille du président Talon) !

 

Michel Taube

Directeur de la publication