International
12H01 - mercredi 20 mars 2019

Comment Christchurch vient d’entrer dans la constellation destructrice du terrorisme international d’extrême-droite par Maxime Fiset et Sébastien Boussois

 

L’attentat qui vient de frapper la Nouvelle-Zélande, un pays jusque-là épargné, et par sa distance des grands enjeux géostratégiques et du Moyen-Orient, et par sa faible proportion de Musulmans qui à ce jour ne constituaient pas une cible de « choix », a déjà marqué un tournant dans le terrorisme des groupuscules d’extrême droite qui n’a aujourd’hui qu’une obsession : imiter les précédents attentats en se référant notamment à l’idéologie de Anders Breivik et sa tuerie en Norvège ou Alexandre Bissonnette et sa cible de l’époque, la mosquée de Québec. Brendon Tarrent, lui, aurait tout méticuleusement orchestré, s’est filmé, et nous donne à réfléchir et analyser sur son acte clairement islamophobe.

Comment ne pas faire de lien avec le terrorisme djihadiste ? En cela, Daech a une fois encore gagné après avoir résisté sur un territoire pendant 3 ans alors que personne n’y croyait : provoquer un climat de psychose propice à attiser les haines et la montée des tensions dans des sociétés occidentales au bord du gouffre et qui peinent encore à faire croire à leur succès en matière d’inclusion. Les Musulmans deviennent l’ennemi  numéro un. Car les 49 victimes des deux mosquées présumément visées par Brendan Terrant n’avaient rien demandé ni rien revendiqué si ce n’est pratiquer leur islam paisiblement. Sur la vidéo de son acte, il fait appel au nationalisme serbe ayant résisté à l’Islam turc, et il cite également le nom de Charles Martel, héros de la mythique bataille de Poitiers. A l’aune du document de 74 pages laissées, Terrant est aussi un adepte convaincu du grand remplacement, cette vision radicale d’un monde où les musulmans chercheraient à prendre le pouvoir dans bon nombre de pays occidentaux. Très étrangement, Terrant aurait commis son acte quelques semaines après la condamnation de Bissonnette au Canada à la prison à vie. Acte de vengeance et de défiance face à la justice des Hommes ?

Les premières pistes d’analyse que l’attentat de Christchurch révèle sur les motifs de l’acte, les conséquences et les inquiétudes à avoir dans le futur, sont au moins de trois ordres. L’auteur de cet attentat, car il s’agit bel et bien de terrorisme, un acte de violence motivé par une idéologie destiné à provoquer un changement de l’ordre établi, a méticuleusement planifié son acte. En effet, en plus des traces laissées sur Internet avant le drame, le terroriste a diffusé une vidéo de son acte sur Facebook, vidéo de 17 minutes dans laquelle des croyants paisibles sont massacrés en direct par un homme préparé et bien équipé, et dont le matériel ne laisse aucune équivoque sur l’environnement idéologique duquel il est issu : symbole 14, Soleil Noir, etc. Même la trame musicale lors de son trajet vers la mosquée, aux morceaux tels que « Remove Kebab », un classique de l’Alt-Right virtuelle appelant au meurtre de musulmans, avait été choisie, L’auteur de l’attentat désirait faire passer un message, et dissiper toute interprétation alternative quant à l’objectif de son geste : rien de moins que la reconquête par les « blancs » des États occidentaux.

L’invocation à des fins communicatives des noms de terroristes suprémacistes passés, notamment Alexandre Bissonnette, démontre qu’au sein de l’extrême-droite violente, il existe également la fibre du martyr. L’auteur de cet acte, en communiquant son identité, sait que sa vie se termine, et croit que sa mort ou sa condamnation le feront passer au rang des héros de la cause qu’il défend. C’est un concept proche du martyr djihadiste, à ceci près qu’il est indépendant d’une relation avec le divin : là, le passage au statut de martyr se fait au travers de la communauté que le terroriste représente.

L’urgence posée par les dérives djihadistes en Occident ne doit pas occulter la menace que représentent les autres origines idéologiques du terrorisme, particulièrement l’extrême-droite. En effet, aux États-Unis, les terroristes de la droite radicale sont à l’origine de beaucoup plus de morts que les « terroristes instantanés » inspirés par Daech. Le Québec s’est doté en 2015 d’un organisme capable de prévenir et de contrer toutes les dérives idéologiques sans stigmatiser les communautés musulmanes : le Centre de Prévention de la Radicalisation Menant à la Violence, devenu l’un des leaders mondiaux dans la pratique de la prévention des dérives radicales, notamment depuis le triste attentat de Québec en janvier 2017.

Les événements du 15 mars 2019 à Christchurch, le pire acte terroriste antimusulman dans l’Occident moderne, démontrent encore une fois l’urgence de cesser de considérer le terrorisme comme un phénomène étranger, mais comme une réalité qui peut apparaître dans tous les contextes socioéconomiques et idéologiques. En érigeant le terrorisme au rang de « crime suprême » lors de la « War on Terror », l’Occident a créé son propre pire ennemi : une arme meurtrière qui utilise les médias modernes comme diffuseur à large échelle. Désamorcer cette bombe requiert une approche subtile et compréhensive du phénomène, basée sur la sociologie, la psychologie et la criminologie, qui doit être déployée en amont du problème, avant la méthode sécuritaire, et surtout de manière indépendante de cette dernière.

 

Maxime Fiset

chargé de projets au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (Montréal), étudiant en sciences politiques Université Laval (Québec), ancien leader et militant d’extrême-droite

 

Sébastien Boussois

Docteur en Sciences politiques, chercheur associé en relations euro-méditerranéennes à l’ULB (Bruxelles), l’UQAM et le CPRMV (Montréal).

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