À nos enfants !
08H13 - vendredi 14 décembre 2018

Bienvenue au pays des géants verts ! Rencontre avec Alain Bresson à Argentenay en Bourgogne (France)

 

Dans la forêt d’Argentenay, en Bourgogne, Alain Bresson crée avec des arbres vivants et dans le respect de la nature, des sculptures fantastiques : le Maramousse, le Dromigognone… Il accueille dans cet univers onirique des classes en partenariat avec la commune d’Argentenay et le soutien de la DRAC Bourgogne Franche-Comté, de la Communauté de Commune Le Tonnerrois et de l’Association l’Art des Chênes.

Cornemousse. L : 7,50 m

 

Opinion Internationale : Alain Bresson, vous accueillez des écoliers au pays des géants verts. Pourriez-vous nous expliquer la raison d’être de cet accueil, de ce travail que vous réalisez ?

Alain Bresson :à l’école, j’étais un bon cancre. Je n’étais pas très doué dans les matières dites académiques mais j’étais bon en travaux manuels. Mon institutrice de CM2 l’avait remarqué et elle me sollicitait régulièrement pour que j’aille aider les autres. Elle me valorisait beaucoup et ça, je ne l’ai pas oublié. J’ai gardé en mémoire aussi la dédicace qu’elle m’avait faite dans l’un de mes cahiers : « Au futur prix de Rome ». Ce n’est que bien plus tard que j’ai appris ce qu’était le prix de Rome. Et cette dédicace, lorsque j’ai reçu des prix internationaux pour mes céramiques, a refait surface. Elle est là inscrite en moi avec cette institutrice qui a su déceler mon potentiel.

Alors accueillir des classes, c’est repérer ces enfants créatifs, leur ouvrir des possibles. C’est aussi échanger avec tous les élèves et leurs enseignants.

Je leur lègue un message, celui de la liberté, celle que les arts plastiques offrent à l’école, le seul espace où l’on apprend à être libre. Je crois à l’apprentissage de la liberté.

  

Que font les élèves dans cet atelier à ciel ouvert ? Quelle commande leur passez-vous ?

Je rencontre les élèves toujours avant dans leur classe et nous discutons. Comme je vous l’ai dit précédemment, je repère les enfants créatifs. Ils posent des questions particulières, ciblées et ont cette petite chose en plus qui apparaît toujours dans leur sculpture. J’explique clairement que ce travail est spécifique. Je leur dis aussi qu’ils ne travailleront que pour eux-mêmes et pas pour moi et qu’ils devront réaliser quelque chose qu’ils n’ont jamais fait auparavant. C’est le propre de la création de faire ce que nous ne savons pas faire.  

Puis, lorsqu’ils arrivent dans la forêt, à Argentenay, nous faisons un petit tour. Nous nous promenons dans cette forêt et observons ces sculptures végétales réalisées en partie avec de la mousse et des arbres vivants. La mousse est un végétal très fragile qui interagit avec ce qui se passe dans la nature. Si l’air est trop pollué, elle meurt. Je leur fais donc prendre conscience de ce matériau fantastique qui se trouve autour de nous.

Je leur passe une commande avec une seule règle à respecter : créer une sculpture qui soit plus grande qu’eux, sculpture qui vivra car elle sera construite à partir d’un petit arbre qu’ils ne devront en aucune manière couper. Les élèves travaillent donc avec différents matériaux dont la mousse, des bouts de bois… Rien n’est acheté. C’est difficile et c’est là que cela devient intéressant car les élèves sont obligés de trouver des solutions. Ils s’entraident, se trompent, recommencent. Le but est d’aller vers ce qu’ils ne savent pas faire. L’erreur est un outil formidable pour apprendre.

Et pendant cette phase, j’interviens. Pour certains, je les place au bord de la falaise et je les pousse à être totalement libres et avec d’autres, je leur pose des petites ailes pour les aider. Je suis capable de voir avec ce que réalise l’enfant qui il est et je le porte. Je suis pleinement dans mon rôle d’artiste à ce moment-là.

J’aide aussi parfois les enseignants à porter un regard différent sur les élèves. Je pense à cette petite fille qui dessinait toujours des choses minuscules sur ses cahiers. L’enseignante pensait qu’elle était très minutieuse. Or, lorsque je lui ai donné un espace extrêmement grand par rapport à sa taille pour construire sa sculpture, c’est elle qui a fait la plus grande de toutes les sculptures de la classe. Elle était prisonnière d’un système, enfermée dans l’espace feuille. Elle avait besoin de liberté…

  

Que deviennent leurs œuvres ? Sont-elles exposées ?

Les œuvres des élèves sont exposées dans la forêt d’Argentenay. Certains élèves reviennent avec leurs parents et viennent déposer ou ajouter de petites choses. Ce sont des sculptures éphémères qui continuent leur vie avec et sans nous.

Une certaine forme de magie opère. Nous sortons tous transformés : eux par ce travail créatif qui leur a appris, je l’espère à être libre et moi, en les voyant se déployer, en voyant cette liberté qui prend forme, je nourris ma recherche et mon travail artistique.

  

Propos recueillis par Lucie Breugghe

Enseignante chercheuse, chef de rubrique « A nos enfants ! »

 

Pour un usage plus raisonné des notes à l’école

L’évaluation des élèves, en France, est encore aujourd’hui excessivement centrée sur une notation systématique, laquelle permet aux parents de suivre la scolarité de leurs enfants et aux élèves de se situer dans la compétition scolaire.