Droits pratiques
09H15 - jeudi 6 décembre 2018

Arrêtons de panser, pensons ! Pour une vraie politique du logement, la tribune de Jacques Patrick Pilcer

 

La France a besoin d’une vraie politique du logement. Cela commence par la fiscalité…

Suppression de l’ISF, baisse des APL, président des riches, etc…voilà beaucoup de reproches faits par tout un chacun au Président Macron, reproches repris par les gilets jaunes, reproches souvent fondés avec un point commun en filigrane :  l’absence de politique du logement. Une preuve, il a fallu attendre novembre 2018 pour que le gouvernement se dote d’un ministre du logement en la personne de Julien Denormandie.

Pourtant, il n’y a pas eu de suppression de l’ISF mais une transformation pour n’imposer que les biens immobiliers, et tenter d’inciter les épargnants à sortir de l’immobilier pour aller vers les placements mobiliers. Au passage, on pourra se demander, en matière de justice fiscale, pourquoi détenir un Basquiat ou un Hartung n’est pas soumis à l’impôt sur la fortune quand avoir un appartement familial de 120m2 dans Paris est considéré comme une « fortune ». Par l’IFI comme par la baisse des APL, le gouvernement rogne toujours un peu plus le pouvoir d’achat des jeunes comme des retraités.

La retraite par capitalisation, vieux débat, existe en France ; elle s’appelle assurance vie et investissement locatif. Et l’investissement locatif est la meilleure façon, jusqu’à présent, pour un enseignant comme pour un médecin de se créer des revenus complémentaires à terme en profitant du seul effet de levier possible pour un particulier, c’est-à-dire en empruntant, avec un patrimoine initial très faible. L’immobilier est le seul support qui permet cela, avec une bonne visibilité et un risque modéré. L’immobilier n’est pas l’investissement des riches, un studio n’est pas un Picasso. Acheter un appartement en empruntant souvent 100%, et le louer à de jeunes étudiants, ce n’est pas de la spéculation, c’est de l’investissement socialement responsable et durable, bien plus que d’avoir 2% de Vivendi ou 0,5% de BNP !

Lorsque le gouvernement incite les épargnants à sortir de l’immobilier pour aller vers les actions, il empêche la mise en place d’un effet de levier, et met l’épargne des Français en risque. On connaît tous les cycles boursiers. La ligne droite en bourse n’existe pas, il y a des fluctuations, certaines fois de violentes fluctuations. Et après les années de hausse des marchés que nous venons de connaître, une forte baisse dans quelques mois, plus forte que la correction de ces dernières semaines, est fort probable, comme par hasard peu avant les prochaines élections présidentielles. Non seulement, le gouvernement met en danger l’épargne, mais par manque de réflexion, il met du même coup la réélection du Président Macron en risque.

Que Bercy insiste pour faire sortir les épargnants de l’immobilier, et ne laisser que les fonds et les institutionnels détenir la Pierre, est inscrit dans ses gênes. Bercy a toujours préféré qu’il y ait moins de banques, moins d’assureurs, moins de sociétés de gestion, favorisant les regroupements et aidant les gros à manger ou tuer les petits. C’est plus commode, je ne veux voir qu’une seule tête, cela réduit les risques. Pour la Place de Paris, cela réduit l’attractivité, cela réduit les emplois, cela diminue la créativité ; et pour la France, au bout du compte, moins d’emplois, moins de cotisations patronales et salariales, moins de TVA, moins d’impôts sur les sociétés, moins d’impôts sur les revenus…et pas forcément moins de risques, certes moins de risques spécifiques mais plus de risques systémiques… Là comme ailleurs, les choix inspirés par Bercy augmentent le chômage au lieu de l’éradiquer.

Sur le logement, il en est de même : pas de politique pensée, dans un pays qui manque de près de 4 millions de logements. Pas de politique d’accession à la propriété, pas de politique d’incitation à l’investissement locatif. Pourtant le logement, l’immobilier, est un secteur qui emploie beaucoup de gens, souvent des PME PMI qui, si le vent est porteur, peuvent embaucher plus facilement que des fonds français comme étrangers. Ces emplois sont souvent à qualifications faibles, ces emplois ne sont pas délocalisables. Et l’impôt de ces sociétés est payé localement, pas par des fonds de pension qui achètent intensivement l’immobilier parisien… Préfère-t-on vraiment que l’immobilier en France soit détenu par des particuliers ou par des fonds ? Une politique du logement n’est pas un pansement, elle ne doit pas panser, mais être pensée…

L’IFI touche les retraités et futurs retraités, la baisse des APL touche les jeunes. Si le gouvernement veut améliorer le pouvoir d’achat des jeunes comme des retraités, il est grand temps qu’il pense une réelle politique du logement.

 

Patrick Pilcer

Expert près la Cour d’Appel de Paris, conseiller en Investissements Financiers