Afriques demain
12H56 - mercredi 28 décembre 2022

Burkina Faso, l’inefficacité de la Cedao. La chronique d’Eric Bazin

 

Après le Mali et la Guinée, l’organisation ouest-africaine de la Cedao n’a pas fait mieux dans le cas du Burkina Faso. Un premier putsch s’y déroule le 23 janvier 2022, organisé par un Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR). Le président élu, Roch Marc Christian Kaboré, est déposé. Lui succède Paul-Henri Sandaogo Damiba. Ce lieutenant-colonel est peu original dans ses premières mesures : il impose la fermeture des frontières, un couvre-feu sur l’ensemble du territoire, la dissolution du gouvernement, de l’Assemblée Nationale et la suspension de la Constitution. Le leader du MPSR s’engage à « proposer dans un délai raisonnable (…) un calendrier de retour à un ordre constitutionnel, accepté de tous ».

La Cedeao ne fait guère mieux.

Par un copier/coller de ses précédents faits d’armes, elle suspend, le 28 janvier 2022, le Burkina Faso de l’organisation, à l’issue d’un sommet virtuel, demande la libération du président renversé et décide de l’envoi d’une mission à Ouagadougou. Le 3 février, le sommet extraordinaire d’Accra note « la dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire au Burkina Faso, requérant un retour rapide à l’ordre constitutionnel pour trouver des solutions efficaces à ces problèmes ». La Conférence « appelle l’autorité militaire à mettre en place les organes de la transition, à adopter un calendrier électoral et favoriser le retour à l’ordre constitutionnel le plus rapidement ».

Pour faire court, celle-ci n’ira pas à son terme. Le 30 septembre dernier, un coup d’Etat dans le coup d’Etat se déroule à Ouagadougou. Le capitaine Ibrahim Traoré prend la direction du MPSR. Son prédécesseur aurait trahi les idéaux originels et voulu profiter du pouvoir au lieu d’assurer la sécurité du pays face aux violences terroristes.

Le 2 octobre 2022, la Cedeao condamne, sans surprise, la prise du pouvoir par la force, appelle les forces de défense et de sécurité « à éviter l’escalade de violence et au renforcement de la protection des civils », et réaffirme son attachement au chronogramme qui prévoit le retour à l’ordre constitutionnel au plus tard le 1er juillet 2024. C’est l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou qui mène une mission de l’organisation à Ouagadougou, le 4 octobre 2022. « Je suis totalement satisfait de l’entretien que j’ai eu avec le capitaine. Nous repartons confiants », déclare-t-il, malgré des manifestations hostiles à sa venue, assurant que la Cedeao va « continuer à accompagner le peuple burkinabè dans cette épreuve très difficile qu’il traverse ».

Le nouveau président du Faso – investi le 21 octobre 2022, à 34 ans, il est le plus jeune chef d’Etat de la planète – a le soutien de la rue burkinabè grâce notamment à ses référents sankaristes, promet à son tour de ne pas s’attarder au pouvoir. Son mandat de la « charte de la transition » prendra fin « avec l’investiture du président issue de l’élection présidentielle » prévue en… 2024 !

Dans ces trois exemples – Burkina Faso, Guinée et Mali – la Cedeao est incapable de peser sur la situation politique de ses Etats membres. Au-delà de déclarations de principes, sa méthode semble consister à envoyer des missions d’experts composées de ministres et d’anciens chefs d’Etat. Puis, à l’occasion de sommets ordinaires ou extraordinaires, les membres de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’organisation « prennent note du rapport de mission de haut niveau », « saluent la qualité des rapports soumis ainsi que la pertinence des recommandations qui y sont soutenues », condamnent « fermement », annoncent des sanctions… et décident de rester saisis de la question.

Après quelques mois de médiation, entre communiqués qui se complaisent dans le satisfecit, avec un art de l’autocongratulation peu commun aux autres institutions internationales, de missions en sommets, la Cedeao accepte les propositions imposées par les putschistes, remettant à plus tard le retour à l’ordre constitutionnel.

 

Eric Bazin

Chroniqueur Afriques demain d’Opinion Internationale